L'Echo de la Fabrique : 9 mars 1834 - Numéro 62

 ATHÉNÉE. – COURS ET CONFÉRENCES.

En même temps que le parti républicain empêche les exactions du pouvoir par une énergique résistance ; en même temps qu’il se popularise et acquiert plus de force au milieu des masses qui possèdent toute la vitalité à une époque d’émancipation ; il aime à constater tous les progrès que la raison publique accomplit de jour en jour, et à propager les institutions qui répandront dans le peuple des connaissances nécessaires pour ses travaux et pour son éducation sociale. Ainsi donc, arrière aux hommes qui pensent que les républicains sont en dehors de la voie d’avancement. Ceux-là ne savent pas combien le sentiment patriotique qui nous unit contient en germe d’idées comme les leurs. Oui, nous [7.1]voulons les améliorations pacifiques, et nous les voulons plus que les autres, car nous avons une grande énergie pour les obtenir.

Des hommes, mus par une ardente philantropie, organisent dans notre ville un établissement qui peut lui valoir un avenir glorieux ; aussi plusieurs d’entre nous ont concouru à cette œuvre, et apporteront tous leurs soins pour que la constitution de cette association pacifique offre des garanties aux cœurs vraiment libéraux, et que le programme offert aux lecteurs ne soit pas démenti comme tant d’autres par une dégoûtante réalité.

L’Athénée projeté pour Lyon doit être basé sur un terrain neutre, afin que les haines politiques et les haines religieuses ne viennent pas le dissoudre. Pour réunir beaucoup d’hommes dans notre temps, il fallait leur offrir le champ de la science pure. Nous souhaitons de bon cœur qu’on renouvelle à certains jours la trêve de Dieu, et que cette trêve ne soit plus troublée. On verra que le républicain n’est pas terrible, et que, s’il le devient, ce ne peut être que lorsqu’il le faut.

L’Athénée doit résumer trois institutions, dont chacune a en elle-même beaucoup de valeur :

Une salle de cours et conférences ;
Une salle d’exposition et de concert ;
Un salon de lecture à plusieurs cabinets.

En dehors des sujets non admis, les cours et conférences doivent être libres, et l’assentiment du public deviendra le seul motif d’acceptation pour un professeur. On désire atteindre deux buts par l’enseignement : 1° Instruire le public par des dissertations à la portée de tout le monde ; 2° Former le corps des professeurs par l’habitude de la parole et l’émulation.

On sait trop l’importance d’une salle d’exposition et de concert pour que nous la fassions sentir. Il suffit de dire qu’une exposition permanente serait fort utile pour exciter tous les jeunes hommes.

Un salon de lecture comprenant la littérature et les partitions musicales, devient un complément nécessaire.

Maintenant, disons que tout cet ensemble doit avoir principalement un caractère de société d’encouragement. L’on sentira combien des hommes auxquels la fortune n’a pas donné l’éducation des gens distingués, auront à acquérir. Peut-être de beaux talens apparaîtront-ils au milieu d’une classe méprisée par la fatuité oisive ?… Ce sera pour elle une grave leçon.

Plusieurs essais du genre de celui que nous annonçons pour notre ville, ont été tentés déjà, notamment à Paris, à Bordeaux, à Toulouse et à Marseille. Chacun a eu des succès plus ou moins considérables. Nul n’avait été aussi grandement et si libéralement conçu. L’union réelle des sciences et des arts sera vraiment neuve si le projet porte fruit parmi nous, et sa condition de vie se trouve dans cette union.

Une seule société peut-être a donné, sous le rapport scientifique, un noble exemple : c’est la Société de civilisation de Paris1. Là aussi la plus grande liberté est donnée aux professeurs dans les mêmes limites, et nous félicitons M. Moncey et ses nobles collaborateurs, d’avoir pu attirer à la même chaire MM. Azaïs, Rodière, Franson, Fourier, Monternault, Bertin, Vendel-Heyl, qui s’occupent des hautes questions sociales, en même temps que deux artisans appartenant à la classe dite inférieure, MM. Fugère et Stourm. Honneur à de tels hommes ! ils ne dédaignent pas la voix du pauvre et ont [7.2]repoussé un honteux préjugé qui porte les hommes de valeur acquise à rejeter bien loin d’eux les jeunes gens qui veulent se former par des tentatives de professorat.

Le journal de la Société de civilisation nous a offert des analyses précieuses que nous recommandons à nos lecteurs. Il est souhaitable que l’Athénée ait aussi une feuille de cours et conférences, et qu’elle vienne constater de semaine en semaine les progrès réels dans le développement de nos concitoyens.

Nous rendrons compte, lorsqu’ils auront paru, des statuts définitifs de l’Athénée.

Notes de base de page numériques:

1. La Société universelle de civilisation avait été créée par un groupe de libéraux à Paris en 1829. Son principal organe, le Journal des cours et conférences… à l’École philosophique de la Société de civilisation fut publié entre 1833 et 1835 par F. de Moncey. Parmi les intervenants cités ici on trouve, outre Charles Fourier qui y avait donné une série de conférences entre décembre 1833 et janvier 1834, Aimé Rodière (1808-1888), Louis-Antoine Vendel-Heyl (1786-1854), ou encore Hyacinthe Azaïs (1766-1845).

 

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