L'Echo de la Fabrique : 13 octobre 1833 - Numéro 41

De la Caisse de Prêt.

A la suite de la crise commerciale de 1830, lorsque l’ouvrier eut épuisé toutes ses ressources, et qu’un travail soutenu et long-temps prolongé ne pouvait plus suffire à son existence et à celle d’une famille que pressaient la misère et la faim, l’autorité, effrayée de cet état alarmant, sollicita et obtint du gouvernement des fonds qui furent destinés à l’établissement d’une caisse de prêt.

Les chefs d’atelier purent dès-lors, sans humiliation, y recourir dans leur détresse, lorsque vint le mouvement des affaires et que des besoins de toute espèce les mettaient dans l’impossibilité de disposer de leurs instrumens de travail, sans avoir recours à la bourse des négocians, dont quelques-uns profitaient souvent pour arracher de ces malheureux tout l’intérêt possible des avances qu’ils pouvaient leur faire en rétribuant à leur gré le salaire.

Chacun applaudit à cette amélioration physique du sort du travailleur, et plus d’un père de famille trouva dans cet établissement une branche de secours qui le sauva du naufrage.

Heureux les administrateurs qui dotent les populations de quelques bienfaits, leurs noms, vénérés par le peuple qui ne fut jamais ingrat, passera de bouche en bouche jusqu’à la postérité la plus reculée ; et cette gloire en vaut bien une autre.

D’où vient donc que cet établissement, fondé par la plus pure philantropie, n’a pas pris, depuis près [1.2]de deux ans qu’il existe, toute l’extension dont il est susceptible ? Pourquoi l’ouvrier, que des cessations de travail trop souvent répétées ont réduit à des privations sans nombre, ne recourt-il pas avec empressement à cette caisse, qui serait pour lui une source intarissable de soulagement ? Pourquoi ? C’est que l’ouvrier, dans son infortune, possède un cœur fier et généreux, et qu’il répugne à user d’un moyen qui lui coûterait des démarches trop longues pour celui dont le temps est précieux, et trop humiliantes pour celui qui comprend sa dignité d’homme.

Si ce qu’on nous rapporte est vrai, les personnes chargées du placement de ces fonds exigeraient des renseignemens précis sur la conduite publique et privée des individus qui veulent user de cette caisse, comme si la charité publique en faisait les frais ; et cependant nul prêteur n’obtient des garanties aussi certaines que celles que donnent les chefs d’atelier, tout en payant un intérêt légal et sûr.

Nous aimons à croire que les rapports qui nous ont été faits sont exagérés, et nous espérons qu’on voudra bien nous donner quelques éclaircissemens sur cette importante affaire. C’est pour nous une grande satisfaction que de rendre justice à qui la mérite ; mais nous croirions manquer à notre devoir si nous ne signalions de pareils faits, qui, s’ils sont vrais, ne pourraient que prolonger cet esprit de discordes que tous nos efforts tendent à détruire.

B......

 

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