L'Echo de la Fabrique : 22 septembre 1833 - Numéro 38

Au Rédacteur,

Monsieur,

J’emprunte les colonnes de votre journal pour prévenir les chefs d’atelier qui seraient dans le cas de prendre de l’ouvrage pour la maison Culat et Valençot de se tenir sur leurs gardes contre une supercherie qui peut avoir les suites les plus funestes pour les interêts des maîtres, et qui n’annonce pas de la part de ces négocians une bien grande délicatesse dans les moyens qu’ils emploient pour arriver à la fortune. Voici le fait :

Le 10 juin de l’année courante, ces messieurs me proposèrent une disposition de robes en 3 chemins de 600 cordes, avec promesse de trois pièces de 100 aunes chaque, dont le prix de la façon fut convenu verbalement à 1 fr. 20 c. l’aune. Lorsque la première pièce fut rendue, M. Valençot me dit, à ma grande surprise, que se trouvant compromis dans une banqueroute, il ne pouvait plus me continuer cet ouvrage au même prix ; mais que cependant si je voulais le faire à 1 fr. il me donnerait encore quelques pièces.

Vous comprenez, M. le rédacteur, qu’ayant fait des frais et perdu mon temps pour disposer le métier d’après le plan de ce négociant, force fut à moi, pauvre diable, d’accepter ce marché, ou bien de supporter de nouvelles dépenses pour changer d’articles, j’acceptai donc. A la fin de cette deuxième pièce, j’en reçus une troisième du même dessin avec ordre de faire entrer 30 coups au pouce du plus qu’aux précédentes ; malgré ma répugnance à consentir à ce surcroît d’ouvrage, je fabriquai cette pièce, mais quel fut mon désappointement quand on écrivit sur mon livre, le prix à 80 c. sans qu’au préalable on m’eût prévenu ; je réclamais, mais ce fut en vain ; il fallut en passer par-là, parce que je répugne beaucoup à paraître au conseil des prud’hommes qui peut-être m’aurait rendu justice.

Si donc j’écris pour signaler cette conduite, ce n’est pas que j’espère obtenir quelque chose par ce moyen ; mais c’est pour moi un devoir et une satisfaction de prévenir mes confrères afin qu’ils se tiennent en garde contre un pareil abus de confiance, et de livrer à la publicité les noms de ces négocians qui comprennent si peu les règles de la probité, et qui exposent, par leurs manières déloyales d’agir, des malheureux pères de famille à périr de besoin.

Dans l’espérance que vous voudrez bien insérer cette lettre, j’ai l’honneur de vous saluer.

Votre abonné, dufourd, chef d’atelier.

 

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