L'Echo de la Fabrique : 22 septembre 1833 - Numéro 38

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Dans un moment où la plupart des esprits, aveuglés peut-être sur leurs véritables intérêts, s?agitent pour un meilleur avenir, ne comptant que leurs propres yeux pour y arriver, tant les nombreuses déceptions dont on les a abreuvés ont dû naturellement les rendre méfians. Dans ce moment, dis-je, me sera-t-il permis et puis-je enfin espérer de fixer les regards vers un but d?utilité publique, en leur démontrant tout l?avantage qu?ils pourront en retirer ; comme, par exemple, aisance, indépendance et sécurité pleine et entière pour l?existence à venir. Ce tableau, tout riant qu?il est, ne laissera pourtant point que d?être très vrai pour ceux qui voudront essayer de l?échange tel que je l?ai amélioré dans mon agence.

De l?avis de tous, dès qu?on est aisé on se procure facilement de l?instruction, et l?intellectualité se développant avec rapidité, dans l?indépendance, me semble former le complément de tous nos désirs. Essayons donc de prouver comment on peut arriver à un pareil état de bonheur pour chaque individu, quelle que soit la position où il puisse se trouver actuellement.

Un commerce général où chacun participerait selon ses moyens, et qui aurait pour objet de compléter les bénéfices faits par chaque individu, jusqu?à concurrence d?une somme suffisante pour lui procurer les moyens d?existence convenable, me semblerait le vrai moyen, et peut-être l?unique, pour atteindre le but proposé.

Supposons donc un établissement avec lequel on s?engagerait à travailler, et surtout à dépenser la principale partie de ses besoins ; que sur chaque paiement qu?il serait obligé de faire, il prélevât, par exemple, 3 p. 100, pour répartir entre tous ceux de la société dont les bénéfices n?auraient pas atteint la valeur déterminée pour chacun. Cet établissement, dis-je, satisferait tout-à-fait à l?objet de notre sollicitude, et ne serait nullement onéreux puisque les bienfaits en seraient incalculables.

En effet, l?ouvrier qui n?y aurait même dépensé que 3 ou 400 fr., n?aurait payé que 9 ou 12 fr. de commission, [7.2]pour recevoir peut-être 5 ou 600 fr. qui lui manqueraient pour complément au bénéfice déterminé. Ensuite, il vieillit, il peut devenir infirme, etc., et alors quel bonheur pour lui et pour quiconque se sent battre un c?ur d?homme, de penser que non-seulement il est à l?abri de la misère, mais encore qu?il jouit d?une honnête aisance.

Eh ! qu?on n?appréhende point que les bénéfices manquent à la dépense ; car ils seraient énormes : dix mille personnes dépensant chacun 100 fr. par mois, donnent une valeur d?un million ; remboursons-la de suite aux fournisseurs en objets de leurs commerces ou industries : voila donc deux millions d?opérations par mois, et au bout de l?année, y compris les cumuls des premiers mois, fonctionnant aussi mensuellement, nous aurons une valeur de 156 millions qui, à 3 pour 100, donnent un bénéfice de 4 millions 680 mille fr. Continuons nos opérations, et nous aurons pour la deuxième année, au moins 13 millions de bénéfice. Maintenant, que trois mille personnes n?aient rien gagné, vous pourriez donner à chacune d?elles, plus de 3,000 fr., et certes, le calcul ne sera point exagéré pour le moment où l?établissement sera à même de rembourser les fournisseurs en objets de leurs besoins, c?est-à-dire autrement qu?en numéraire. Jusque-là, un peu de patience, car on ne tarderait pas d?y arriver.

Telle est l?esquisse succinte, Monsieur, des opérations de mon agence, et des résultats que je m?y propose. Heureux si je puis faire entendre que la méfiance envers moi serait déplacée, puisque je me mets entièrement à la disposition des sociétaires ; que l?organisation d?une commission de dix membres pris parmi eux, a été provoquée par moi-même pour surveiller et approuver mes propres opérations, que les versemens seront déposés dans les maisons les plus recommandables, et qu?enfin ils pourront améliorer les réglemens de la société dans l?intérêt de tous.

Enfin, je ne pense pas qu?on veuille faire une comparaison entre cet établissement et les caisses d?épargnes que l?on s?efforce d?établir dans quelques villes ; car dans celles-ci on n?a que l?argent déposé à répartir. Je ne parle point de l?intérêt qu?il aurait produit, puisqu?il existerait également pour l?agence, sur une valeur bien autrement considérable, en outre des bénéfices que nous venons de faire entrevoir.

Si vous jugez, M. le rédacteur, que la présente mérite quelque publicité, je vous serai reconnaissant de l?insérer dans l?un de vos numéros. Il faut que tous les amis de l?humanité s?entr?aident.

Agréez, etc.

H. teissier,

Agent de l?Association commerciale d?Echanges, à la Guillotière, rue de Chartres, n° 3, au 1er.

 

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