L'Echo de la Fabrique : 18 août 1833 - Numéro 33

AUX LECTEURS.

La rédaction principale et la gérance de l’Echo de la Fabrique viennent de passer en de nouvelles mains.1

En acceptant cette importante tâche, le nouveau gérant a moins compté sur ses faibles moyens que sur le concours de ceux d’hommes vraiment philantropes, dont la constante sollicitude fut l’amélioration physique, intellectuelle et morale de la classe la plus nombreuse des travailleurs. Sentinelle avancée, dont la consigne est de veiller et de défendre les intérêts divers, l’Echo de la Fabrique ne trahira pas son mandat.

Partisan dévoué à la classe ouvrière, dans les rangs de laquelle il s’honore de compter, son gérant continuera, à l’exemple de ses prédécesseurs, à signaler sans crainte et à frapper sans pitié la masse honteuse des abus quel que soit le camp qui les renferme. Aucun intérêt de caste, aucune considération sociale ne pouvant le faire dévier du sentier de la justice et de la loyauté, il rappellera à chacun ses droits, à chacun ses devoirs ; il dira à tous que les transactions commerciales devant reposer sur la bonne foi, quiconque voudrait s’en écarter deviendrait à juste titre l’objet de la réprobation publique, et perdrait ainsi ses droits à la confiance sans laquelle nul commerce n’est possible.

Vivant de la vie du prolétaire, s’il boit journellement avec lui la coupe amère préparée par l’égoïsme étroit de quelques hommes cupides, il comprend l’urgence de corriger cet état d’immoralité choquante dont l’infaillible résultat serait la ruine de notre précieuse industrie.

[1.2]Ouvriers et négocians, la cité vous regarde ; de vous dépend sa splendeur ou sa ruine ; mille intérêts divers sont entre vos mains. Unissez-vous pour sa gloire ; arrière les sottes susceptibilités de castes ! Négocians, n’oubliez jamais que les chefs d’atelier et les ouvriers sont des hommes, des industriels comme vous, dont les intérêts sont d’autant plus précieux que ce n’est qu’à force de travaux et de peines qu’ils parviennent à les obtenir. Soyez justes. Chefs d’atelier et ouvriers, arrière toute idée de violence, la cause de l’opprimé sortira victorieuse de la lutte ; vous avez des droits, apprenez à les connaître ; unissez-vous paisiblement pour les faire valoir, et bientôt vous détruirez cette petite concurrence ruineuse, cause unique de nos haines et de nos dissentions.

Nous le répétons, commis à la garde de tout ce qui a rapport à l’industrie, les colonnes du journal sont ouvertes à tous ; que chacun avec confiance y enregistre ses plaintes et ses réclamations ; notre devoir est de signaler le mal à l’opinion publique, qui, éclairée avec impartialité par nous, nous donne l’assurance d’une prompte justice.

Spécialement réservées aux intérêts industriels, nos colonnes ne s’ouvriront point aux discussions politiques ; mais le gérant recevra avec reconnaissance et recueillera avec soin les divers articles touchant l’industrie en général, et tout ce qui tend au bonheur des travailleurs et à leur instruction.

Aidés par quelques jurisconsultes dont le dévoûment à la cause du peuple nous est connu, nous enrichirons nos colonnes des articles de notre législation les plus nécessaires à la classe des travailleurs, mis à leur portée afin que, mieux instruits de leurs droits et des devoirs que chacun doit remplir envers la société, ils soient plus en garde contre les surprises de certains hommes.

Bernard, Gérant.

Notes de base de page numériques:

11. Le changement de gérance et de rédaction de L’Écho de la Fabrique procédait principalement de la volonté des mutuellistes d’entraver la dérive de plus en plus politique du journal. Chastaing donnait un ton à la fois trop violent et trop général aux revendications des canuts. Par ailleurs, sans aucun doute, les mutuellistes pouvaient juger que leur organe s’était alors trop identifié à la personnalité et aux intérêts de son rédacteur en chef. L’éditorial de Bernard revendique une certaine continuité avec la ligne précédente ; mais plusieurs phrases soulignent que, journal des travailleurs, notamment de la Fabrique, le journal est de nouveau rédigé par l’un des leurs.

 

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