L'Echo de la Fabrique : 22 septembre 1833 - Numéro 38

L’Echo de Rouen1 rapporte un fait qui mérite de fixer l’attention de toutes les villes manufacturières.

Depuis long-temps le commerce de la ville dElbeuf était en proie aux plus affreuses dilapidations, à tel point que des pièces entières étaient fabriquées avec des fils soustraits aux fabricans. Il n’a fallu rien moins que la circonstance que nous allons rapporter pour décider l’autorité à intervenir.

Dans la nuit du 1er au 2 de ce mois, une patrouille arrêta plusieurs individus chargés de draps faits avec des fils volés ; à l’aspect de quatre pièces déposées à la mairie, on reconnut la profondeur du mal. Des perquisitions furent faites par les membres du conseil des prud’hommes, le commissaire de police aidé de ses agens et de 50 gardes nationaux. Pour donner plus d’importance aux recherches, M. le procureur du roi, M. Nauvel, juge, et les maires des communes voisines s’étaient rendus sur les lieux. Ce concours de toutes les autorités a amené des résultats tels, que cette fois les tribunaux devront user d’une sévérité exemplaire.

Ce fait est trop grave pour que nous n’y joignions pas quelques réflexions. Lyon, peut-être, plus que toute autre ville, est accablée sous le poids de ses soustractions frauduleuses, nommées piquage d’once. Plusieurs négocians alimentent en partie leurs fabriques de matières provenant de ces sources impures, soustraites soit à la teinture, soit dans les ateliers ou au dévidage. Tous les honnêtes négocians sont d’accord que c’est ce honteux trafic qui est une des principales causes qui ont amené la concurrence locale, la plus funeste de toutes, puisque c’est pour la soutenir que depuis plusieurs années les prix des façons ont été réduits ; les ouvriers, ne pouvant plus vivre du prix de leurs travaux, devenu insuffisant pour satisfaire leurs besoins de première nécessité, leur misère seule fut la cause de tous les maux que nous avons ressentis.

Le piquage d’once est un des fléaux de notre industrie, également funeste aux négocians et aux chefs d’atelier ; il déprécie également la réputation que nos étoffes ont acquises ; car celles fabriquées avec des soies de divers titres et diverses nuances, sont toujours très inférieures.

Mais, ce dont on sera comme nous étonné, c’est que notre conseil des prud’hommes, sur lequel on fondait quelques espérances, n’a encore rien fait pour détruire ce scandaleux abus. Attend-il pour agir des circonstances semblables à celles d’Elbeuf ? Elles se renouvellent à tout heure ; ici on ne se cache pas.

Notes de base de page numériques:

1. Peut-être ici la Revue de Rouen publiée depuis 1833.

 

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