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22 décembre 1833 - Numéro 51
 

 




 
 
     

De la réélection partielle

du conseil des prud’hommes.

Voici venir l’époque de la réélection partielle des prud’hommes chefs d’atelier, époque où vont se dessiner au grand jour les opinions qu’aura fait naître dans l’esprit de leurs commettans la conduite de ces mandataires dans l’exercice de leurs fonctions. Soumis au sort d’une élection nouvelle, les prud’hommes sortant y trouveront la mesure certaine des sentimens de louange ou de blâme qu’ils auront méritée.

Qu’on y réfléchisse. C’est une importante affaire que l’élection de nos juges ; soyons tous là. Que nos votes soient la manifestation de nos devoirs et de nos principes judiciaires ; point d’indécision ; laissons de côté toute influence de camaraderie, d’affections personnelles, d’estime, de parenté même ; soyons tout entier aux principes que nous voulons gagner ; que nos élus en soient les fidèles représentans.

jurisprudence écrite et libre défense, voila le drapeau, ne nous en éloignons pas et confions-le à des mains qui aient vouloir et devoir de le planter sur l’autel de notre justice ouvrière. Faisons choix des mieux placés pour toucher le but.1

Il fut un temps où, inconnus l’un à l’autre, nous approchions de l’urne électorale avec des inspirations individuelles, sans système combiné arrêté d’avance entre nous. Presque au hasard, nos suffrages, dictés par des sentimens isolés et divers, comme nos façons de voir et de sentir, s’entassaient sans but fixé, sans [1.2]détermination prise ; chacun se laissait aller à sa conscience privée, consultant à peine quelques amis ; mais aucune idée commune, nulle conscience de nos droits et des résultats à atteindre ne présidait à nos choix ; des habitudes d’ensemble, des rapports fréquens, des communications multipliées, des discussions instructives n’avaient point encore assez indiqué l’unité de but et de sentiment parmi nous ; aussi nos élus, feignant d’ignorer la volonté générale, sont montés sur leurs sièges avec l’intention tacite de se décider uniquement par l’inspiration de ce qu’ils ont appelé leur conscience, et que nous pourrions, nous, preuves en mains, qualifier d’une autre manière.

Cette fois, parlons aux comices un esprit décidé par des méditations préparatoires. Grâce aux associations, nous avons pu nous voir, nous connaître ; nous avons sondé les vices de notre justice ; nous avons mis en commun nos idées, nos raisons, nos pensées de réforme ; notre opinion à tous est formée, fixée, notre conscience commune est éclairée, nous voulons tous libre défense et jurisprudence écrite ; nous l’aurons ! Que l’association donne à nos opérations électorales l’ensemble et l’unité nécessaires ; que nos affections et nos volontés individuelles se viennent confondre et perdre dans la volonté générale que le nom des élus soit à la fois la proclamation de nos vœux et la garantie de la réalisation prochaine de nos espérances !

Disons bien à nos concitoyens qu’ils mériteraient le plus grand blâme s’ils n’usaient pas de toute l’influence de leur mandat pour vaincre de funestes résistances ; disons-leur bien qu’ils ont mission de doter notre cité d’une jurisprudence écrite et d’une libre défense ; qu’ils doivent compte à l’opinion qui les nomme des soins qu’ils auront apportés pour accomplir cette noble mission ; qu’ils doivent rapporter du moins la preuve des combats rendus pour vaincre les obstacles ; que le peuple ouvrier, associé derrière eux, se tient debout comme un seul homme applaudissant à leurs efforts, les attendant au bout de la carrière pour couronner leur par l’estime et la reconnaissance. Cette couronne en vaut bien une autre pour des cœurs généreux.

B......

Sur le but des Associations.

[2.1]L’indépendance, la justice, la paix, sont filles des lumières ; il est du devoir de tout homme de propager celles qu’il a reçues afin de procurer du bien-être à ses semblables. Quelquefois il est retenu par la crainte des trivialités ; il a tort : si deux cents lecteurs savent aussi bien que lui ce qu’il écrit, il peut s’en rencontrer dix qui y puisent de l’instruction. C’est pour ces dix que je vais parler, les autres m’excuseront.

La plupart des publicistes n’ont fait de l’économie politique que pour les riches ; et de là la misère du pauvre s’est encore accrue, parce que ceux qui possédaient la fortune, acquéraient en outre la connaissance de la centupler au détriment des prolétaires ; mais il faut que ceux qui n’ont à disposer que de leur travail étudient la manière d’en tirer parti, comme les autres de leurs spéculations.

C’est à tort que le travail n’est regardé que comme une œuvre de mercenaire : il est une marchandise, et tout artisan est un négociant qui en trafique. A lui, c’est son capital, car les capitaux se divisent en trois genres, savoir : la capacité personnelle, les valeurs que représentent les écus, et le travail.

Toute marchandise est assujettie à une variation dans son prix, lorsqu’elle abonde, il diminue ; lorsqu’elle est rare, il augmente ; l’état où il se trouve chaque jour est nommé le cours. Lorsque la marchandise abonde, celui entre les mains de qui elle se trouve va l’offrir, et celui à qui elle est offerte s’en prévaut pour la déprécier ; lorsqu’elle est rare, celui qui en est le détenteur attend les demandes et ne livre qu’aux plus avantageuses. Accroître sa fortune consiste à se trouver le plus souvent dans la chance où l’on reçoit des offres, et rarement dans la chance contraire.

Celui qui vend des produits confectionnés, et celui qui vend son travail, se trouvent également soumis à cette loi ; seulement celui-là possédant des avances suspend ses opérations quand il s’aperçoit qu’en les poursuivant il se place trop dans la nécessité d’aller les offrir ; tandis que celui-ci, poussé par le besoin, est contraint de produire sans relâche. D’où il résulte qu’il prolonge encore sa misère ; car si, lorsque les affaires ne vont pas, l’ouvrier avait assez d’avances pour arrêter son travail, il ne l’avilirait pas, on en aurait plus vite besoin, et on y mettrait le prix.

Ce sont ces considérations bien senties qui ont poussé les chefs d’atelier de la fabrique de Lyon à s’associer.

Placés par le sort dans une profession qui ne peut pas, comme les autres industries, courir dans un autre pays chercher des bénéfices lorsque le leur ne leur en procure plus, ils ont découvert, par le fait de l’association, le moyen : 1° d’être mieux informés du cours de la valeur du travail ; 2° d’éviter de se faire concurrence pour l’offrir ; 3° de se procurer réciproquement des avances dans les momens critiques.

Si les Mutuellistes se souviennent toujours qu’ils sont groupés, non pour satisfaire des passions que pourraient suggérer des individus mal intentionnés, mais seulement pour forcer une plus juste appréciation de ce qu’ils donnent en retour de l’argent, c’est-à-dire de leur travail ; et si l’exemple de leur sagesse, qui engendrera pour eux la prospérité, est suivi, la face que [2.2]l’harmonie politique a eue jusqu’à ce jour, peut changer entièrement.

Jusqu’ici, les chefs d’industrie n’ont jamais songé qu’à procurer des produits à bas prix aux consommateurs sans tenir compte du sort des producteurs. Or, un homme est plus utile à la société comme producteur que comme consommateur ; le progrès à forcer est donc de pousser ceux qui dirigent la création des objets livrés à la vente, de s’occuper avec autant d’attention du sort de celui qui travaille que de la jouissance de celui qui achète. C’est à ce point avoué et réclamé par la morale, que l’on parviendra par les associations.

Elles sont aussi de nature à faire éclore cette vaste et générale association de tous les individus qui concourent aux produits que la fabrique de Lyon répand sur le globe ; association tant désirée par les philantropes de notre âge.

En effet, les Mutuellistes ayant amélioré leur condition, auront, par contre-coup, rendu celle des fabricans plus onéreuse ; elle arrivera à un point peu tenable, et contraindra le fabricant à s’associer à son tour avec ses confrères. Deux associations étant en présence lutteront sans doute dans le principe ; mais la lutte causera un malaise pour toutes deux, et le besoin leur criera de s’entendre. Cette marche est à peu près celle de tout ce qui arrive dans l’humanité, où le besoin est le grand maître. Le besoin fait tout, et les vœux et les discours peu de choses.

Mais nous ne sommes pas arrivés à cette époque où l’on calculera le bonheur en masse ; nous vivons encore dans l’individualité. A l’heure présente, nous nous bornons donc à dire qu’il faut que le chef d’atelier sache bien : qu’il est, lui, un négociant qui doit savoir trafiquer habilement de son travail, qui est sa marchandise, en se tenant constamment éclairé sur le cours du prix ; qu’il doit se placer dans la position de se faire demander souvent et d’offrir rarement son travail, et pour cela réaliser des avances ; mais comme il ne le peut pas individuellement, de s’associer. Par-là il rendra son destin plus prospère, et il ouvrira une bonne voie à ses enfans.

DERNIÈRE CONFÉRENCE DE M. BERBRUGGER,

disciple de fourier.

C’est demain, 23 décembre, qu’aura lieu la troisième et dernière conférence de M. berbrugger, sur le système de colonisations agricoles et manufacturières, inventé par CHARLES FOURIER. Nous en rendrons compte dans notre prochain numéro.

La seconde livraison des Conférences données par ce jeune professeur, en septembre dernier, sera mise en vente le même jour chez M. Babeuf, libraire, rue Saint-Dominique ; chez l’imprimeur, M. Perret, même rue n° 13, et chez le concierge de la Loterie. Prix : 50 c.

avis sur l’élection dis prud’hommes.

Une nouvelle affiche du 15 courant, annule la précédente et convoque seulement les électeurs des sections représentées par MM. Martinon et Charnier, pour le dimanche 12 janvier prochain, à huit heures du matin. Ainsi la section représentée par M. Labory n’est pas convoquée, et ce prud’homme continue ses fonctions. [3.1]Voilà le troisième changement apporté à cette mesure ; peut-être en aurons-nous un quatrième : attendons.

Les négocians sont convoqués pour le samedi 11 janvier prochain, pour procéder au remplacement de MM. Gamot, Goujon et Brisson.

Plusieurs omissions ont été faites sur les listes électorales des chefs d’atelier ; nous engageons ceux qui ont des réclamations à faire à ne pas les négliger.

M. Napoléon Conte, demeurant montée Rey , n° 17, nous écrit afin d’informer le public qu’il veuille bien ne pas le confondre avec son homonyme (Conte François), exerçant la même profession et demeurant dans la même rue, qui se trouve sous le poids d’une accusation de vol, pour lequel il vient d’être condamné à 15 jours de prison.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

On ne cesse de nous effrayer de la prétendue concurrence étrangère, et chaque jour mes confrères et moi sommes victimes de ces manœuvres contre lesquelles il est temps enfin qu’on se tienne en garde. Le fait suivant vient à l’appui de ce que j’avance.

Il y a peu de temps que je montai un article nouveau créé par une maison de fabrique et qui nécessita de ma part plusieurs jours d’essai et de démarches pour l’amener à perfection. Sur ces entrefaites, et je ne sais par quel moyen, un fabricant concurrent trouva celui de copier l’article, et l’offrit à la vente à quelques centimes de moins que la maison créatrice, qui avait nécessairement fait des frais, et qui comptait sur la réussite pour les rembourser. Trompé dans sa spéculation, le fabricant, qui ne veut rien perdre, ne trouva pas de meilleur moyen, pour s’en tirer, que de diminuer à ses ouvriers 10 c. par aune, et soutenir ainsi la concurrence de son plagiaire. Force fut à nous, pauvres diables, qui avions disposé nos métiers, de subir cette diminution au risque de faire de nouveaux frais. Voila, monsieur, cette terrible concurrence étrangère dont on cherche à nous effrayer, mais dont nous ne sommes pas dupes, et que nous sommes décidés à combattre à outrance par notre propre force, puisque nos administrateurs ne font rien et ne veulent rien faire pour protéger les intérêts de la classe nombreuse de nos travailleurs, dont ils ne s’occupent que pour les charger d’impôts.

Ce déplorable état de choses nous confirme de plus en plus dans la croyance qu’une jurisprudence écrite est indispensable, parce que nous espérons que par elle on pourra prévoir et décider que le prix d’un article, une fois établi, ne devra plus diminuer, et par là un chef d’atelier aura la certitude de rentrer, par son travail, dans les frais toujours très onéreux qu’il fait pour monter un genre à un prix quelquefois assez minime, et qu’il se voit trop souvent obligé de diminuer à la seconde pièce pour soutenir, d’après le dire du fabricant, la concurrence étrangère, ou, pour parler plus juste, celle de son adroit voisin.

Agréez, etc.

C........t, chef d’atelier.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. riboud.)

Audience du 19 décembre 1833.

Lorsque le travail d’un métier est suspendu à défaut du dessin, et que le fait vient du liseur, ce dernier est-il passible d’une indemnité envers le chef d’atelier ? Oui.

Ainsi jugé entre Boulon, liseur, et Valernau, chef d’atelier, qui recevra 5 fr. par jour à dater du 12 décembre jusqu’au 28 courant mois, sauf une indemnité plus forte si le liseur prolonge la livraison du dessin.

L’affaire entre Martin et Brisson a failli mettre le trouble dans l’auditoire par la négligence de MM. Labory et Bender, qui n’ont pas rendu le rapport qu’ils avaient été chargés de faire. Il s’agissait de fixer le prix d’une [3.2]étoffe fabriquée sans conditions écrites et que le négociant prétend ne payer que 85 c., tandis qu’elle est payée par ses confrères 1 fr.

La cause a de nouveau été renvoyée par devant les mêmes arbitres, et une enquête sera faite sur le prix courant.

Ce n’est pas la première fois que pareille négligence de la part de MM. les rapporteurs se renouvelle. Nous espérons qu’ils comprendront enfin tout le tort qu’ils font aux justiciables en ne remplissant pas avec plus d’exactitude leurs mandats, et quelle responsabilité pèserait sur eux s’il en résultait du trouble.

Madeleine Jalamion, apprentie mineure de Delas, a fait à ce dernier un billet de la somme de 80 fr., pour se libérer envers lui de 4 mois qui restaient à faire de son apprentissage.

Sur l’opposition faite par le père de l’apprentie, le conseil annule le billet et condamne la fille Jalamion à rentrer chez son maître, et la somme qu’elle a comptée lui sera remboursée.

Bauny se plaint que son apprenti Forêt tient à son égard une conduite indigne ; qu’il prétend malgré son maître être libre, et qu’il découche très souvent ; enfin qu’il ne vent pas faire la tâche qu’il lui a fixée. M. Milleron, prud’homme, avait été chargé de surveiller la conduite de cet apprenti et de fixer sa tâche ; mais chaque fois que ce prud’homme s’est présenté chez le chef d’atelier, l’apprenti était absent.

Nonobstant toutes ces raisons, le conseil a décidé que l’apprenti rentrerait chez son maître, que ses tâches seraient fixées, et que si au 10 janvier sa conduite n’avait pas changé, ou qu’il ne fît pas sa tâche, les engagemens seraient résiliés avec indemnité. En attendant, le père de l’élève paiera à Bauny la somme de 50 fr. pour dommage causé par l’absence de l’apprenti.

Un maître peut-il prendre son recours contre celui qui occupe, comme apprenti, l’élève dont les engagemens ont été résiliés avec indemnité par le conseil, lorsque la caution n’a pas payé la susdite indemnité ? Non.

Mais le maître actuel inscrira la somme sur le livret de l’apprenti à la fin de son temps, pour cette somme être retenue par 5e.

Ainsi jugé entre Chapiron et Perron.

Muet, apprentie, se plaint que Brunet ne règle jamais ses tâches, et en réclame le montant. L’arbitre chargé de régler les comptes a reconnu que, bien loin d’être débiteur, Brunet était créancier de la fille Muet pour une somme de 82 fr. 15 c. que cette dernière ou sa caution paiera comptant.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Grand partisan de la libre défense devant le conseil des prud’hommes, je viens l’étayer d’un argument auquel personne n’avait, je crois, pensé. Peu habile dans l’art si difficile de la parole, je me suis mal défendu à l’audience du 12 de ce mois ; je me suis servi d’expressions impropres, j’ai mis trop de chaleur, trop d’énergie dans le débit de ma courte harangue, et M. le président m’a condamné, moi pauvre orateur, à payer 10 francs au fisc, parce que je ne suis pas resté dans ce calme, cette impassibilité qu’on acquiert dans les luttes judiciaires, et que dès lors je ne pouvais avoir, puisque pour la première fois j’élevais la voix en public. [4.1]J’aurais bien voulu, pour un moment, changer de rôle avec M. le président ; il eût jugé s’il est aussi facile de développer des moyens de défense avec mesure et clarté, que de condamner un pauvre diable, qui n’en peut mais, à 10 francs d’amende et aux frais d’affiche du jugement. Si jamais je suis à la tête des prud’hommes et que vous soyez plaideur, M. le président, je prendrai ma revanche ; tenez-vous pour averti.

Je passe à ma cause. Je n’ai pas su la défendre devant le conseil, je viens la défendre devant le public. Ce juge souverain ne m’infligera point d’amende, il comprend la liberté de la défense ; il n’a pas de sot amour-propre à venger ; il m’entendra jusqu’au bout, et seulement alors il me jugera.

Le 3 décembre, le beau-frère de la fille Muet, mon apprentie, se plaignit au greffe de ce que je ne réglais pas ses tâches et d’autres causes que vous n’avez pas voulu, M. le rédacteur, rendre publiques, et que je dois dire, moi, parce que ce sont des calomnies ; elle se plaignit que je la poursuivais de mes déclarations amoureuses. Sur cette simple plainte, que rien ne justifiait, et sans s’enquérir de ce que je pouvais avoir à répondre, M. le président me dépêcha l’un des prud’hommes, M. Perret, qui, sans doute contre sa volonté, provoqua chez moi un débat scandaleux. J’aurais dû lui défendre ma porte, comme je le fis avec une juste énergie à l’individu qui l’accompagnait, ce procès n’eût pas eu lieu ; mais enfin je lui permis d’entrer. La paix régnait dans mon atelier, le prud’homme conciliateur parut, et la guerre d’éclater. Il me fit part des plaintes de la fille Muet ; indigné de ces mensonges, j’allais, je l’avoue à ma honte, la châtier, lorsqu’elle sut, par une prompte fuite, échapper à sa peine. Seul, je fis comprendre à M. le prud’homme tout l’odieux de ces accusations ; je lui expliquai que les trois sœurs de la fille Muet avaient appris chez moi leur profession, et que je les défiais d’établir que jamais je leur aie adressé une parole insultante et grossière. Je veux du respect de la part de mes ouvriers et apprentis, et pour l’obtenir, je les respecte moi-même. M. le prud’homme se retira. Le 12 de ce mois je me présentai devant le conseil, sur une invitation du père de la fille Muet, mon apprentie. Le sieur Muet fit défaut. C’est à cette audience, qu’offensé de mes réponses qui cependant n’avaient rien d’insultant, M. le président me fit l’honneur de me condamner à 10 fr. d’amende et aux frais. M. le président a sans doute trouvé plus facile de me répondre par une condamnation que par de bonnes raisons ! Quoi qu’il en soit, si MM. les prud’hommes ne s’entêtaient pas sottement à prescrire la libre défense, tout cela ne me fût pas arrivé, et ils ne commettraient pas tant de bévues dont nous sommes les victimes. Enfin, je me retirai en maudissant sincèrement mon président ; j’usai largement du vieux droit des plaideurs ; car je ne sache pas qu’on nous en ait encore dépouillés. Le lendemain mes comptes furent réglés devant M. Perret, prud’homme, en présence de la fille Muet et de son père ; ils furent reconnus parfaitement exacts, et cependant on les contesta plus tard, parce qu’un beau-frère chicaneur s’est interposé et a continué une querelle qui n’en devint une que par la visite irréfléchie et illégale d’un prud’homme. C’est ce même beau-frère qui l’accompagnait et auquel je refusai ma porte ; il insistait, mais des moyens énergiques triomphèrent de sa résistance. Irrité du peu de respect avec lequel je l’invitai à sauter mon escalier, il porta à M. le procureur du roi une plainte dont je suis à attendre les suites. [4.2]Quant à la fille Muet, elle s’est reconnue ma débitrice d’une somme de 82 fr. 15 c. Mais restait à régler l’indemnité qu’elle me devait, d’abord pour n’avoir pas fait ses tâches, ensuite pour le non achèvement de sa pièce, qu’elle n’a abandonnée que par de coupables instigations. Nous nous sommes présentés sur le tout à l’audience de jeudi dernier, 19 courant. A cette audience, j’ai parlé avec la même énergie, la même franchise d’expression, et cependant M. le président ne s’est plus cru offensé ; il a prouvé, je dois l’avouer, que lorsqu’il le veut, il sait diriger sagement des débats sans gêner la liberté de la défense ; il m’a accueilli avec une honnête bienveillance et a réparé ses torts envers moi, et déjà je les aurais totalement oubliés si le fisc inexorable devait aussi oublier de m’arracher les 10 fr, d’amende, que M. le président m’a condamné à lui payer. Quoi qu’il en soit, le conseil a reconnu l’exactitude rigoureuse de mes comptes et la fausseté des accusations portées contre moi par la fille Muet ou son beau-frère, qui était son interprète ; il a condamné le sieur Muet, père de mon apprentie, à me payer de suite la somme de 82 fr. 15 c. Quant à la pièce inachevée, il faudra que j’avise au moyen de la faire exécuter. On le voit, j’y perds encore ; néanmoins j’ai gagné mon procès, et cependant j’ai été puni ; pourquoi ? Parce que je ne suis pas orateur, parce que je n’ai pas le calme de la vieillesse, l’impassibilité de la loi… ; parce que ma voix a été franche et non hypocrite, énergique et non suppliante ; parce qu’enfin j’ai parlé en citoyen et non en valet.

Agréez, etc.

brunet, Chef d’atelier, cours d’Herbouville, ci-devant salle Gayet, à St-Clair.

Au Même.

Monsieur,

En dépit des usages reçus et des décisions du conseil, la maison Savoie ne prétend pas payer l’enlaçage des dessins. Ce n’est qu’après m’être violemment disputé avec ce négociant que je suis venu à bout de le décider à mon égard. Si toutes les maisons de fabrique agissaient ainsi, où diable en serions-nous ?

Veuillez, M. le rédacteur, rendre ma lettre publique, pour que mes confrères se tiennent en garde.

Agréez, etc.

lyonnet.

Nous avons admiré, avec un grand nombre d’amateurs, la belle composition de M. Court1. Une touche large, un dessin correct et vigoureux, une disposition parfaite des personnages, une vive énergie sans exagération, nous ont paru les principales qualités de ce grand tableau. Le drame du 1er prairial a été bien mis en scène par le peintre. La fureur du peuple, le courage de Chénier, la sublimité de Boissy-d’Anglas, l’audace des royalistes promoteurs du désordre, sont habilement retracés. Il est bien fâcheux que l’unité d’action principale ait empêché M. Court de mettre en première place le républicain Vernier ; les arts sont souvent exposés à être injustes. En suivant l’histoire, tout le monde connaît la conduite de Boissy-d’Anglas, et peu de gens savent que Vernier, dans la séance du 1er prairial, réclama le fauteuil et l’obtint par ses vives instances ; que ce fut lui qui, pour toute réponse à cette menace : Signe, ou je te tue ! ôta sa cravate et présenta son cou nu au fer des furieux. Ce fait est constaté dans la notice explicative du tableau de M. Court, où nous avons été fâchés de trouver aussi des vers de M. Barthélemy sur cette terrible journée. Le talent ne doit [5.1]jamais s’accoler à l’infamie ; quels que soient les vers du transfuge, ils ne doivent pas souiller, même pour l’expliquer, l’œuvre d’un bon citoyen.

MÉMOIRE

de la chambre de commerce de lyon.

A notre tour aussi nous reproduisons le Mémoire de la chambre de commerce de Lyon, qui est à la fois, selon nous, une œuvre de mérite et de patriotisme, remarquable surtout par les vues grandes et généreuses qu’il renferme.

Honneur donc à MM. les membres de la chambre de commerce, ils ont bien mérité de tous ; et comme tout œuvre de progrès, leur mémoire a droit à des éloges que nous leur donnons avec grand plaisir ; et pourtant, on le sait, nous ne sommes pas courtisans.

La chambre de commerce de Lyon, comprenant toute l’importance des questions sur lesquelles M. le ministre du commerce, par sa circulaire du 27 août dernier, sollicite son attention, et aussi ses avis, s’est occupée sérieusement et consciencieusement à rechercher des solutions basées sur l’intérêt général du pays.

M. le ministre verra par ses réponses que l’abolition du monopole des soies de France, sollicitée par la chambre de commerce de Lyon, est un précédent auquel elle reste fidèle, et qu’elle offre toujours en exemple aux industries qui, par exception sans doute, demanderaient le monopole pour leurs produits et la liberté pour tous les autres.

Le grief le plus légitime qu’on puisse alléguer contre le système de douanes suivi en Europe et particulièrement en France depuis l’empire, c’est qu’il suppose à peu près que chaque peuple doit se suffire à lui-même, que chacun peut trouver sur son sol et dans son industrie tout ce dont il a besoin. Cette hypothèse fondamentale est l’exagération d’un principe vrai, savoir : que chaque peuple doit, autant que possible, tirer parti de toutes les ressources que lui offre le sol sur lequel Dieu l’a placé. Mais si ce principe est vrai, il en est un autre qui ne l’est pas moins, c’est que les divers peuples sont entourés de circonstances particulières et que chacun d’eux est plus propre à telle ou telle production, à telle ou telle industrie : ici les fers et les tissus ; là les vins ; sur un point le blé ; sur un autre le riz ; ailleurs les colons ou la soie ; à droite les objets d’art et de goût ; à gauche les objets d’utilité, les mécaniques ; etc. Chacun d’eux a intérêt, non à tout faire, mais faire principalement ce qu’il sait le mieux faire.

S’il en était ainsi, si la division du travail s’établissait entre les peuples, si chaque pays se consacrait spécialement à créer, non d’une manière absolue, mais seulement par prédominance, tel ou tel produit, telle ou telle denrée, il est clair qu’on aurait trouvé la combinaison la plus avantageuse à tout le monde ; car le chiffre des échanges devenant par là aussi considérable qu’il est possible de le concevoir, le commerce serait porté au maximum de son développement.

Il ne faut pas désespérer de voir ce régime s’établir ; mais ce ne peut être que peu à peu et par degrés ; car il ne sera possible que lorsque bien des préjugés qui divisent aujourd’hui les peuples auront été dissipés.

Quoiqu’il en soit, même en se dirigeant vers ce but, on ne saurait méconnaître l’utilité actuelle des douanes, comme sources de revenus publics et comme protection [5.2]temporairement nécessaire à la conservation de certaines industries qui ne se sont élevées que sur la foi de cette protection.

Mais comment établir les droits de douanes ?

D’après quelles conditions en fixer le chiffre ?

Quelle peut être la limite des tarifs ?

La contrebande, qui tient la balance à la main, est ici le guide le plus sûr et le plus facile à suivre.

Toutes les fois qu’un droit sera tel qu’il n’empêchera pas la contrebande ; toutes les fois qu’il pourra être avéré que, moyennant une prime, des entrepreneurs de fraude pourront introduire des marchandises tarifées la limite raisonnable aura été dépassée.

Et la meilleure preuve que nos tarifs actuels sont généralement trop élevés et que nos prohibitions sont déraisonnables, c’est que la contrebande en grand, la contrebande organisée, est exploitée, pour ainsi dire, comme toute autre industrie, sans exciter ce sentiment de réprobation dont l’opinion frappe toute action illicite, et qu’elle a ses comptoirs, ses prix débattus et publics.

Chacun sait que l’introduction des cachemires de l’Inde coûte 10 p. 0/0 ; celle de l’horlogerie et de la bijouterie, de 5 à 12 ; celle des cotons filés, de 18 à 25 ; celle des tulles anglais, de 15 à 18 p. 0/0 ; celle des articles tissés volumineux, de 13 à 25 p. 100, etc.

Un pareil état de chose est profondément affligeant pour la morale ; il provoque et encourage irrésistiblement à la désobéissance aux lois ; il est ruineux pour le commerce régulier, sans avantage pour aucune industrie, et surtout onéreux pour les contribuables qui, s’ils payaient au fisc ce qu’en définitive ils paient aux contrebandiers seraient soulagés d’autant dans la cote de leurs impositions.

Des droits élevés ou des prohibitions tendent à constituer un monopole. Or, on comprend bien le monopole au profit de l’état, parce que l’état c’est tout le monde, c’est le pays ; mais le monopole au profit d’une classe de producteurs, c’est du privilège, et de celui que notre siècle est le moins disposé à supporter.

A ces considérations générales, destinées à éclaircir ce qui suit, succède naturellement l’examen des questions particulières.

La chambre de commerce de Lyon est convaincue qu’il est dans l’intérêt général, qui doit être le seul guide des ministres et des chambres, de substituer à toutes les prohibitions des droits dont le taux soit toujours au-dessous de la prime connue de contrebande ; mais parmi celles qui sont le plus directement nuisibles à l’industrie, en général, et à celle de Lyon en particulier, la chambre citera les cotons filés de tous numéros, les laines longues anglaises.

Les colons filés, car il est irrécusablement prouvé qu’ils sont, pour ainsi dire, une matière première indispensable aux industries que leur rareté, leur cherté ou leur infériorité empêchent de se développer.

Les laines longues anglaises, dont rien n’a jamais motivé la prohibition, puisqu’il n’existe pas en France de troupeaux donnant des qualités semblables, seraient avec les colons filés une source abondante de travail pour nos fabriques.

Dans l’intérêt général des producteurs et des consommateurs, il conviendrait de réduire à un simple droit de balance tous les droits qui pèsent sur les matières premières en général, et notamment entr’autres, les bois de teinture, les bois pour les ustensiles, les huiles propres aux fabriques, et toutes les provenances, les cotons en laine, etc. Indépendamment de ces articles, il en [6.1]est surtout deux autres qui, relativement aux industries dont ils sont l’ame, aux travaux dont ils sont la source, sont presque plus que des matières premières, et se trouvent cependant plus maltraités par nos lois de douane que s’ils étaient des objets du luxe le plus frivole : ce sont les houilles, les fers.

Oui, la houille est plus qu’une matière première : elle donne elle-même naissance ou valeur à bien des matières premières, elle est un objet de première nécessité comme le pain et le bois, et tant qu’en France il y aura des gens ayant froid, la houille sera trop chère ou le travail trop rare. La houille à bas prix est si essentielle à l’industrie, que les Anglais en entravent la sortie par des droits élevés, et qu’un gouvernement qui voudrait favoriser les développemens du travail et du bien-être des classes pauvres devrait plutôt lui accorder une prime d’entrée que la frapper d’un droit.

Et, chose singulière et vraiment inexplicable, sur le littoral où il n’existe pas de mines à protéger, le droit sur les houilles est de 1 fr. 10 c. par 100 kilog., tandis que sur la frontière belge il n’est que de 33 c., et pourtant là on se plaint avec raison.

Ce régime est la négation de la navigation à vapeur. Un bâtiment, muni d’une machine de la force de 150 chevaux (le Sphinx en a 2 de 80), consomme par jour à raison de 5 kilog. (par heure et par force de cheval) 18,000 kilog., à raison de 1 fr. 10 c. de droits par 100 kil. ; c’est 198 fr. par jour.

Quant aux fers, le droit de 275 fr. par tonneau est égal à une prohibition tout au profit des propriétaires de bois qui élèvent leurs prétentions à mesure que les fers montent.

Qu’on baisse ou non ces droits injustes et nuisibles pour le pays, les usines à fer auront une crise, ne fût-ce que par la concurrence intérieure des fourneaux à coke.

En 1828, lors de l’enquête commerciale, la chambre de commerce de Lyon demandait déjà la réduction progressive des droits prohibitifs qui pesaient sur les fers. Aujourd’hui, plus forte encore qu’alors des plaintes de l’agriculture et de l’industrie dont cet onéreux monopole arrête les développemens, elle vient supplier le gouvernement d’en délivrer le pays, non pas brusquement, mais progressivement, et en commençant en 1834 par une réduction annuelle de 18 p. 0/0, de manière à ce que, dans un temps donné, la subvention que le pays paie aux propriétaires de bois et de forges se trouve réduite à un fort droit de balance.

La fabrication du salpêtre à l’intérieur est forcée, artificielle, onéreuse au pays qui pourrait se procurer, au tiers du prix, les salpêtres de l’Inde et du Chili.

L’objection qu’ont fait contre leur admission, avec un droit modéré, paraît peu fondée.

Les salpêtriers, dit-on, renonceront à leur industrie, et en cas de guerre, et surtout de guerre maritime, on serait au dépourvu.

1° Il faudrait avoir la guerre avec tout le monde, pour que par mer ou par terre le salpêtre ne nous vînt pas ;

2° En cas de guerre, la provision déjà existante nous mènerait loin ;

3° En cas de guerre, rien ne serait plus aisé que de rétablir les salpêtrières actuelles ; c’est une fabrication des plus simples dans la pratique : en quinze jours les ateliers seraient reconstitués et les ouvriers formés. L’exemple de notre première révolution vient à l’appui de cette assertion et il faut ajouter que depuis cette époque les sciences, et particulièrement la chimie, ont fait des progrès immenses.

[6.2]Les droits existans sur les toiles et linges de table sont déjà trop élevés, et la rareté et l’infériorité de ces objets chez le peuple de France, relativement aux peuples étrangers, est une preuve patente de leur trop grande cherté.

La chambre n’approuve pas davantage la demande de droits plus élevés sur le lin et le chanvre peigné, non plus que sur le poil de chèvre coupé, que l’on doit considérer les uns et les autres comme des matières premières.

La chambre est d’avis qu’on doit encore considérer comme matières premières, c’est-à-dire comme source de travail tous les produits auxquels il reste des façons à donner. Et quant aux tissus foulards écrus des Indes, d’Angleterre et de toute provenance, quoiqu’ils doivent faire à nos fabricans, dont la chambre compte plusieurs parmi ses membres, une concurrence sérieuse, elle n’hésite pas à dire que leur introduction, avec un droit très modéré, sans même la condition gênante et complètement illusoire de leur réexportation, ne pourrait qu’accroître nos élémens industriels, soit en stimulant nos fabricans tisseurs, soit en donnant un nouvel aliment à l’impression sur soie, qui a pris depuis peu en France un très grand développement, soit en ajoutant un article de plus à nos assortimens, dont la riche variété doit attirer à notre marché les commandes de toutes les consommations.

Il est essentiel à une nation qui s’appuie sur la mer au nord, à l’ouest et au midi, de tirer parti de sa position, et la chambre de commerce de Lyon félicite le gouvernement de ses efforts sincères pour amener le développement de notre marine.

Mais tous ses efforts resteraient sans effet si nos lois de douane, faites sous l’influence de l’idée anti-maritime, anti-commerciale du système continental, n’étaient pas largement modifiées.

Pour avoir un commerce maritime, pour avoir un commerce, en général, il faut beaucoup vendre et beaucoup acheter, il faut échanger. Or, comment échanger, si nous n’ouvrons la France aux provenances étrangères ? Sous ce rapport, la question des salpêtres acquiert une importance toute nouvelle ; de même les chanvres, les cuirs, les peaux, les suifs, les laines, les bois, la houille, les fers, etc.

Un moyen excellent de faire grandir notre marine et de donner du mouvement à nos ports qui languissent, consisterait surtout à multiplier les relations de la France avec la nation maritime par excellence, avec l’Angleterre. Aussi la chambre de commerce de Lyon applaudit-elle aux efforts multipliés du gouvernement pour cimenter cette alliance. Mais cette alliance, il ne faut pas le perdre de vue, ne peut acquérir de la solidité qu’autant qu’elle sera basée sur des intérêts commerciaux qui offriront aux deux peuples un mutuel et égal avantage, et alors revient nécessairement l’indispensabilité de l’échange, et alors aussi se présente l’importante question de nos vins et eaux-de-vie, et des fontes et fers d’Angleterre, de nos soieries et objets de goût, et des cotons, cotonnades, laines d’ Angleterre, etc., etc. Ainsi toutes les questions se tiennent, et il est impossible de toucher l’une des principales sans soulever toutes les autres.

A ce sujet, la chambre fera observer que, tout en protestant de ses vues libérales sur les questions de douane, le gouvernement anglais, au moins en ce qui concerne notre industrie, n’a pas libéralement appliqué ses théories ; ainsi la loi qui fixe à 30 p. 100 les droits sur nos soieries, est interprétée par lui de manière que [7.1]la perception, les élève souvent à 55 p. 100 ; d’où il résulte que sur environ 25 millions de soieries françaises qui entrent annuellement en Angleterre, 9 à 10 millions seulement acquittent les droits.

Bien convaincus que lors même que l’ Angleterre n’entrerait pas franchement avec nous dans la voie de la liberté commerciale, il serait toujours de notre intérêt d’y marcher ; la chambre ne signale pas ce fait pour accuser, mais seulement pour que M. le ministre du commerce le fasse valoir dans l’intérêt des relations réciproques.

La chambre ne terminera pas sans exprimer son vif désir et ses justes espérances de voir enfin couronner du succès les efforts du gouvernement pour obtenir des chambres une discussion et des délibérations éclairées et profondes sur les élémens d’une loi de douane en harmonie avec les besoins et les lumières du pays.

POÉSIE.
L’impôt du Prolétaire.

Prolétaire, parlons d’impôts :
C’est le ver qui, vivant, te ronge ;
Sans le budget et ses suppôts,
Ta misère serait un songe.
Parle, apprends nous, homme de rien,
Si tes maîtres, que rien n’éclaire,
A tes maux mesurent leur bien :
Quel est l’impôt du prolétaire ?

D’un doigt de vin va-t-il noyer
Maux d’atelier, maux de caserne,
Mille maux qu’il faut oublier :
L’impôt le guette à la taverne.
Le rat de cave à chaque instant
Jauge tonneau, bouteille, verre ;
Tant pour le vin, pour le droit tant :
Voila l’impôt du prolétaire.

Puis sur ses pas le gabelou,
Chaque jour au sein du ménage
Sur le sel lui réclame un sou,
Sur la pipe encor davantage.
Le percepteur, autre fléau,
Taxe les trous de sa chaumière
Comme les balcons du château !
Voila l’impôt du prolétaire.

Mais il est un impôt plus lourd,
Un impôt levé sur la peine
Par le riche, devenu sourd
A des maux dont il tient la chaîne.
« Pauvre, debout ! voici ta loi :
Travaille ; mais sur le salaire
Je me réserve un lucre, moi ! »
Voila l’impôt du prolétaire.

Le jour viendra, jour d’équité,
Où doit luire enfin sur la France
Ce soleil de la liberté
Qui calmera tant de souffrance.
Mais jusque-là, faiseurs de lois,
Songez au peuple, à sa misère…
De votre joug il sent le poids :
Craignez le bras du prolétaire !

N. de N.

Au Gérant de l’echo de la fabrique.

Lyon, 24 décembre 1833.

Monsieur,

Veuillez agréer l’expression de nos remercîmens sur [7.2]l’insertion dans votre journal d’un article signé X., relatif à notre Société commerciale d’Echanges.

Le prétendu critique convient que le système d’échanges, tel que nous l’annonçons, est séduisant : c’est un grand point, et cela est vrai, car il a séduit près de 20 mille chefs de famille. Il convient de sa nécessité ; c’est encore un autre grand élément de réussite. Il le trouve difficile dans sa parfaite exécution ; c’est encore un des grands caractères constitutifs des grandes entreprises. Il finit par conclure à l’impossibilité de le conduire à sa perfection ; et en cela il peut avoir raison, car, jusqu’à ce moment, il n’a rien paru de parfait dans ce monde, ce qui n’en a pas moins été pour ce monde, une raison d’accueillir ce qui présente quelque chose de mauvais, en faveur du bien qu’on y trouve en abondance.

Par exemple, M. X. trouve mauvais qu’il y ait trop de médecins à l’échange, et nous, au contraire, d’accord avec les cordonniers auxquels nos médecins ont donné leurs soins, nous avons trouvé très bon que les bottes faites par nos cordonniers aient chaussé les menuisiers qui ont fait des meubles pour nos cordonniers, lesquels ont refait des bottes en échange, qui ont chaussé des épiciers, lesquels ont encore fait des bottes et auraient ainsi continué in secula seculorum, si le cuir ne leur eût manqué, ou que le corroyeur ne fut pas sujet à être malade, et alors le même mouvement et une multitude d’autres mouvemens du même genre ont eu lieu, et n’ont laissé, tant à ceux qui ont trouvé leur compte, qu’à ceux qui attendaient avec impatience, d’autres regrets que ceux dont M. X. nous présente le tableau… Ah ! M. X., qui cherchez des poux à la tête des enfans en bas âge, pour dégoûter leurs parens d’en mettre d’autres au monde, nous craignons bien que vous n’y perdiez et votre logique et votre latin ! ! !… N’importe, nous mettrons à profit les avis d’améliorations que nous donne M. X. pour le perfectionnement du système d’échanges, en le priant instamment d’en faire une étude plus approfondie, afin de s’éviter la peine de reconnaître à chaque pas une perfection là où il aura cru voir un défaut ; car mieux vaudrait pour lui s’endormir sous l’arbre de l’échange comme le paysan de La Fontaine sous un chêne, et trouver à son réveil, dans sa barbe, le gland qui lui eût écrasé la tête si le Créateur, d’après ses conseils, eût placé les citrouilles là où il convenait de placer les glands !1

Nous disons, nous, que le système d’échanges a effectué un grand nombre d’échanges, qu’il a dans ses souscriptions de quoi en effectuer des milliers d’autres, et contenter le 5/6e des mécontens, si chacun y remplit les engagemens qu’il a pris, et que la moitié de la justice de Lyon cesse d’être favorable, par ses lenteurs, à ceux qui refusent l’exécution de leurs engagemens d’échanges, tandis que celle de Paris les condamne ; et le peuple, apprenant ainsi qu’il y a deux justices, une qui dit blanc, l’autre qui dit noir sur l’échange, laissera enfin la justice et fera l’échange sans elle ; ou bien il instituera la justice de l’échange qui est de celle des évaluations dont la difficulté effraie M. X. Mais que M. X. se rassure, la justice d’échange, placée devant des bottes, des habits et des chapeaux, pour trouver leur valeur relative, sera peut-être moins embarrassée que la justice de l’argent, appelée à trouver la valeur fixe du salaire et la forme qu’il faut donner aux coalitions des ouvriers.

L’objection prise de ce que l’administration de l’échange aurait besoin de quatre pour cent en numéraire [8.1]sur la valeur des échanges qu’elle procure, prouve, au contraire, qu’elle a résolu les 96/100e des conditions du problème, et le numéraire n’étant exigé que pour les frais de justice, patente et poste aux lettres, il s’en suit que le consentement du gouvernement et de la justice suffit seul à la résolution intégrale du problème de l’échange.

Nous attendons de votre impartialité l’insertion de la présente lettre, que nous aurions faite bien plus longue sans la crainte de prendre une trop longue place dans votre journal.

Nous ne la finirons pas, néanmoins, sans prier M. X. de se nommer comme nous le faisons, pour prouver au public la réalité d’une controverse qui ne peut manquer de devenir très sérieuse, si les conseils donnés par le Précurseur à tous les partis politiques, de mettre leurs utopies à exécution, les conduit, tous indistinctement, sur le terrain de l’échange. Dans cette attente, nous avons l’honneur de vous saluer avec une parfaite considération.

Le gérant de l’Association commerciale d’Echanges, établie à Lyon, rue de la Préfecture,  5, et dans un grand nombre de villes de France et quelques-unes de l’étranger,

B. mazel jeune.

Note du Rédacteur. – Jusqu’à présent nous avions négligé de dire ce qu’est la société commerciale d’échanges, dirigée par M. Mazel jeune, et, nous l’avouons franchement, c’est de notre part un grand tort envers tous ceux qui se sont laissé abuser par la marque philantropique dont il s’est affublé. – M. Mazel est bien convaincu que nous avons su apprécier ce qu’il appelle assez hardiment, un système nouveau ; et pourtant, après nous être refusés à l’insertion de plusieurs de ses lettres, nous avons encore reçu celle assez niaise et assez triviale, que nous livrons aujourd’hui à l’appréciation de nos lecteurs.

On sent que nous lui devons un commentaire précis ; nous le donnerons dans notre prochain numéro, tel que M. Mazel en tirera mince profit, et nous prévenons ce Monsieur, que regardant comme un devoir impérieux d’éclairer notre public d’une manière tout-à-fait complète (et pour des raisons à nous particulières), nous garderons le silence le plus absolu sur toute espèce de réplique qu’il lui conviendrait de publier ailleurs que dans notre journal. C’est, par conséquent, lui faire offre de nos colonnes, que jusqu’à présent nous lui avions refusées, et nous comptons qu’il voudra bien l’accepter.

Nouvelles.

Mardi, dernier, à 5 heures du matin, le citoyen Caussidière a été réveillé en sursaut pour se voir transférer à Montbrison, où il a été immédiatement conduit les fers aux mains comme un criminel.

– Le procès intenté à la Glaneuse par le ministère public, et qui devait se juger vendredi dernier, a été renvoyé aux assises prochaines. Ce renvoi a été motivé par la maladie de Me Michel-Ange Périer, défenseur de la Glaneuse.

MONT-DE-PIÉTÉ.

[8.2]Il sera procédé, le vendredi 27 décembre courant et jours suivans, depuis quatre heures après midi jusqu’à huit, dans la salle des ventes du Mont-de-Piété, rue de l’Archevêché , à l’adjudication, au plus offrant et dernier enchérisseur, de divers objets engagés pendant le mois de novembre de l’année 1832, depuis le N° 70052 jusque et compris le N° 77144.

Ces objets consistent en linge et hardes, dentelles, toiles, draps, glaces, bijoux, etc.

Les lundis et les jeudis, on vendra les bijoux et l’argenterie, les montres et les dentelles, etc. ;

Les mardis, les draps, percales, indiennes, toiles en pièces et hardes ;

Les mercredis, les matelas, les lits de plume, les glaces, les livres reliés et en feuilles, les vieux papiers, autres objets et hardes ;

Et les autres jours, le linge, les hardes, etc.

AVIS DIVERS.

(305) On offre un emplacement pour un métier pour maître.
S’adresser au bureau du journal.

(307) A VENDRE, 2 métiers travaillant en 6/4, à 4 fils au maillon. S’adresser chez M. Rebeyre, liseur, rue Casati, n° 6.

(308) A VENDRE, un métier de 4/4, mécanique en 900, 4,000 maillons, et tous ses accessoires, ainsi que le mobilier si l’acheteur le désire. S’adresser à M. Hypolyte Collavon, chez M. Salardisse, rue Madame, n° 6, au 4e, aux Brotteaux.

(309) CHANGEMENT DE DOMICILE.
Le sieur LATTIER, fabricant de peignes à tisser en tous genres, demeurant côte des Carmélites, n° 27, au 1er, est actuellement rue Vieille-Monnaie, n° 2, au 2e, du côté de la Grand’Côte, allée de la fontaine. – Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontres, et fait des échanges.

(290) A VENDRE, un métier de schals indiens en 5/4, mécanique en 1,800 ; on vendra, si on le désire, la mécanique séparément. S’adresser à M. Mauband fils, rue du Menge, n° 10, au 3e.

(306) AVIS.

M. brun, plieur, demeurant place des Pénitens-de-la-Croix, est actuellement place St-Clair, n. 6, au 3e, sur le devant.

(303) A VENDRE, une mécanique ronde à dévider, de 10 guindres, trancanage et cannetière de David. S’adresser à M. Matral, montée du Chemin-Neuf, n° 20, au 2e.

(304) A VENDRE, une belle planche d’arcades en 6/4, 4/4 et autres étroites ; rouleau de 6/4 de devant et de derrière ; d’autres en 5/4, 4/4 et 3/4 ; plusieurs peignes en 6/4 ; 5/4, 4/4 et autres largeurs et de tous comptes ; battans en 6/4 pour lancé, et autres de différentes largeurs ; le tout dans un état neuf. S’adresser au bureau du journal.

(301) A VENDRE, 4 métiers d’unis et une mécanique rondes de 12 guindres, ainsi qu’un ménage avec les meubles. S’adresser à Mme Fournel, place Rouville, n. 2, maison Brun.

(302) A VENDRE, 4 métiers d’indiens, en 900 et 1,200, avec tous les accessoires. S’adresser à M. Dufrène Pugnier, Grande-Côte, n. 28.

Notes ( De la réélection partielle)
1. On constate ici que l’engagement en faveur des coalitions ne conduit pas au recul des revendications antérieures concernant les prud’hommes. Les deux revendications principales des chefs d’atelier, jurisprudence fixe et libre défense, resurgissent donc intactes en cette période de réélection.

Notes (Nous avons admiré, avec un grand nombre...)
1. Mention probablement ici au peintre Joseph Désiré Court (1764-1811). Le tableau évoque l’insurrection populaire et jacobine de mai 1795 contre la Convention thermidorienne dirigée alors par François-Antoine de Boissy d’Anglas (1756-1826), épisode auquel furent mêlés Marie-Joseph Chénier (1764-1811) et Théodore Vernier (1731-1818).

Notes (Au Gérant de l’ echo de la fabrique . Lyon...)
1. Référence à la fable de Jean de La Fontaine, « Le gland et la citrouille ».

 

 

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