L'Echo de la Fabrique : 26 mai 1833 - Numéro 21

 

Extrait des minutes du greffe du tribunal correctionnel de Lyon.

Louis-Philippe, roi des Français, à tous présent et à venir, salut ; faisons savoir que :

Le tribunal de première instance de Lyon, chambre correctionnelle, a rendu le jugement suivant :

Entre les sieurs Pellin et Bertrand, marchands-fabricans, demeurant à Lyon, plaignans et parties civiles, d’une part ;

Et le sieur Berger, gérant du journal intitulé : L’Echo de la Fabrique, demeurant à Lyon, place Rouville, maison Brunet, prévenu de diffamation envers les plaignans, d’autre part.

L’affaire appelée, le greffier a lu la plainte des sieurs Pellin et Bertrand, à laquelle ils ont persisté ; il a lu aussi les articles de la [8.1]feuille du journal incriminé, ensuite le sieur Berger a été interrogé.

Me Seriziat, avocat, conseil des plaignans, a présenté leur défense, et a conclu à ce que le sieur Berger fût déclaré coupable de diffamation envers les plaignans, et pour réparation il fût condamné aux dépens par forme de dommages-intérêts, ainsi qu’à l’impression et affiches du jugement à intervenir au nombre de cinq cents exemplaires.

Me Chanay, avocat, conseil du prévenu, a présenté la défense et a conclu à son renvoi de la plainte.

M. Chegaray, procureur du roi, a résumé l’affaire et a requis contre le sieur Berger l’application de l’art. 18 de la loi du 17 mai 1819, avec dépens.

Le tribunal, considérant que la plainte des sieurs Pellin et Bertrand a pour objet trois articles insérés dans le n° du dimanche 17 février du journal publié à Lyon sous le titre d’Echo de la Fabrique ;

Considérant, quant au 1er article incriminé, que la désignation des sieurs Pellin et Bertrand a été rétractée dans le n° suivant du même journal, celui du dimanche 24 février, et que si cette rétractation a pu d’abord paraître incomplète dans la forme sous laquelle elle a été présentée, elle est devenue suffisante par la déclaration fournie en cette audience par le sieur Berger, gérant du journal dont il s’agit, de laquelle il résulte que tout ce qui compose cet article ne concerne nullement les plaignans ; que dès-lors sur ce point la plainte n’a plus d’objet.

Considérant, quant au second article incriminé, que le rédacteur de l’Echo de la Fabrique a eu tort d’admettre avec trop de légèreté les assertions énoncées du sieur Manarat sur le compte des sieurs Pellin et Bertrand ; mais que cette publication constitue de sa part une imprudence plutôt qu’une diffamation qui puisse lui être personnellement reprochée ; qu’ainsi ce deuxième chef de prévention doit être écarté.

Considérant, en ce qui concerne le troisième article incriminé, que dans cet article intitulé le Catalogue des maisons de commerce qui sont en contravention avec les décisions du conseil des prud’hommes, le rédacteur a inscrit sous le n° 3, les sieurs Pellin et Bertrand qu’il a présentés encore particulièrement dans ce n° 3, comme étant en contravention flagrante avec la jurisprudence du conseil des prud’hommes.

Considérant que l’un des élémens d’un négociant étant son exactitude à se conformer aux règles du commerce et aux décisions de l’autorité instituée pour régler ses obligations envers les ouvriers qu’il emploie, c’est nécessairement porter atteinte à sa considération que de le signaler à l’opinion publique comme méprisant les décisions qu’il doit respecter.

Considérant dès-lors que l’imputation faite dans ce troisième article, offre les caractères de gravité et de publicité qui, aux termes de l’art. 13 de la loi du 17 mai 1819, constituent le délit de diffamation.

Vu l’article 18 de la même loi qui a été lu à l’audience par le président et qui est ainsi conçu :

Art. 18. « La diffamation contre les particuliers, sera punie d’un emprisonnement de six jours à deux ans, et d’une amende de 25 à 2,000 fr., ou de l’une de ces deux peines, selon les circonstances. »

Déclare, par jugement en premier ressort, le sieur Berger, gérant de l’Echo de la Fabrique, coupable de diffamation envers les sieurs Pellin et Bertrand, à raison du troisième article inséré sur leur compte dans le n° du 17 février courant.

En conséquence le condamne à cinquante francs d’amende et aux dépens envers les sieurs Pellin et Bertrand, lesquels sont liquidés à 22 fr. 15 c., outre les coûts et accessoires du présent jugement.

Ordonne qu’il est renvoyé de la plainte en ce qui touche les deux premiers articles incriminés.

Ordonne, conformément à l’art. 11 de la loi du 9 juin 1819, que dans le mois à dater de ce jour, le présent jugement sera inséré dans l’un des numéros du même journal.

Fait et jugé à Lyon, en audience publique, le 26 février 1833, par MM. Delandine, président ; Camyer et Passet, juges.

Signés : Delandine, président ; Camyer et Passet, juges ; Ladreyt, commis-greffier.

Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis, à mettre le présent jugement à exécution.

A nos procureurs-généraux et à nos procureurs près les tribunaux civils d’y tenir la main, à tous commandans et officiers de la force publique d’y prêter main-forte quand ils en seront requis.

Par le tribunal : Jourdan

Ce jugement a été confirmé le 8 mai courant, par arrêt [8.2]de la cour d’appel de Lyon sur les appels respectifs émis par M. Berger et MM. Pellin et Bertrand. La présente insertion est faite en exécution desdits jugement et arrêt.

Le gérant, BERGER.

 

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