L'Echo de la Fabrique : 9 décembre 1832 - Numéro 59

 

Au Rédacteur.

Monsieur,

Dans votre compte-rendu de la séance du conseil des prud’hommes du 27 novembre, je lis une note qui est ainsi conçue :

« En décidant que le déchet de 45 gr. serait alloué seulement sur la dernière pièce, le conseil n’a pas voulu donner de la rétroactivité à ses décisions, attendu que les autres pièces auraient été fabriquées à une époque antérieure, nous croyons qu’il aurait pu mieux faire. »

Je ne pense pas que votre intention ait été de blâmer le conseil d’avoir respecté les règles de droit qui ne permettent pas qu’aucune loi, aucun jugement aient un effet rétroactif, dès-lors, je vous avoue que je ne saisis nullement le sens de ce que vous avez voulu dire. Vous ne devez pas oublier que vous parlez pour des ouvriers, et qu’il convient de vous rendre intelligible pour eux. La meilleure chose, quand on ne la comprend pas, est comme non avenue.

Veuillez excuser mes réflexions, et me croire, etc.

Lyon, 3 septembre 1832.

CHARTAUD, cadet.

Note du rédacteur. – Il est possible que nous ne nous soyons pas exprimés d’une manière assez claire, nous allons y suppléer. Le chef d’atelier qui nous écrit a raison d’être convaincu que nous n’avons pas voulu soutenir qu’une loi, qu’un jugement puissent avoir d’effet rétroactif. Telle n’était pas notre pensée ; mais nous avons voulu dire que le conseil, sans blesser ce principe de jurisprudence incontestable, aurait dû allouer les déchets sur toutes les pièces. En effet, par son jugement du 11 octobre dernier pour Malcros contre Montperlier et Dubois, lequel a condamné ces derniers à tenir compte, au chef d’atelier, de 45 gr. pour déchet ; le conseil n’a pas créé un droit, il ne l’aurait pas pu ; il n’a fait que reconnaître et constater un droit préexistant. Ce n’est pas en vertu de ce jugement du 11 octobre que les chefs d’ateliers ont droit d’exiger 45 gr. de déchet, mais en vertu d’un usage tombé en désuétude, il est vrai, ce qui était une des causes de la misère, et par suite du mécontentement des ouvriers, mais que les prud’hommes chefs d’atelier ont été appelés, par les instructions de leurs commettans, à faire revivre et à exiger, ce qu’ils ont fait le 11 octobre, ce qu’ils auraient dû faire plus tôt à notre avis et préalablement à toute discussion. C’est en ce sens que nous avons dit qu’on aurait pu mieux faire. En d’autres termes, le chef d’atelier a été spolié des déchets qui lui étaient dûs sur toutes les pièces antérieures à la dernière.

 

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