L'Echo de la Fabrique : 17 février 1833 - Numéro 7

 Littérature.

N’ayant pu par des circonstances indépendantes de notre volonté (Voy. ci-après les Avis divers), publier [6.1]une édition complète des œuvres de feu Antoine Vidal, notre ami, ancien gérant de l’Echo, nous insérerons successivement dans ce journal, mais à des époques indéterminées, différens opuscules, la plupart inédits, de cet homme de lettres, mort dans la force de l’âge et du talent.

Nous donnons aujourd’hui une pièce de vers sur l’enseignement mutuel, peu connue que M. Vidal a publiée en 1820.

de

L’ENSEIGNEMENT MUTUELi1.

ET DE SES DÉTRACTEURS.

Voyez ce jeune enfant sur l’ardoise fragile,
Tracer un faible plan qui peut nous être utile ;
Et sa timide main, essayant tous les arts,
Pourra peut-être un jour relever nos remparts.
Il est libre et français ! Son ame est ennoblie ?
Mais que dis-je ? pour vous il n’est point de patrie…
Dans la fange rampans, esclaves d’un peu d’or,
Vous craignez de son cœur le magnanime essor !
Onuphreii ! Perenoniii ! dont la plume grossière,
Des calomniateurs suit l’infâme bannière ;
Sur ces paisibles bords, il n’est qu’un vrai talent :
Qui sait aimer la paix réprimer l’insolent,
Le possède en entier : et lui seul nous éclaire.
Tout jeune lyonnais de Chastaingiv est le frère !!!
Nous sommes des Français, et vous nous outragez !…
Mais vos noms odieux nous ont assez vengés.
[6.2]Libellistes honteux, dans vos écrits frivoles,
Censurés, méprisés sur les bancs des écoles,
Osez-vous attaquer un de ces vieux guerriers,
Qui du Nil et du Tage unirent les lauriers ?…
De ses traits ulcérés l’affreuse calomnie
Vient donc de te frapper, émule du génie !
L’on cherche à t’avilir, lorsqu’un enfant, par toi,
Chérit presqu’en naissant sa patrie et son roi !
Faut-il que de ton sein, ô siècle de lumière,
Des hommes de leur front secouant la poussière,
Nourris dans la bassesse et dans l’obscurité,
Osent flétrir ce fils de notre liberté ?
Bailleulv, qui fut vingt ans chéri de la victoire,
Qui combattit pour nous, qui, pour comble de gloire,
De ces mêmes guerriers, qu’il guida dans les camps,
Instruit pendant la paix les timides enfans !
Onuphre ! Perenon ! votre honte le venge
Mais brisez votre plume, et rentrez dans la fange.
Vivre toujours obscurs, accablés de mépris,
Des mauvais citoyens, voila le digne prix.

Notes de base de page numériques:

1 Principales pièces de ce débat ; Stanislas Gilibert, Discours sur la théorie physiologique de l’enseignement mutuel, Lyon, Bohaire, 1818 ; Étienne Sainte-Marie, Une séance de l’école d’enseignement mutuel de Lyon, Lyon, J. Targe, 1819. Il est à noter que ces deux hommes étaient médecins. Onuphre-Benoît Moulin, L’Enseignement mutuel dévoilé, ainsi que ses jongleries et pretintailles révolutionnaires ; ou l’art d’affranchir l’éducation de l’enfance de toute influence morale et religieuse, dédié à la jeunesse pensante, Lyon, imprimerie de Boursy, 1820 ; Marius Chastaing, Lettre à l’auteur de « L’Enseignement mutuel dévoilé », Lyon, imprimerie de Mistral, septembre 1820 ; du même, Ma réponse à M. Pérenon, ou défense de ma lettre à l’auteur de « L’Enseignement dévoilé », Lyon, Les marchands de nouveauté, 1820 ; Louis-Marie Pérenon, La Jeunesse lyonnaise vengée, ou réponse à la lettre de M. Chastaing, de Lyon, Lyon, Les marchands de nouveauté, 1820 ; du même, La vérité aux prises avec la mauvaise foi et la calomnie, ou réfutation des erreurs de M. Chastaing, de Lyon, en réponse à son libellé intitulé « Ma défense », Lyon, Les marchands de nouveauté, 1821.

Notes de fin littérales:

i L’enseignement mutuel fut importé à LyonLyon en 1818, par M. BailleulBailleul, et toléré plutôt que protégé par le pouvoir, fut dès lors en butte aux attaques des hommes du clergé et de leurs souteneurs monarchiques. M. Stanislas GilibertStanislas Gilibert prononça le 7 septembre07 septembre 1818 de la même année, à l’Académie de LyonLyon, un Discours sur la théorie physiologique de l’enseignement mutuelDiscours sur la théorie physiologique de l’enseignement mutuel. En janvier 1819janvier 1819, feu E. Sainte-MarieÉtienne Sainte-Marie publia une séance de l’école d’enseignement mutuelUne séance de l’école d’enseignement mutuel. Ces deux brochures firent sensation et acquirent à la méthode lancastrienne de nombreux partisans. Un nommé MoulinOnuphre-Benoît Moulin, ex-procureur, s’imagina de publier, sous le nom d’OnuphreOnuphre-Benoît Moulin, une réfutation de l’opuscule de M. Sainte-MarieÉtienne Sainte-Marie, sous le titre prétentieux de l’Enseignement mutuel dévoilé ainsi que ses jongleries et pretintailles révolutionnairesL’Enseignement mutuel dévoilé, ainsi que ses jongleries et pretintailles révolutionnaires ; ou l’art d’affranchir l’éducation de l’enfance de toute influence morale et religieuse, dédié à la jeunesse pensante, etc. Ce libelle, aussi ridicule par la forme qu’au fond, inspira un dégoût universel ; les affiches qui l’annonçaient furent arrachées. Le rédacteur actuel de l’EchoL’Écho de la Fabrique écrivit une lettre à l’auteur de l’Enseignement mutuel dévoiléLettre à l’auteur de « L’Enseignement mutuel dévoilé » ; Antoine VidalAntoine Vidal publia la pièce de vers que nous transcrivons. M. MoulinOnuphre-Benoît Moulin ne répondit rien, mais le sieur L. M. PerenonLouis-Marie Pérenon entra dans la lice et une brochure en tous points semblable à celle de l’enseignement mutuel dévoiléL’Enseignement mutuel dévoilé, ainsi que ses jongleries et pretintailles révolutionnaires ; ou l’art d’affranchir l’éducation de l’enfance de toute influence morale et religieuse, dédié à la jeunesse pensante, vit le jour, elle avait pour titre ; La jeunesse lyonnaise vengée, ou réponse à la lettre de M. ChastaingLa Jeunesse lyonnaise vengée, ou réponse à la lettre de M. Chastaing, de Lyon. Ce dernier ayant publié une Réponse à M. Perenon ou défense de ma lettre à l’auteur de l’Enseignement mutuel dévoiléMa réponse à M. Pérenon, ou défense de ma lettre à l’auteur de « L’Enseignement dévoilé », M. PerenonLouis-Marie Pérenon répliqua par La vérité aux prises avec la mauvaise foi et la calomnie, ou réfutation des erreurs de M. Chastaing, etc.La vérité aux prises avec la mauvaise foi et la calomnie, ou réfutation des erreurs de M. Chastaing, de Lyon, en réponse à son libellé intitulé « Ma défense » Cette querelle n’aurait point eu de terme si le défenseur de l’enseignement mutuel n’eût pas jugé au dessous de lui de répondre une seconde fois.
ii M. MoulinOnuphre-Benoît Moulin, auteur de l’Enseignement mutuel dévoilé, etc.L’Enseignement mutuel dévoilé, ainsi que ses jongleries et pretintailles révolutionnaires ; ou l’art d’affranchir l’éducation de l’enfance de toute influence morale et religieuse, dédié à la jeunesse pensante (Voy. la note ci-dessus.)
iii L. M. PerenonLouis-Marie Pérenon, auteur des deux brochures rappelées dans la note ci-dessus et dans lesquelles est affiché un royalisme au delà de toute expression. Pour en juger on n’a qu’à lire les vers (Manière de parler) qui terminent celle : La jeunesse lyonnaiseLa Jeunesse lyonnaise vengée, ou réponse à la lettre de M. Chastaing, de Lyon, etc., et qui sont drôlement amenés. Ils contiennent une invocation au fils de la duchesse de Berryduchesse de Berry, et ces mots en grosses capitales : Vive le roi ! vive Henri ! Depuis, M. PerenonLouis-Marie Pérenon a publié un nombre immense de brochures en prose et en vers, qui se disputent entr’elles la palme…
C’est ce même M. PerenonLouis-Marie Pérenon qui, dans les événemens de novembre 1831novembre 1831, et devant la cour d’assises de RiomRiom, a eu l’idée de vouloir faire cause commune avec les patriotes lyonnais.
iv Puisque l’occasion se présente, le rédacteur de l’EchoL’Écho de la Fabrique dira un mot de ses antécédens politiques. En 1815 il publia une Réponse à Joseph Rey de GrenobleRéponse à Joseph Rey de Grenoble, dans laquelle il ne cacha pas ses sentimens républicains. Sous le rapport littéraire cet opuscule ne mérite aucun souvenir, mais l’âge où l’auteur écrivit (15 ans) sollicite l’indulgence. En 1820 il fut prévenu avec Me MenoumaîtreMenou, avocat, du délit de la Souscription nationale ; il fit imprimer à cette époque une autre brochure : Appel à l’opinion publiqueAppel à l’opinion publique. A cette même époque furent publiées les brochures sur l’enseignement mutuel, et en réponse à M. PerenonLouis-Marie Pérenon. (Voy. la note 1.)
v C’est M. BailleulBailleul, officier de l’ancienne armée, auquel LyonLyon est redevable de la première école d’enseignement mutuel.

 

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