L'Echo de la Fabrique : 20 octobre 1833 - Numéro 42

Au Gérant.

Monsieur,

Nous nous empressons de vous signaler un grave abus qui existe dans la maison St-Olive.

Les comptes y sont réglés à chaque pièce mais ce réglement n?a jamais lieu en présence des maîtres tisseurs. Voici comment l?on procède. Le tisseur, après avoir rendu pièce, peigne, etc., etc., est invité à laisser son livre jusqu?au lendemain pour régler la dernière pièce, et cela sans lui annoncer le poids des objets qu?il vient de rendre. Mais le lendemain le tisseur est retenu soit par l?économie de son temps, et aussi par la même timidité qui ne lui a pas permis de faire la veille une réponse négative à la demande de son livre. Il attend pour cela une autre occasion. S?il a plusieurs métiers pour la maison, il arrive souvent que cette occasion d?aller au magasin pour obtenir son livre, se trouve précisément une nouvelle rendue ; alors nouveau renvoi au lendemain ; et de lendemain à lendemain, d?occasion à occasion, son livre est plus souvent entre les mains du négociant qu?il n?est à sa disposition ; enfin, il arrive tout le contraire de ce qui doit être.

[3.2]Les pesées étant seulement inscrites en chiffres, on sent quel degré de confiance exigent ces Messieurs. Que diraient-ils si un tisseur osait leur faire la demande de lui confier leur double-livre pour régler lui- même, dans son domicile, à leur insu et sans leur faire connaître le poids de sa dernière pièce et autres objets accessoires ? Tout le monde devine leur réponse à une pareille exigence ; c?est la même réponse que les tisseurs doivent faire dans ce cas.

Comme l?extirpation d?un abus ne peut s?opérer qu?avec la lenteur et tous les ménagemens désirables, les tisseurs doivent au moins exiger en échange d?un pareil degré de confiance et de soumission, qu?il leur soit délivré note du poids de la dernière rendue, et que celui des autres rendues soit non-seulement exprimé en chiffres, mais encore en toutes lettres, comme cela se pratique dans les maisons qui savent prévenir toute difficulté à cet égard. De cette manière, la confiance exigée par le négociant serait beaucoup réduite. Il est vrai qu?il y aurait bien d?autres fraudes praticables, mais n?ayant jamais supposé ce négociant capable d?aucune, nous désirons d?autres procédés, non pour anéantir cette confiance, sans laquelle il n?y aurait nulle transaction possible, mais seulement parce que toute confiance, lorsqu?elle n?est pas réciproque, est humiliante et oppressive pour l?un, et despotique en faveur de celui qui l?exige.

Nous avons l?honneur d?être, etc.

Plusieurs chefs d?atelier.

 

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