L'Echo de la Fabrique : 1 janvier 1832 - Numéro 10Le nommé Fillière1, ouvrier en soie, âgé de 22 ans, avait été blessé au genou dans les déplorables journées de novembre. Ce malheureux a succombé à sa blessure le 27 décembre, et laissé en proie à la plus vive désolation une mère chérie et des frères avec lesquels il [3.1]vivait dans la plus étroite amitié. Ce qu'il y a de plus triste dans cette malheureuse affaire, c'est que cet infortuné, au rapport de la multitude rassemblée aux Broteaux, en face du pont Morand, était sans armes lorsqu'il fut atteint d'une balle partie de la maison Oriol ; ce qui causa l'irritation spontanée de ses amis qui venaient déjà d'être témoins de plusieurs faits semblables. Ses obsèques ont eu lieu à l'église de l'Hôpital, le 28 décembre, à trois heures de l'après-midi. Plus de quatre cents personnes ont accompagné le convoi, qui a traversé religieusement la ville pour se rendre au cimetière de Loyasse. Arrivés au lieu du repos, un ancien ami du défunt allait prononcer le discours suivant, lorsque, ému jusqu'aux larmes, il fut forcé de remettre cette tâche à un des assistans, qui ne s'en acquitta pas sans faire partager les sentimens dont il était pénétré lui-même : « Dans la vive douleur qui m'accable, je fais un grand effort pour prononcer sur la tombe de notre brave et généreux ami Fillière nos derniers adieux, et pour témoigner en votre présence les justes et sincères regrets que nous cause sa perte prématurée. Vous savez tous combien sa société était agréable, son caractère doux et paisible, ses manières franches ; que son père, sa mère et ses frères sont plongés dans un désespoir d'autant plus cruel qu'il était bon fils, bon ami ; qu'en un mot, il possédait toutes les qualités qui sont l'apanage d'un excellent cœur et d'un vrai Français. Des larmes amères me suffoquent quand je songe que c'est pour ainsi dire dans mes bras que cet intime ami a reçu le plomb fratricide qui l'a conduit, après des souffrances aiguës, dans le champ de l'éternel repos où nous viendrons souvent semer de fleurs et arroser de nos pleurs la froide terre qui le couvre. » Notes de base de page numériques:1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). |