L'Echo de la Fabrique : 25 décembre 1831 - Numéro 9AU RÉDACTEUR.Lyon, le 15 décembre 1831. Monsieur, Lorsque chacun gémit encore sur les scènes qui viennent d'ensanglanter notre industrieuse cité et porter un coup si terrible à son commerce ; au moment où chacun doit chercher à faire oublier les causes qui ont amené de si funestes effets, pourquoi faut-il qu'il se trouve encore de ces hommes pour qui les leçons de l'expérience restent toujours sans fruit ? Les ouvriers en soie, comme on le sait, ont été poussés à l'insurrection, bien moins par l'inexécution du tarif que par les vexations continuelles qu'ils essuyaient journellement de la part d'une partie de MM. les fabricans. Après avoir payé si cher les mauvais traitemens qu'ils faisaient endurer à leurs ouvriers, il est pénible de voir renouveler par quelques-uns ces actes arbitraires si préjudiciables aux intérêts de tous. C'est d'après cette considération, et pour satisfaire au désir de plusieurs fabricans qui ne veulent pas que les bons pâtissent des fautes des mauvais, qu'il faut signaler à l'opinion publique la conduite du sieur B..., fabricant de schals, rue des Capucins, n°1. Voici le fait : Dans sa fabrique, malgré que le sieur B... paye les façons au-dessous du cours ordinaire, il exige encore (le croirait-on ?) que l'ouvrier, en recevant une pièce, achète un de ses schals rebuts, dans le prix de 30 fr. ; [4.2]point d'ouvrage sans cela. Beaucoup de maîtres-ouvriers, comme on le pense bien, ont refusé net l'ouvrage accordé à des conditions aussi onéreuses qu'injustes. Plusieurs pourtant, pressés par le besoin, ont été forcés d'accepter, préférant devoir à un travail ingrat un morceau de pain noir, plutôt que d'être obligés de l'implorer à la pitié !!! Quel nom pourra flétrir assez un homme qui spécule ainsi sur la faim d'un malheureux ! Est-ce par de pareils procédés qu'on pense faire cesser ces cruelles dissensions du corps social ? Est-ce ainsi qu'on pourra cicatriser les plaies encore saignantes qui affligent notre débile commerce ? Ah ! qu'on y songe bien ! pour raffermir ce commerce encore chancelant après la terrible commotion qu'il vient d'éprouver, il faut rétablir au plus tôt l'harmonie entre le chef et l'ouvrier. Que nos fabricans soient donc désormais moins égoïstes, plus doux, plus généreux ; alors, le commerce pourra refleurir dans notre cité. L'arbitraire et le despotisme ne doivent peser aujourd'hui sur aucune classe de la société ; le peuple maintenant connaît ses droits, on lui a laissé connaître aussi sa force. Pour les soutenir, il s'est émancipé, et ne se laissera plus traiter en vil esclave. En attendant de votre philantropie que vous donniez de la publicité à cette lettre écrite dans l'intérêt général, je suis, Monsieur, avec la plus parfaite considération, Votre dévoué concitoyen, C..., commis-fabricant. |