L'Echo de la Fabrique : 30 décembre 1832 - Numéro 62

 Conseil des prud’hommes.

Audience du 27 décembre.

(présidée par m. goujon.)

Dans cette séance, le conseil a eu à prononcer sur une question qui est une source de mésintelligences et de querelles entre les maîtres et leurs élèves, c’est celle de la fixation de la tâche imposée à ces derniers.i

Cette question se compliquait ainsi :
*** Première question. – Un maître, a-t-il le droit de fixer à son élève une tâche plus élevée que celle d’usage ?ii Non.

*** Deuxième question. – Lorsqu’un élève a terminé son apprentissage et que pendant sa durée il s’est arriéré, peut-il être admis à réclamer contre une tâche trop élevée ? Non.

*** Troisième question. – Lorsqu’un maître a réduit la somme qui lui est due, par une nouvelle inscription de sa dette sur le livret de l’ouvrier peut-il être admis à réclamer contre la diminution qu’il a librement consentie ? Non.

Le sieur Masson, qui a terminé un apprentissage de cinq années chez le sieur Algond, réclame contre l’inscription sur son livret de compagnon d’une somme de 54 fr. Il déclare ne pas s’en rapporter à la conciliation, qui avait reconnu l’inscription de cette somme, déduite de celle de 104 fr. 65 c. Il dit que son maître lui a toujours fixé une tâche plus élevée que celle en usage dans les autres ateliers. – A ces assertions, le sieur Algond répond par la lecture de sa défense. Il retrace tous les égards qu’il a eus pour son élève, lui ayant fait faire sa première communion, et dit que la tâche fixée au sieur Masson est la même que celle fixée dans son atelier à tous ses élèves ; que c’est le seul qui se soit mis en arrière, que tous ont gagné après leur tâche ; que c’est pure négligence de sa part s’il s’est arriéré, qu’au fait il n’a jamais réclamé contre une tâche trop élevée pendant le cours de son apprentissage. Il termine en disant que c’est par erreur qu’il a diminué la somme qui lui est due, de 50 fr., et déclare ne pas s’en rapporter à la conciliation qui avait eu lieu devant deux membres, lesquels avaient décidé que l’inscription de la somme de 54 fr. serait maintenue.

« Attendu que l’apprenti a acquiescé aux tâches que lui a fixées son maître ; mais attendu la concession faite par ce dernier, de réduire à 54 fr. la dette de son apprenti qui était de 104 fr. 65 c., le conseil décide que ce solde de compte, 55 fr., sera payé au sieur Algond par l’apprenti. »

Notes de fin littérales:

i Il est d’usage dans la soierie de tracer à l’élève une tâche, et lorsqu’il la dépasse, le surplus lui est payé et lorsqu’elle n’est pas remplie il doit en tenir compte à son maître.
ii Il est d’usage de fixer sa tâche aux 2/3 de la journée moyenne. Le conseil l’a reconnu et prend cette fixation pour base de ses décisions. Mais il aurait dû se prononcer par un réglement qui eût fixé les tâches, au moins pour les articles courans, cela éviterait beaucoup des difficultés et maintiendrait la discipline dans les ateliers.

 

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