L'Echo de la Fabrique : 7 avril 1833 - Numéro 14

AU RÉDACTEUR.

Lyon, 27 mars 1833.

Monsieur,

Votre journal étant institué pour donner publicité à tous les abus existans, ou que l?on veut introduire dans la fabrique, je livre à votre impartialité le suivant. Depuis plus de 24 ans que je suis chef d?atelier aucun chef de commerce ne m?avait fait la demande que m?a fait M. Brisson, membre du conseil des prud?hommes. J?étais sur le point d?achever une pièce peluche pour MM. Pitiot et Gariot, je fus proposer mon métier à M. Brisson, lundi, 18 du mois dernier, il me dit qu?il me donnerait de l?ouvrage, et pour connaître ma fabrication, il m?invita à lui apporter la coupe que je terminai pour MM. Pitiot et Gariot ; je lui la portai le vendredi suivant ; il me renvoya au lendemain pour un oui ou un non ; y étant retourné le samedi il me renvoya au lundi 25 ; ledit jour j?y allai, mais quel fut mon désappointement après avoir fait quatre courses chez lui, lorsqu?il me dit : Je ne peux rien vous promettre de bien sûr, mais en attendant allez chez M. Pitiot chercher un billet de recommandation ; après nous verrons. Le lendemain mardi je retournai en lui portant mon livre, je lui dis : Voila le meilleur billet de recommandation que je puisse vous donner. A cette parole il me dit : Dans quelques jours l?on passera chez vous. Moyen honnête pour me renvoyer après m?avoir fait promener pendant neuf jours ; perdre mon temps, etc. Je livre à votre sagacité le présent abus, et que les collègues de M. Brisson ne viennent pas par la suite à faire mieux que lui : car il n?y aurait rien d?extraordinaire qu?ils demandent un billet de recommandation du curé de la paroisse.

J?ai l?honneur, etc.

Vibert.

Note du rédacteur. ? M. Vibert, en signalant cet abus [3.2]fait acte de bon citoyen, on doit lui en savoir gré. Nous n?avons aucune raison pour douter de la vérité de ce fait ; nous le voudrions cependant, tant il nous paraît étrange et insultant pour la classe ouvrière. Il nous répugne de croire M. Brisson coupable d?un acte aussi odieux, et contre lequel, s?il existe, nous appelons toute l?animadversion possible. Nous disons s?il existe, car, encore une fois, nous, avons peine de croire qu?un négociant, un prud?homme, ait ainsi fait abjuration de toute vergogne. Quoi, un chef d?atelier, un homme domicilié, rapporte son livre acquitté par le précédent négociant qui l?employait, et on aurait l?effronterie, c?est le mot, de lui demander un billet de recommandation.... et l?on viendrait ensuite parler de coalitions d?ouvriers !? Non, cela n?est pas possible. M. Vibert aura fait erreur. L?honneur de M. Brisson souffrirait trop d?un pareil fait, il s?empressera de le démentir.

 

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