L'Echo de la Fabrique : 17 février 1833 - Numéro 7

 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. goujon.)

Audience du 14 février 1833.

Aucune cause importante ou qui présente une question neuve n’a été appelée. Aussi ne mentionnerions-nous cette séance que pour mémoire s’il ne s’était passé deux incidens remarquables. L’un : M. Dubel, négociant, a fait ses excuses au conseil et raturé de sa main les mots injurieux qu’il avait écrit sur le livre du sieur Vollaire. Quant à l’autre nous devons mesurer nos paroles ; car nous ne pouvons traduire fidèlement l’indignation qui nous anime, et dont tous les ouvriers ont été transportés. Nous ne serons aujourd’hui qu’historiens exacts.

Avant l’appel des causes, M. Goujon, renforçant sa voix comme pour provoquer l’auditoire, lui adresse ces mots : Je vous préviens qu’il y a dans la salle des agens de police ; ils sont là et feront leur devoir. Nonobstant ces paroles brutales et imméritées, l’audience a été calme et elle allait finir de même lorsque M. Goujon a fait lecture d’une lettre du maire de Lyon à l’égard de certaines coalitions dont on parle, et ensuite de l’article 415 du code pénal qui, contrairement aux principes d’égalité devant la loi, proclamés par l’assemblée nationale, écrits en tête de toutes nos constitutions, inflige aux négocians coalisés des peines moins fortes qu’à leurs ouvriers, ainsi et de la même manière que chez nos aïeux soumis aux lois féodales, le même délit était puni différemment suivant la qualité de l’accusé, noble ou vilain. Alors des coups de sifflet ont retenti ; pour nous, nous les blâmons : notre instrument c’est la presse ; pour nous, nous croyons que les ouvriers auraient dû accueillir celle philippique comme elle le méritait, mais nous concevons sans l’excuser la conduite d’ouvriers froissés. Au demeurant, l’audience était levée, le pouvoir du président avait cessé ; nous ne pensons pas que M. le maire ait pu lui départir le droit d’haranguer le peuple, et en ce cas là même le peuple souverain a bien le droit de témoigner les sentimens que lui fait éprouver un orateur. Il n’en est pas de si haut placé qu’il ne doive lui-même respect au peuple.

Croira-t-on que, furieux (c’est le mot), de ces sifflets, quoiqu’il s’y attendît bien (vu la mercuriale au commencement de l’audience), M. Goujon a prononcé ces paroles :

Agens, faites votre devoir, amenez à la barre ceux qui sifflent. Je vous en rends responsables. Plus prudens que lui, les agens n’ont pas obéi. Ouvriers eux-mêmes la plupart, plus d’une réflexion a dû s’élever en eux.

Nous livrons à la publicité ce nouveau scandale. Que veut M. Goujon ? Pourquoi ces provocations successives ? Qu’il réponde. Organes des ouvriers, nous sommes loin de nous croire au-dessous de lui

 

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