L'Echo de la Fabrique : 20 janvier 1833 - Numéro 3

 DU REFUS DE SERMENT DES CHEFS D’ATELIER.

Les chefs d’atelier de la première section de la ville de Lyon étaient, comme on sait, réunis dimanche dernier sous la présidence de M. Isaac Rémond. Déjà deux ouvriers s’étaient présentés, et soit conviction (ce qu’il ne nous appartient pas de scruter), soit timidité ou crainte de ne pouvoir voter, ils avaient prêté le serment illégal et sacrilége de fidélité au roi contre lequel nous nous sommes élevés dans notre dernier numéro, lorsque M. Berger, notre gérant, est venu déposer son vote, injonction du président de prêter serment ; réponse de M. Berger qu’il ne veut pas, et par suite refus du président de recevoir son bulletin. Mais en ce moment [1.2]l’Echo circulait dans la salle, ses doctrines étaient hautement approuvées, et une protestation allait être signée contre cette entrave apportée au droit des chefs d’atelier électeurs. Craignant sans doute l’effet de cette protestation, et voyant que personne ne s’approchait pour voter, M. le président a mis fin à la fermentation qui régnait, en déclarant qu’il allait envoyer un exprès au préfet pour lui faire part du refus des ouvriers de prêter serment, et lui demander ses ordres. Cet exprès est revenu peu après apportant l’ordre du préfet de s’abstenir de faire remplir cette formalité, et le carton sur lequel était écrit le serment a été enlevé aux applaudissemens de l’assemblée. L’élection a continué et le dépouillement du scrutin a produit le résultat dont nous rendrons compte ci-après.

Nous félicitons les ouvriers de leur belle conduite en cette circonstance grave, et de l’adhésion qu’ils ont donnée par là, soit aux principes professés par les rédacteurs de l’Echo, soit à la conduite de M. Berger. Les ouvriers ont vu que l’union faisait la force, et que, sans aucune collision avec l’autorité, le peuple obtenait justice lorsqu’il le voulait. Cet enseignement ne sera pas perdu. Honneur aussi à la sagesse de M. Gasparin ! Il a prouvé en cette occasion qu’il était digne de son pèrei1 et de sa réputation politique.

Le procès est jugé, il ne nous convient pas d’insister davantage.

Notes de base de page numériques:

1 T.-A. Gasparin (1754-1793), député à l’Assemblée législative en 1791, puis membre de la Convention.

Notes de fin littérales:

i M. GasparinT.-A. Gasparin, l’un des membres de l’immortelle convention nationale.

 

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