L'Echo de la Fabrique : 21 juillet 1833 - Numéro 29

Sur le Courrier de Lyon,
A PROPOS DES DISSENTIONS EXISTANTES

entre les négocians et les ouvriers.

Un journal auquel nous sommes, bien malgré nous, obligés de faire l’honneur de le nommer, le Courrier de Lyon, puisque c’est ainsi que s’appelle ce journal, aussi fièrement aristocrate que platement ministériel, a saisi, avec une joie bravache, l’occasion des dissentimens malheureux survenus entre les négocians et les fabricans d’étoffes de soie, pour lancer ses diatribes ordinaires contre la classe ouvrière. Nous n’avons pas le courage de plonger dans le cloaque de boue et de sang où le Courrier aime à se vautrer.

Le Courrier a toujours sur le cœur que les événemens de novembre n’aient pas bien fini, et l’on sait ce qu’il a voulu dire ; il a pour patrons ces hommes bien connus qu’on a justement désignés sous le nom de revancheurs. Le jury de Riom a été trop indulgent selon lui : il devait, pour l’exemple, faire tomber quelques têtes. Aujourd’hui, dit-il d’un air provocateur, une insurrection n’est pas possible à Lyon. C’est là sans doute le secret de sa force et ce qui le rend si fier. Mais si elle l’était (et il ne tiendrait pas à lui qu’elle ne le devînt), oh ! alors, comme il ramperait ! Pour nous, qui ne craignons ni les insurrections populaires, parce que nous sommes avec le peuple, ni les vengeances monarchiques, parce que, encore une fois, nous sommes avec le peuple, nous ne ferons pas l’infâme métier d’attiser le feu de la discorde ; c’est la tâche habituelle du Courrier de Lyon, nous lui la laissons ; il la remplit avec une incroyable ardeur. Nous déplorons, quant à nous, les différends survenus entre les négocians et les ouvriers, mais nous plaignons surtout les premiers d’avoir pris pour organe de leurs doléances le Courrier de Lyon. Ce journal, nous le répétons, parce que nous ne saurions trop nous faire comprendre par les hommes bien intentionnés, ne voit qu’une question de force dans le conflit de deux industries, dont l’une fabriquant pour vivre, et l’autre faisant fabriquer pour s’enrichir, peuvent bien être en mésaccord, mais doivent au moins conserver certains ménagemens entr’elles. Le Courrier voit au contraire dans cette lutte déplorable le triomphe du principe politique qu’il défend ; il veut à toute force que le gouvernement y intervienne en se déclarant [5.2]l’ennemi de la classe la plus nombreuse. Il est toujours prêt à dire comme la Gazette Lyonnaise, le lendemain des événemens de juillet : « Viennent les coups de fusil, et l’on verra de quel côté est la majorité. » Quels intérêts sert-il donc ?… A coup-sûr ce ne sont pas ceux du commerce.

 

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