L'Echo de la Fabrique : 3 novembre 1833 - Numéro 44

 Un mot sur les Affaires.

Depuis quelques semaines les affaires se sont un peu ralenties et plusieurs métiers ont cessé de battre. Cet état de choses a suffi néanmoins pour semer l’inquiétude parmi les ouvriers ; et cependant, pour peu qu’ils eussent voulu se livrer à la recherche des causes, ils auraient été promptement rassurés.

En effet, qu’ils veuillent se rappeler que dans le courant du printemps passé, quelques commissions furent données dans les articles brochés pour robe. Les commandes dans ce genre d’étoffes, destinées à la haute consommation, ne peuvent être de longue durée, car l’élévation du prix, fondé sur la lenteur de l’exécution et la richesse des dessins, n’en permet l’emploi qu’aux privilégiés de la fortune. Néanmoins un assez grand nombre de métiers furent employés à leur confection, et ces commandes étant à leur fin, il n’est pas étonnant que beaucoup soient en souffrance. S’ils ajoutent à cela le prix exorbitant des soies, que des spéculations qu’il faudrait pouvoir empêcher, ont fait subitement augmenter de 25 à 30 p. % ; les récens événemens d’Espagne1, dont la solution est encore un problème, et l’époque ordinaire de la morte saison dans laquelle nous nous trouvons, ils auront bientôt trouvé les véritables causes du ralentissement qui les inquiète.

Mais, heureusement cet état de langueur sera de courte durée ; tous les renseignemens que nous avons pris nous portent à croire que le courant du mois de novembre verra les affaires reprendre leur cours et les métiers recherchés de nouveau. Patience donc ! C’est le moment de prouver ce que peut le dévoûment à la [1.2]chose publique. Nous apprenons avec satisfaction que les Mutuellistes, en cette occasion, ont compris le devoir de leur association, qui tous les jours grandit et prend de nouvelles forces. Ils ont senti que ce sont de ces instans d’incertitude que quelques négocians profitent pour diminuer le prix du salaire, afin de pouvoir ensuite obtenir sur leurs confrères la préférence des commissionnaires étrangers qui profitent seuls de nos sueurs.

C’est ainsi que depuis plusieurs années les prix ont successivement diminué d’une manière effrayante, et que, par ce déplorable moyen, Lyon a été privé d’une masse énorme de capitaux arrachés aux peines des travailleurs, pour être transportés chez tous les peuples du monde. Patience donc, ont-ils dit ; mieux vaut chômer un mois, s’il le faut, que de consentir à faire à vil pris une étoffe qui ayant été une fois livrée à bas prix à la vente, ne peut plus ensuite que difficilement être raisonnablement payée quand vient le moment des commandes. Nous les félicitons bien sincèrement d’avoir pris enfin cette un peu tardive détermination, et nous leur assurons la réussite. Nous connaissons trop l’esprit d’ordre qui anime les membres de cette philantropique association, pour craindre qu’il en résulte rien de fâcheux. Ils n’ont qu’à vouloir et à savoir vouloir. D’ailleurs tous les genres (les articles de goût exceptés) jouissent encore d’une faveur marquée, et si ces derniers ne sont pas beaucoup demandés, l’époque seule en est cause. Nous sommes au moment où les maisons qui se livrent à ce genre de fabrication remettent leurs échantillons, et il s’écoule toujours quelque temps avant que les commandes arrivent. Tout nous fait espérer que cet instant ne peut être éloigné. Déjà les soies ont éprouvé une légère baisse qui ne peut manquer de continuer, puisque cette hausse extraordinaire n’est point le résultat de la mauvaise récolte mais bien de la spéculation.

Au moment où les dispositions nouvelles des genres nécessitent des changemens indispensables dans les ustensiles, nous croyons devoir rappeler aux Mutuellistes une des principales clauses de leur association. Nous recevons à cet égard des observations d’un des membres, qui feraient croire qu’il se serait glissé quelque peu de négligence dans cette partie essentielle de l’organisation, ainsi que dans l’indication d’ouvrage. Nous pensons que cet avis suffira pour que tout se fasse avec conscience et fidélité.

B......

Notes de base de page numériques:

1. L’article fait mention ici de la crise de succession d’Espagne à la mort de Ferdinand VII. C’est alors le début de la première guerre carliste.

 

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