L'Echo de la Fabrique : 25 novembre 1832 - Numéro 57

 AU MÊME.

Monsieur,

En parcourant, dans votre journal de dimanche, les différens noms proposés pour remplacer celui de canut, j’ai vu plusieurs mots composés du mot français, latin ou grec de la matière, auquel est joint la désinence iste, dont je ne vois, dans aucune langue, le rapport étymologique ; tous ces composés me semblent incomplets, attendu qu’ils représentent les uns la matière et pas l’ouvrier, les autres l’ouvrier et pas la matière. Pourquoi n’emprunteriez-vous pas au latin le mot faber (ouvrier), qui, joint au nom de la matière, formerait un nom composé, complet et euphonique. Ainsi vous avez fait pour orfèvre (ouvrier en or), pourquoi ne diriez-vous pas soiefèvres, soieriefèvres, sérifèvres, ouvriers en soie.

Le mot fabricant désigne le négociant ; les ouvriers pourraient s’emparer de la partie significative de ce mot fabri (ouvriers), et en substituant à la désinence insignifiante cant le nom de la matière, faire fabrissoie ou fabrissériciens, ce dernier est peut-être un peu long.

Je crois que tissoyer a été proposé, il serait peut-être préférable à cause de son etimologie toute française.

Le nom de canut n’a rien de déshonorant, il a été celui de plusieurs rois de Suède et de Danemarck qui ne lui ont rien légué de ridicule ; cependant, si les ouvriers qu’il désigne s’obstinent à le prendre pour une insulte, il convient qu’ils en changent.

Quoique étranger à votre belle France, je prends la liberté, monsieur le rédacteur, de vous adresser ces observations pour que vous en fassiez ce que bon vous semblera, rien si vous le jugez convenable.

J’ai l’honneur de vous saluer.

Du Nagell.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique