L'Echo de la Fabrique : 1 décembre 1833 - Numéro 48

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je viens signaler un abus existant en fabrique et qu’il convient de détruire. Comme le moyen de saper les abus est de les montrer au grand jour, je vais vous conter mon affaire, afin que vous en donniez connaissance au public dans votre prochain numéro.

Le deuxième associé (je tais son nom par égard pour le premier associé, qui est un homme d’honneur ; malheureusement que l’ouvrier ne traite pas avec lui) ; le deuxième associé, dis-je d’une maison de fabrique avec laquelle je viens de régler mes comptes, m’a élevé une difficulté au sujet d’une coupe rendue, il y a un mois et demi, qui avait été reçue sur mon livre pour 12 aunes 3/4, ce qui en effet était l’aunage que je rendais, mais qui ne fut marquée sur le livre du magasin livre du magasin que 12 aunes 3/8.

Certain de l’aunage de 12 aunes 3/4 que j’avais rendu, et qui, d’ailleurs, était écrit sur mon livre, je demandai que cette coupe me fût représentée et aunée de nouveau ; mais on me répondit qu’elle était expédiée, et qu’au surplus je devais être convaincu qu’on me disait vrai, puisque le livre d’entrée était conforme au livre du magasin.

Je voudrai bien savoir si un négociant serait reçu à donner pareil témoignage ; car il me semble qu’il pourrait bien écrire sur le livre de l’ouvrier l’aunage qu’il rend, pour éviter sur le moment toute réclamation, le fait étant récent, et écrire sur le livre du magasin et sur celui d’entrée un autre aunage, sur lequel on réclamerait lorsqu’on croirait que l’ouvrier en aurait perdu la mémoire.

Je livre cette question à la sagesse des hommes éclairés et judicieux, particulièrement à MM. les prud’hommes, les priant de faire connaître leur avis à cet égard par la voie de l’Echo de la Fabrique, afin d’éclairer ceux de mes collègues qui pourraient se trouver dans le même cas.

Quoique la façon de ces 3/8 fût de 2 fr., j’en ai fait le sacrifice pour éviter le désagrément de paraître à la barre du conseil, où l’on court quelquefois le risque de s’entendre imposer silence avant d’avoir expliqué son affaire assez clairement.

Veuillez, monsieur, me donner votre avis sur cette question ; vous obligerez votre dévoué.

françois, chef d’atelier.

Note du rédacteur. – Puisque M. François veut bien nous demander notre avis, nous répondrons franchement à son appel, et nous lui dirons que, comme lui, nous pensons que le meilleur moyen de détruire les abus est de les signaler au public, et surtout qu’il est du devoir de tout bon citoyen de les combattre corps à corps lorsqu’ils se présentent. Que, par conséquent, il a manqué à ce devoir, en ne saisissant pas cette occasion qui se présentera, nous espérons, bien rarement, de mettre le conseil à même de se prononcer en pareille matière. Il est malheureux que sa pusillanimité, d’ailleurs mal fondée, nous ait privé d’un jugement qui, nous le pensons, aurait été rendu en sa faveur, puisque le chef d’atelier est en droit de réclamer ce qui est écrit sur le livre. Ses confrères auraient été rassurés pour un cas semblable, et l’en auraient remercié.

 

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