L'Echo de la Fabrique : 6 janvier 1833 - Numéro 1

 CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Audience du janvier.

(présidée par m. goujon.)

Lorsqu?un maître a un élève dont la mauvaise conduite est devenue insupportable, et que les faits sont régulièrement constatés, le maître peut-il demander la résiliation de ses conventions et une indemnité. R. Oui.

Le sieur Piaton s?était plaint depuis long-temps de la conduite du sieur Payant, son élève. Sur ses plaintes, le conseil délégua M. Falconnet, l?un de ses membres, pour surveiller la conduite de l?élève, et inspecter l?atelier. Le sieur Piaton ne pouvant supporter plus longtemps la mauvaise conduite de son élève, le traduisit de nouveau, ainsi que le sieur Payant père, à l?audience du 18 décembre dernier ; sur le rapport de M. Falconnet, lequel déclare s?être transporté une douzaine de fois dans l?atelier, et y avoir reçu de toutes les personnes employées dans l?atelier, des plaintes graves contre l?élève, lesquelles consistent : 1° qu?il ne portait aucun soin à l?étoffe qu?il fabriquait, et que le maître se voyait dans la nécessité de ne plus pouvoir lui en confier, sans se trouver en perte ; 2° qu?il ne pouvait s?accorder avec aucune des personnes de la maison, les insultant, et maltraitant les enfans employés à lancer, même pendant la nuit, ce qui causait continuellement du scandale dans l?atelier. Les témoins du sieur Piaton, confirmèrent les faits. Le conseil condamna le sieur Payant père à payer à titre d?indemnité la somme de 150 fr. et les frais de raccommodage de schals, et aux frais.

Le sieur Payant père, n?ayant pas voulu s?en tenir à cette décision préparatoire, fonda de procuration le sieur Tornier, commissaire, qui comparut à l?audience du 26 décembre, et demanda le renvoi à huitaine, pour produire des témoins en faveur de l?élève, ce renvoi fut accordé.

A l?audience de ce jour, le sieur Tornier, réclame l?audition de ses témoins, lesquels par leur déposition confirment les faits à la charge de l?élève. Le sieur Tornier, interdit par de pareilles dépositions, déclare ne pas avoir suffisante connaissance des faits. Le conseil, après avoir entendu deux des témoins du sieur Piaton, déclare être suffisamment éclairé, et prononce le jugement suivant.

« Attendu le rapport du sieur Falconnet, du 18 décembre, et la déposition des témoins, le conseil condamne le sieur Payant père à payer à Piaton la somme de 150 fr., à titre d?indemnité, et renvoie les parties [5.2]à régler les comptes des dégâts ou raccommodages de schals, pardevant MM. Gamot et Falconnet. »

Lorsqu?un fabricant a fait apprêter des pièces, peut-il se refuser au paiement de l?apprêt, en alléguant que les pièces ont été portées chez l?apprêteur, et apprêtées contre son consentement explicite ?? R. Non.

La dame Franquet, se plaignait d?un jugement qui la déclarait débitrice du sieur George pour l?apprêt de deux pièces de tulles, apprêtées au nom de cette dame et reçues par elle. La dame Franquet expose au conseil que les pièces ont été refusées, attendu que n?étant pas apprêtées à l?heure fixée, elles n?avaient pu parvenir à leur destination, ce qui lui avait causé un grand préjudice, elle ajoutait qu?elle avait contremandé la seconde pièce. Ce fait étant contredit par l?apprêteur, le conseil considérant que la dame Franquet a reçu les pièces apprêtées en son nom, a confirmé son jugement purement et simplementi.

Une indemnité est-elle due au chef d?atelier, par le négociant qui lui a occasionné une perte de temps, même lorsqu?il se détermine enfin à lui donner une pièce d?un long aunage ? ? R. Oui.

Le sieur Bressac réclame au sieur St-Olive une indemnité, pour la perte de temps que lui a occasionné le refus de deux pièces qui lui avaient été promises. Le sieur Liautard, associé du sieur St-Olive, se présente offrant une pièce de cent aunes, au sieur Bressac, qui, de son côté, déclare l?accepter moyennant une indemnité.

« Attendu la perte de temps occasionnée au sieur Bressac, par le fait du sieur St-Olive, le conseil déclare qu?il payera au dit Bressac la somme de dix francs, et lui donnera une pièce de suite ; le condamne aux frais. »

Notes de fin littérales:

i Nous avons reçu des réclamations de plusieurs tullistes, dont nous allons faire part à nos lecteurs, et que nous déclarons partager. On se plaint que MM. les prud?hommes de la section de soierie votent habituellement dans des questions qui sont personnelles aux autres professions. On nous observe avec raison, que l?Echo s?est élevé mainte fois contre cet abus dans l?intérêt de la fabrique d?étoffes de soie, et l?on nous somme en quelque sorte de donner une preuve de notre impartialité en signalant la conduite peu conséquente des prud?hommes chefs d?atelier. Nous ne répugnons nullement à cette manifestation nouvelle d?un principe vrai et qui dès-lors ne peut subir aucune variation dans son application. Nous avons donc lieu d?espérer que MM. les prud?hommes de la fabrique, suffisamment avertis, s?abstiendront dorénavant de participer à toutes les délibérations qui seront relatives à une industrie étrangère à la leur ; ils en acquerront d?autant la force nécessaire pour exiger la même réciprocité des autres sections.

 

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