L'Echo de la Fabrique : 28 juillet 1833 - Numéro 30

Sur le service de la Poste.

La poste est une invention admirable, d’une utilité sans conteste, mais à force de vouloir faire vite elle fait très mal. Le gouvernement, qui en exerce le monopole, se repose trop sur le défaut de concurrence. De graves abus ont déjà été signalés ; on a expliqué les uns par la politique ; les autres par l’infidélité des agens ; d’autres enfin par l’impossibilité matérielle de ne jamais commettre d’erreurs. Après avoir flétri en passant, comme il le mérite, le moyen odieux qu’emploierait la politique pour nuire à ses adversaires (cabinet noir, soustraction de journaux, etc.), nous ne nous occuperons que des deux autres cas qui se représentent trop fréquemment pour ne pas appeler une répression énergique. Et d’abord nous demanderons pourquoi l’administration des postes n’est pas responsable comme les messageries, par exemple, comme le sont tous les citoyens, cette responsabilité la forcerait à agir avec prudence, ou au moins les victimes seraient indemnisées.

Deux faits récens, venus à notre connaissance, donnent lieu à ces réflexions.

Un homme d’affaires de cette ville envoie le 5 juin de Lyon à Lorrin, huissier à Thoissey, une assignation en garantie contre l’endosseur d’un billet de 300 fr. Le paquet n’arrive à Thoissey que le 10, cinq jours après, il aurait dû arriver le lendemain ; le paquet avait été porté à Mâcon par mégarde, et celui de Louhans remis à Thoissey. Par la faute de qui, peu importe. Mais il en est résulté que le recours contre l’endosseur a été perdu. Le créancier est exposé à perdre le montant de sa créance. Point de recours contre l’administration qui cause un tel dommage.

Le 18 de ce mois, un individu envoie 30 fr. à un ami, à Lyon, pour acquitter une dette, et pour être plus sûr de son envoi, il les dépose à la poste, à laquelle il paie, outre l’affranchissement de la lettre, 1 fr. 85 c. pour timbre et honoraires. L’employé chargé de cet envoi se trompe, il met 30 fr. en chiffres et 20 fr. en lettres sur le récépissé. A Lyon on refuse de payer ; il faut attendre des ordres de Paris, et l’on renvoie à huit ou dix jours pour donner réponse. Qu’on fasse bien attention aux inconvéniens qui peuvent survenir dans un cas pareil. Supposons l’envoi fait à quelqu’un de passage ou pour payer un billet à ordre sur papier libre. Quel désagrément, quelle perte dans ces deux cas qui ne sont nullement improbables. Point encore de recours contre l’administration de la poste.

Nous devons conclure qu’une administration privilégiée aussi importante ne doit pas se tromper ! dût-elle occuper plus de commis et aller moins vite, cela serait préférable. Rien ne devrait sortir de ses bureaux sans une double vérification. On ne peut ainsi se jouer de la fortune des citoyens.

 

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