L'Echo de la Fabrique : 7 juillet 1833 - Numéro 27

De l’impôt sur le sel.

La contribution foncière s’élève aujourd’hui à 245 millions ; l’impôt sur le sel rapporte net à l’état 49 millions. C’est juste le cinquième de la contribution foncière.

Augmentez d’un cinquième cette contribution et supprimez l’impôt du sel, et le pauvre et le petit propriétaire, c’est-à-dire ceux qui supportent particulièrement aujourd’hui la taxe sur le sel, seront favorisés par cette mesure, la grande propriété seule y trouvera une légère augmentation d’impôts. Cette augmentation ne sera pas encore ce qu’elle devrait être comparativement aux avantages qui sont exclusivement réservés, par nos lois, aux citoyens les plus imposés.

Il est facile de démontrer que les petits propriétaires ont un intérêt évident à cette conversion de l’impôt du sel en une augmentation de l’impôt foncier.

Il y a en France environ 6 millions de chefs de famille ou de propriétaires ; le produit brut de l’impôt du sel est de 60 millions de f., ou 10 f. pour taxe moyenne de chaque chef de famille.

Or, de ces 6 millions de chefs de famille,
Huit dixièmes paient de taxe foncière 20 f.
ou moins que 20 f.
Un dixième paie de 20 f. à 50 f.
Un dixième paie 50 f. et au-dessus.

Il résulterait donc bien évidemment de cette augmentation d’un cinquième sur la taxe foncière, en remplacement de celle sur le sel !

1° Que le prolétaire ne paierait rien ;

2° Que les huit dixièmes des propriétaires paieraient moins de 4 f. au lieu de 10.

3° Que le plus imposé du neuvième dixième des propriétaires ne serait augmenté que de 10 f., ce qui est probablement moins que ce qu’il paie pour la taxe du sel ;

4° Que le dernier dixième des propriétaires, composé des plus imposés, paierait lui seul plus que la moyenne.

Celui qui paie 220 f. en paierait 240 ; celui qui est imposé à 500 f. serait augmenté de 100, ainsi de suite ; et en définitive, il n’y aurait parmi les propriétaires que la dixième partie (celle des plus riches) qui paierait plus qu’elle ne paie aujourd’hui. Mais ne serait-ce pas justice ? Nous le demandons aux hommes de bonne foi, aux hommes chez qui l’égoïsme n’a pas éteint tout sentiment d’humanité ; nous le demandons à ceux des membres de la chambre des députés qui, lorsqu’on parle de remplacer la taxe du sel par une addition à l’impôt foncier, crient à l’injustice et prétendent qu’on veut écraser la petite propriété pour laquelle ils affectent alors un intérêt d’autant plus surprenant qu’on ne le retrouve plus lorsqu’il s’agit d’autres questions plus importantes et surtout plus positives ?

Nous devons, au surplus, faire remarquer que nous avons fait nos calculs dans l’hypothèse, d’ailleurs exacte, d’une taxe moyenne de 10 f. Mais on nous accordera sans doute que la taxe du pauvre qui vit de salaisons, que la taxe du fermier et du petit propriétaire qui emploient le sel pour la nourriture de leurs bestiaux, sont aujourd’hui bien supérieures à la taxe moyenne ; nous ne serions pas au-dessus de la vérité en la portant à [8.1]13 fr., et dans ce cas nos raisonnemens auraient été bien plus concluans, puisqu’il en serait résulté que la cote foncière de 65 f. n’aurait rien perdu au remplacement de la taxe du sel par une addition du cinquième à l’impôt territorial, et que toutes les cotes inférieures y auraient gagné.

V. R.

 

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