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9 février 1834 - Numéro 58
 
 

 



 
 
    
 CONSEIL DES PRUD’HOMMES,

(présidé par m. riboud.)

Audience du février 1834.

Coq, négociant, fait comparaître Poulet, chef d’atelier, à qui il avait donné la disposition d’un métier pour schal, et lui réclame une indemnité pour ne lui avoir rendu le premier schal que 31 jours après l’époque fixée.

Poulet a opposé à cette imputation que Coq lui avait promis une avance de 200 fr., et se faisait fort d’en donner des preuves. Coq a nié le fait ; et le conseil, après une longue délibération, a réduit à 10 le nombre de journées perdues, que Poulet, chef d’atelier, paiera à Coq, à raison de 5 fr. par jour, montant à 50 fr., et les dépens en sus. – Nous reviendrons sur cette affaire dans notre prochain N°.

L’apprenti Dévigne prétend, qu’ayant couché dans un appartement humide et malsain, sa santé ne lui permet plus de travailler sur le métier, et pour ce il fait comparaître Solari, son maître, pour demander la résiliation de ses engagemens. Mais le conseil, d’après l’enquête de son médecin, qui a attesté que le malade pouvait continuer de travailler, a débouté Dévigne de sa demande, l’a condamné à rentrer, et a délégué un médecin et un de ses membres pour veiller, l’un sur sa conduite, et l’autre sur sa santé.

Lorsqu’un chef d’atelier quitte la ville où il a contracté des engagemens avec un apprenti, pour en habiter une autre plus éloignée, le conseil résilie les engagemens sans indemnité.

Ainsi jugé entre Mme Chambry et son apprentie Mallet.

Buisson et Tabard, négocians, font comparaître Montagny, chef d’atelier, pour lui réclamer la somme de 113 fr. 90 c. que ce dernier refusait de payer parce qu’il n’en était pas débiteur sur son livret. Mais, d’après l’enquête qui a été faite, on a reconnu que, par méprise, on avait acquitté le livret de Montagny en croyant acquitter [6.1]celui d’un nommé Montagne, mort depuis deux ans. D’après cette enquête et la vérification des livres de MM. Buisson et Tabard, lesquels n’ont pu être confrontés avec celui de Montagny, qui a déclaré l’avoir brûlé, le conseil a condamné Montagny à payer à Buisson et Tabard la somme de 113 fr. 90 c.

La cause suivante vient à l’appui de l’observation qui a été faite à l’audience du 2 janvier dernier, par M. le président, à l’égard des élèves savoyards et piémontais, qui, connaissant le peu de recours qu’on a sur des engagemens dont la caution est étrangère, viennent dans nos pays usurper impunément le fruit des peines du chef d’atelier, et qui, selon leur gré ou leur plaisir, sitôt qu’ils croient pouvoir se passer des premiers soins et des premiers sacrifices qu’ils ont occasionnés pour leur apprentissage, ne craignent pas de provoquer injustement des discussions pour parvenir à leur but, comme a voulu le faire l’apprentie ci-après :

Bourbon, de Savoie, avait placé sa fille en apprentissage pour la fabrication des étoffes de soie, chez Mme Pollestat, qui, les trois premiers mois, a été très contente de l’assiduité, du zèle et de l’application de son élève, lorsque tout-à-coup elle vit s’opérer en elle un changement subit ; elle était devenue tout-à-fait négligente et indocile. Lorsque sa maîtresse voulait lui faire quelque remontrance, elle lui répondait : on ne peut rien aux Savoyards, et citait ses deux sœurs pour exemple.

A la fin, sa maîtresse ne pouvant supporter plus long-temps son inconduite, a pris le parti d’écrire à son père, qui a répondu de la renvoyer dans son pays moyennant un défraiement. Elle la conduit donc à la voiture où elle l’a vue monter ; mais bientôt après elle trouve moyen de s’évader, revient toute fière et toute triomphante de son escapade se présenter effrontément devant sa maîtresse, et lui dit : malgré vous, je resterai à Lyon et j’y travaillerai. En effet, elle est entrée dans une place où sans doute on l’attendait. Sa maîtresse l’a fait paraître à un premier conseil, où l’apprentie a été condamnée à une indemnité envers elle. Aujourd’hui, refusant de se soumettre à la décision de ce conseil, elle a fait comparaître Mme Pollestat, et le conseil a décidé, en second lieu, que, vu sa qualité de mineure, elle rentrerait chez sa maîtresse jusqu’à l’arrivée de son père, et a délégué deux de ses membres pour veiller à sa conduite et pour rassurer sa maîtresse qui n’osait plus la recevoir d’après les vives instances qui lui avaient été faites.

 

 

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