L'Echo de la Fabrique : 23 février 1834 - Numéro 60

Nous éprouvons le plus grand plaisir à livrer à la publicité la lettre suivante, et nous croyons franchement que si un point d’amour-propre, mal-entendu, n’était là pour empêcher l’émanation de leur intime pensée, beaucoup de fabricans suivraient l’exemple qui leur est donné par M. derrion1, signataire de cette lettre.

Lyon, 21 février 1834,

Messieurs les Mutuellistes,

Lorsque MM. vos délégués se sont présentés dans nos magasins, pour obtenir notre adhésion aux prix réclamés par les travailleurs en étoffes de soie, j’ai cru que c’était une signature qu’ils me demandaient, c’est-à-dire un engagement indéfini. J’ai refusé en donnant mes raisons qui peuvent se résumer par ces mots : L’état industriel actuellement existant, est incompatible avec une semblable transaction.

Maintenant que je sais que c’est une adhésion comme témoignage de bonne volonté et une promesse d’efforts que vous demandez, je viens de grand cœur vous donner ma parole pour la maison de mon père, dont je suis le principal gérant sinon le chef. Et je fais cette démarche avec d’autant plus de plaisir, que, aujourd’hui que nulle agitation n’existe, je me sens dans toute ma liberté, et qu’une question d’amour-propre ne me retiendra jamais.

Je saisis aussi cette occasion, pour dire en mon nom particulier, aux travailleurs lyonnais, dont un grand nombre déjà me connaissent, que tous les instans de ma vie seront employés à réclamer ou établir un ordre social nouveau, qui garantisse au producteur de toute richesse une part plus équitable dans le bénéfice social, c’est-à-dire une organisation pacifique de l’industrie. Et, qu’on sache que ce que je viens de dire n’est pas une flatterie, mais l’effet d’une conviction profonde et d’une volonté bien arrêtée.

Agréez, etc.

derrion fils.

P. S. Je vous autorise à donner à cette lettre toute la publicité que vous jugerez convenable.

Notes de base de page numériques:

1. Michel-Marie Derrion allait publier au lendemain d’avril 1834 un court essai, Constitution de l’industrie et organisation pacifique du commerce et du travail ou Tentative d’un fabricant de Lyon pour terminer d’une manière définitive la tourmente sociale (imprimerie de Mme Durval) dans lequel il présentera son projet coopérativiste de Commerce véridique et social. Il reprendra et développera son programme dans une série d’articles publiés en décembre 1834 et janvier 1835 dans L’Indicateur.

 

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