L'Echo de la Fabrique : 5 mai 1833 - Numéro 18

Lyon, 3 mai 1833.

Monsieur le Rédacteur,

Vous vous êtes élevé avec force contre les arrestations préventives et vous avez eu d’autant plus raison que presque toujours elles sont [5.2]arbitraires et vexatoires. Nous sommes destinés à en fournir une nouvelle preuve. Il s’agit encore de l’affaire du vol qui a été commis à St-Germain au Mont-d’Or, et à raison duquel deux pères de famille, deux citoyens patentés ont été arrêtés d’une manière odieuse, ainsi que cela résulte de leur lettre insérée dans votre dernier numéro. Voici ce qui a donné lieu à notre arrestation : Nous habitons St-Rambert où nous travaillons dans la manufacture de la Sauvagère ; notre mère habite St-Germain au Mont-d’Or où elle cultive une petite propriété, dès-lors nous avons un patrimoine, et nous sommes citoyens connus. Le six avril dernier nous allâmes voir notre mère et chercher un épervier pour la pêche ; nous revînmes à St-Rambert dans la même nuit, et nous étions rendus chez nous le dimanche même de Pâques. Une fatale coïncidence a voulu que dans cette même nuit le vol dont il s’agit ait été commis, mais de cette coïncidence à la présomption que nous étions coupables, il nous semble qu’il devait y avoir loin. L’autorité sûre de l’impunité ne raisonne pas ainsi, et dès le même jour (7 avril) nous sommes arrêtés, conduits, la chaîne au cou, par la gendarmerie, à St-Germain. Nous fûmes confrontés et nullement reconnus, ce qui en effet aurait été bien difficile ; il nous semble que nous aurions au moins dû être mis en liberté immédiatement, loin de là, nous avons été amenés à Lyon, toujours enchaînési, déposés dans la prison de Roanne dont nous venons seulement de sortir après vingt-quatre jours de détention. Tel a été le bon plaisir de M. le procureur du roi. Simples travailleurs, n’ayant pour fortune que notre honneur, nous avons besoin qu’il soit bien constaté qu’il est toujours pur et sans tache ; c’est pourquoi nous nous adressons à vous ; vous priant de donner à la présente toute la publicité nécessaire, c’est là, nous ne le savons que trop, notre seule indemnité.

Agréez, etc.,

Tant pour moi que pour Jean-Marie et Jean Mothier, mes frères, Joseph MOTHIER.

Note du Rédacteur. – La sagesse du magistrat doit amender le vice de la loi, nous le répétons, nous le répéterons toujours. Nous nous élèverons de plus fort et chaque jour contre cette légèreté avec laquelle on dispose de la liberté des citoyens sur de simples présomptions. Nous profiterons de cette occasion pour faire observer que M. le procureur du roi a sans doute trouvé concluantes les observations dont le Précurseur a fait suivre sa lettre en réponse à celle de Margolet et Chédiffer car il ne nous a pas requis d’insérer cette même lettre ; arrêté sans doute par la crainte de voir figurer au bas les sages observations de Me Favre, nous en prenons acte et nous dirons en résumé : Magistrats, la loi vous confie un grand pouvoir, usez mais n’abusez pas ; car la gent prolétaire qui a cessé d’être taillable et corvéable ne veut plus être incarcérable à volonté.

Notes de fin littérales:

i Cette précaution vexatoire a eu lieu sur la recommandation de M. RozierRozier notaire et maire de St-GermainSaint-Germain-au-Mont-d’Or, ce qui nous étonne d’autant plus de sa part qu’il nous connaît particulièrement. Il est encore débiteur à l’un de nous de 800 fr. dont la reconnaissance en date du 22 octobre 183122 octobre 1831 payable à un an de date est entre ses mains ; à un autre de 200 fr.

 

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