L'Echo de la Fabrique : 3 novembre 1833 - Numéro 44

 

Nous regrettons vivement qu’une note relative à l’affaire Bessac ait été omise à l’imprimerie ; nous l’insérons à titre de supplément à l’audience du 24 octobre.

Lorsqu’un acte constitue lésion au préjudice d’une des parties, est-il entaché de nullité ? Oui. Ainsi jugé entre Bessac et son apprentie.

Le conseil, considérant que l’apprentissage dont il s’agit (fabrication de cordonnet) n’exige que deux mois [5.1]pour acquérir ce genre de main-d’œuvre ; considérant qu’il y a lésion au préjudice de l’apprentie, les conventions sont résiliées.

Cette décision mérite d’être considérée comme très importante, attendu que, jusqu’à ce jour, des conventions entre négociant et chef d’atelier, quoique empreintes du même caractère, ont été respectées par le conseil. Nous pourrions en citer un grand nombre, nous nous bornons à citer, en thèse générale, toutes celles qui autorisent une partie à se dépouiller de ce qui lui est dûment accordé par l’usage et l’équité : telles sont ces conventions souvent écrites sans consentement mutuel, dans lesquelles un chef d’atelier est privé de tirelles ; d’autres qui ont pour effet de garantir le négociant de tout préjudice causé par les procédés frauduleux du moulinier et ovaliste. Là, il y a lésion flagrante. Quoi ! Un chef d’atelier sur le livre duquel on inscrira ces mots : On fera décrouer les mouchoirs, sera, par le fait d’un pareil contrat, obligé de se constituer fournisseur de matières premières dans une proportion égale à la mauvaise foi des moulinier et ovaliste. Par exemple, si le chef d’atelier qui a extrait deux onces de cire, en soumettant à la vapeur quatre bobines, avait été appelé devant le conseil par son négociant, s’étayant sur ces mots : On fera décrouer les mouchoirs, une sentence arbitrale, semblable à celle de l’affaire Dépouilly (Auguste) et Douillet, l’aurait condamné à payer la cire au prix de la soie. Plus, une pareille décision aurait encore été une accusation de fraude portée contre lui. Ce principe n’est pas admissible. Chargés de la répression des abus, nous nous montrerons infatigables. En fait, il y a défaut de preuves, le chef d’atelier ne peut être condamné. En droit, le contrat est illicite, et les mots : On fera décrouer les mouchoirs, doivent être considérés comme entachés de nullité, attendu, pour nous servir du considérant du conseil, qu’il y a lésion au préjudice du chef d’atelier.

Le conseil a donc reconnu que tout contrat ne peut être considéré comme licite, lors même qu’il est signé par un maître d’apprentissage et son apprenti. Nous invitons nos lecteurs à en prendre acte, et si, à l’avenir, contre notre attente, le conseil déclarait que toute convention quelconque tienne lieu de loi entre les parties, notre censure serait amère ; nous nous servirions d’un argument irrésistible, ce sera le considérant du conseil concernant l’affaire Bessac et son élève ; nous dirons… Les conventions devaient être résiliées attendu qu’il y a lésion.

Nous croyons rendre justice à qui de droit, en observant qu’il est probable que si le chef d’atelier Douillet en eût appelé à la grande audience, nous aurions eu la satisfaction d’entendre prononcer un jugement contraire à la décision des arbitres ; nous osons même affirmer que le président, après avoir consulté le conseil, aurait déclaré ces conventions nulles, attendu qu’elles exposent le chef d’atelier à une lésion considérable, dans le cas où les matières ne seraient pas ouvrées fidèlement. Comme ce n’est encore qu’une question d’intérêt, le conseil aurait pu ajouter : Attendu aussi que le solde provenant du décreusage porte atteinte à l’honneur de la partie lésée.

 

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