L'Echo de la Fabrique : 20 janvier 1833 - Numéro 3

 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 17 janvier.

(présidée par m. goujon.)

Un chef d’atelier qui a fait des échantillons à un négociant pour l’exécution desquels il a monté plusieurs dispositions sur le même métier, et qui aurait ensuite consenti à tenir ce négociant quitte de ses frais de montage moyennant 5 francs et la promesse d’ouvrage continu pendant six mois, sur la dernière disposition a-t-il le droit si le marchand ne tient pas cette convention, de réclamer sa main-d’œuvre des échantillons et ses frais de montage ? – R. Oui, le fabriquant lui ayant refusé l’ouvrage qu’il lui devait.

Le sieur Gallien, marchand, déclare s’être opposé à la levée du jugement rendu par défaut contre lui au profit du sieur Montigon, attendu qu’il ne lui doit rien, ce dernier ayant demandé l’acquit de son livret, il n’avait pas cru devoir se rendre devant le conseil.

M. le président fait observer au sieur Gallien qu’il a eu tort en faisant défaut sur l’assignation.

Le sieur Montigon réclame au sieur Gallien quatorze journées qu’il a passées à lui faire des échantillons, à 2 fr. 50 c. par jour, et le remboursement de sa dépense de deux montages de métier, en tout 75 fr. Le sieur Gallien dit qu’il a donné une somme de 5 fr. à la dame [6.1]Montigon pour les frais de montage, et qu’il ne pouvait continuer à donner de l’ouvrage, attendu que la fabrication du sieur Montigon ne lui convenait pas. Le sieur Montigon rappelle la convention faite alors avec le sieur Gallien, par laquelle il abandonnait ses frais de montage, ce dernier lui ayant promis de son côté, de lui continuer de l’ouvrage suivi sur la même disposition, par grands aunages, et pendant six mois ; au lieu de cela il n’a fabriqué que deux petites pièces d’un article de 45 c. l’aune.

« Attendu qu’il est constant que le sieur Montigon a passé 14 jours à faire des échantillons sur lesquels il y en a douze de travail à 2 fr. 50 c. par jour, ce qui fait 30 fr. Attendu que les deux montages de métier sont évalués à 15 fr. chaque, soit 30 fr., le conseil condamne le sieur Gallien à payer ces deux sommes, montant à 60 fr., au sieur Montigon, et aux frais. »

Le sieur Imbert expose qu’en 1828 il fut obligé de quitter Lyon, et qu’alors son épouse sollicita plusieurs fois les sieurs Mantelier et Neyron de régler compte. Elle ne put l’obtenir ; elle fut donc obligée en partant de laisser ses livres entre leurs mains sans aucun réglement. Au bout de six mois elle revint à Lyon, voulut encore régler, mais ne put rien obtenir. Il paraît qu’après ce laps de temps, ces négocians réglèrent à leur fantaisie, réclamèrent un solde au fils du sieur Imbert, qui aurait été condamné comme possédant l’atelier, à le payer aux sieurs Mantelier et Neyron. Le sieur Imbert, de retour à Lyon, espérant que la fabrique n’est plus sous le joug des marchands, et qu’il peut obtenir justice d’un tribunal qui juge publiquement et non à huis-clos comme faisait l’ancien, et dans lequel de véritables députés des ouvriers ont pris place, réclame un nouveau règlement de compte fait contradictoirement avec lui.

A cette demande dont la justice est évidente, le sieur Mantelier répond qu’il y a eu jugement ; mais le sieur Imbert lui oppose encore avec raison que ce jugement, s’il est vrai qu’il existe, ne peut avoir de force qu’autant qu’il aurait acquis l’autorité de la chose jugée, ce qui n’est pas, puisqu’il n’est pas même signifié.

Le sieur Mantelier ne réplique rien ; mais le président, sans aucune délibération, « déclare que le conseil ne peut revenir sur les jugemens rendus par le précédent conseil, et renvoie Mantelier et Neyron d’instance. »

Nous apprenons que dans la cause entre Nesme et Viallet (voir l’Echo, n° 2), M. Goujon a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à revenir sur le précédent jugement, qui n’est pas non plus signifié, et a défendu au sieur Viallet de répondre à aucune invitation du sieur Nesme.

Nota. Ces deux décisions, prises contre les principes les plus simples du droit, nous engagent à traiter la question : « Des jugemens rendus par le conseil des prud’hommes, de leur exécution et de la manière dont ils acquièrent l’autorité de la chose jugée. » Nous le ferons incessamment. Nous serons obligés en même temps de soulever une question fiscale pour laquelle nous avons déjà fait des démarches auprès du receveur de l’enregistrement.

 

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