L'Echo de la Fabrique : 18 novembre 1832 - Numéro 56

 DE LA CAISSE DE PRÊTS.1

Cette caisse, instituée pour subvenir aux besoins des chefs d?atelier de la fabrique d?étoffes de soie de Lyon, des communes de la Croix-Rousse, la Guillotière et Vaise, sera en activité de service à compter du 19 novembre courant. Tout chef d?atelier, qui voudra emprunter, devra s?adresser au secrétariat du conseil des prud?hommes, lequel est ouvert tous les jours, de huit à dix heures du matin, et de trois à cinq heures du soir ; il devra se conformer aux statuts suivans.

Quoi qu?ils aient été affichés, nous croyons devoir les rappeler ici, nous réservant de proposer nos vues sur leur contexte.

« titre iv. ? Du mode et des conditions des prêts.
Art. 12. Tout chef d?atelier qui désirera obtenir des avances de la caisse de prêts, déposera entre les mains de l?agent comptable, ou de tout autre à ce préposé, une demande par écrit adressée à la commission exécutive, et énonçant ses nom et prénoms, le genre de fabrication qu?il exerce, sa demeure, le nombre de métiers qu?il possède ; s?il est marié ou veuf, ou célibataire ; s?il a des enfans, en quel nombre et de quel âge ; enfin, s?il est totalement ou seulement en partie inoccupé.
Il joindra à cette demande ses livrets de chef d?atelier.
Les articles 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 disent textuellement :
La caisse ne prêtera qu?après la décision de la commission exécutive, laquelle pourra décider que la somme demandée sera prêtée intégralement ou en plusieurs paiemens. La somme prêtée ne pourra jamais dépasser la valeur des métiers, ustensiles, alors en possession de l?emprunteur.
Lorsque le prêt sera accordé, il sera dressé une obligation en deux doubles, laquelle sera littéralement transcrite sur chacun des livrets de l?emprunteur, qui contractera ainsi l?engagement de la rembourser en capital et intérêts, conformément aux dispositions du titre 3 de la loi du 18 mars 1806, concernant les livrets d?acquits, et qu?ils y seront assimilés en tout point.
L?emprunteur sera admis à se libérer par acomptes, lesquels ne pourront être au dessous de 10 fr. Néanmoins, l?administration recevra toujours toutes les sommes qui seront retenues, en vertu de l?art. 25 de la loi du 18 mars 1806.
Les intérêts du principal cesseront de courir sur chaque acompte de 10 fr.
L?intérêt des prêts est fixé à 5 pour cent l?an.
Au titre des dispositions générales, il est dit que tout chef d?atelier débiteur à la caisse, qui renoncerait à la fabrication des étoffes, pour embrasser une autre profession, sera tenu de rembourser immédiatement à la caisse, la totalité de ce dont il serait redevable. A défaut de ce remboursement immédiat et intégral, il sera poursuivi en paiement de cette dette, à la diligence de l?agent comptable. Pour tous les cas, les poursuites seront exercées, s?il y a lieu, par devant le conseil des prud?hommes, suivant les formes en usage pour cette juridiction. »

Les fonds de cet utile établissement se composent premièrement d?une somme de 25,000 fr. accordée par le gouvernement en 1831, à titre de secours pour les ouvriers de la fabrique d?étoffes de soie, et d?une somme de 150,000 fr. également accordée par le gouvernement ; plus, d?une somme de 15,000 fr. qui sera prélevée sur les produits libres de la condition publique des soies, ce qui forme un capital de 190,000 fr.

Le gouvernement, en créant et faisant les premiers fonds d?un établissement devenu indispensable, dans une grande ville manufacturière, où les nombreux ouvriers, trop souvent exposés aux chances commerciales, sont depuis long-temps dans la détresse, a donné un bel exemple ; il ne peut manquer d?être apprécié et suivi par le conseil général du département, les conseils municipaux de Lyon et des communes de la Croix-Rousse, La Guillotière et Vaise, dont les habitans, conjointement à ceux de Lyon, sont appelés à jouir des [4.1]avantages de cet établissement. Le gouvernement, comme fondateur, a fait aussi un appel aux négocians, aux propriétaires, aux rentiers, et généralement à toutes les classes de la société, pour augmenter et consolider cette utile fondation.

Cet appel sera entendu de tous les hommes éclairés et philantropes. Il y a mieux : le capitaliste, souvent embarrassé de faire valoir son argent, regrettera-t-il d?en disposer une partie pour un si noble emploi ? Les propriétaires, pour qui un semblable établissement est une garantie et une assurance de leurs loyers, verront sans doute leur intérêt à contribuer à augmenter le capital de la caisse. Les négocians-fabricans, dans l?intérêt desquels cette caisse a été formée, aussi bien que dans celui des chefs d?atelier, s?empresseront aussi de seconder les vues bienfaisantes du gouvernement ; ils préviendront par là l?anéantissement prochain d?un grand nombre d?ateliers, et fixeront à Lyon une industrie qui est sur le point de périr.

Toutes les classes aisées de notre ville sont intéressées aux succès de cet établissement qui n?aura jamais assez de capitaux pour aider et soulager toutes les infortunes. S?il prospère, comme on doit le croire, il sera le gage de la sécurité et de la prospérité future de notre cité ; nos nombreux ouvriers, lorsqu?ils verront que nos autorités, et ceux que la fortune a favorisés, s?occupent d?eux et du soin d?améliorer leur sort, qui leur est en quelque sorte confié par la providence, auront foi en un avenir meilleur ; ils pourront alors pardonner et oublier leurs souffrances ; ils seront attachés à leur ville natale. à leur industrie ; mais il est temps, car bientôt ils n?avaient plus de patrie !

Que, par ce concours simultané, par cet empressement de toutes les classes, notre cité, loin de rester en arrière de quelques autres villes qui possèdent déjà des établissemens semblables, leur donne l?exemple d?une caisse tellement dotée et administrée qu?elle mérite le nom de Banque industrielle. Il appartient à Lyon, qui possède l?agglomération la plus considérable d?ouvriers professant une même industrie qui existe peut-être en Europe, de donner un si noble exemple ; elle prouvera, par-là, qu?elle a profité des terribles leçons qu?elle a reçues, et bientôt toutes les villes manufacturières de France, à son imitation, posséderont des établissemens semblables. L?aisance, renaissant peu à peu dans les classes les plus nombreuses et les plus pauvres ; on n?aura plus le triste spectacle de populations souffrantes et exténuées, mourant de faim et de misère, tandis qu?un oisif, bouffi d?orgueil, se plaint gravement de la stagnation de ses capitaux ; ce contraste choquant aura disparu par la création des caisses de prêts. Puissions-nous ne pas nous abuser !

F........

Les chefs d?ateliers qui désirent emprunter, trouveront, gratis, des modèles de lettres de demandes, au secrétariat du conseil, et au bureau de cette feuille.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Joachim Falconnet, d?après la Table de L?Écho de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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