L'Echo de la Fabrique : 10 février 1833 - Numéro 6

 

MACHINES A GAZ DE BROWN.

Le numéro 23 de la Revue britannique1 renferme une notice fort intéressante sur les machines à gaz inventées par Brown. D’après les expériences récemment faites, rapportées par ce journal, le succès des nouvelles machines n’est plus douteux ; les faits paraissent démontrer une supériorité réelle sur les machines à vapeur. L’ingénieur anglais a livré au commerce sept ou huit machines à gaz de différentes puissances qui toutes ont donné ou donnent des résultats extrêmement avantageux. La pompe qui a fonctionné à Eagle-LodgeEagle-Lodge de 54 pouces 1/2 de diamètre, donnait 5 à 6 coups de piston par minute ; chaque coup de piston, élevant 750 gallons d’eau (soit 3,375 litres), elle a rempli, en 43 secondes, une citerne de la capacité de 120 hectolitres.

Celle destinée à opérer l’épuisement des eaux du canal de Croydon avait 22 pieds de haut et son cylindre 6 pouces de diamètre. Elle tirait 1,600 litres d’eau par minute. Pendant huit mois qu’elle a fonctionné, elle a consommé 417 chaldrons de houille (soit 5,425 quintaux métriques, le chaldron étant du poids de 26 quintaux), qui ont donné en résidu 7,702 hectolitres de coke et 21,600 litres de goudron de houille ou bitume minéral. La houille distillée ou consommée pour la production du gaz et le chauffage de la machine a coûté 666 livres sterling (16,050 fr.) ; mais la revente du coke et du goudron a produit 769 livres sterling (19,225), en sorte que, non compris la valeur de l’ouvrage exécuté, qui est importante, le bénéfice a été de 103 livres sterling, soit de 2,575 fr. !!!

Il est donc permis de croire que les machines à gaz de Brown seront appelées à remplacer dans beaucoup de cas les machines à vapeur actuelles. Le peu d’espace qu’elles occupent comparativement aux énormes chaudières dont sont pourvues les machines à vapeur, l’absence de tout danger d’explosion, ne tarderont pas à leur assurer la prééminence sur celles-ci. Par elles l’on obtiendra, à moins de frais, un effort relativement plus puissant que par les machines à vapeur. La production du gaz, dans les nouvelles machines, s’opère par la distillation de la houille dans un cylindre de fer forgé, du diamètre de 6 à 8 pouces, et capable de résister à une pression de plus de 30 atmosphères.

Toutefois, tout en rendant hommage à l’ingénieuse application qu’a su faire l’ingénieur Brown de l’élasticité du gaz, à sa machine, pour en créer un puissant moteur mécanique, il est juste d’ajouter qu’un français peut revendiquer à juste titre une partie de cette importante découverte, que M. Brown n’est point l’inventeur de l’art de produire et de comprimer simultanément le gaz hydrogène à une très-haute tension dans des cylindres de fer forgé. Cette invention, à laquelle la machine anglaise est évidemment redevable de tout son succès, appartient à M. Norbert-Rillieuxi2, breveté dès 1826 (le 19 mai) ; et c’est ce que cette note a pour but de constater.

J. Renaux.

Notes de base de page numériques:

1 Mensuel publié depuis juin 1825 à Paris, la Revue britannique, comme l’indique son sous-titre présentait un « choix d’articles traduits des meilleurs écrits périodiques de la Grande-Bretagne ».
2 Probablement ici Norbert Rillieux (1806-1894), alors à l’École centrale de Paris.

Notes de fin littérales:

i M. Norbert RillieuxNorbert Rillieux, membre de la société républicaine des Amis du peuple (Voy. l’EchoL’Écho de la Fabrique, n° 62.)

 

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