L'Echo de la Fabrique : 16 mars 1834 - Numéro 63

Nous sommes priés d?insérer la lettre suivante, qui atteste hautement de la coupable intolérance de MM. les prêtres. Des faits tels que celui qu?elle renferme, ne peuvent que soulever l?indignation dans toutes les âmes honnêtes.

La Croix-Rousse, le 12 mars 1834.

Monsieur,

Plusieurs citoyens de la Croix-Rousse s?étant chargés, en l?absence de ses parens, de faire enterrer Eliza Rodrigue, âgée de 12 ans, Savoisienne catholique, l?un des proches parens, accompagné d?un ami, après avoir rempli les formalités voulues par la loi, se rendit. le 11 courant, chez M. Michaud, vicaire de la Croix-Rousse, pour le prier, moyennant la taxe, de vouloir bien faire l?enterrement le lendemain. Ce rigoriste pasteur, plein de zèle pour son Dieu, a refusé obstinément la sépulture à cette jeune enfant, alléguant pour raison qu?elle ne s?était pas confessée. Ces citoyens y sont retournés quatre fois consécutives ; il a toujours persisté dans sa première résolution, malgré les sages observations qu?on a pu lui faire. Vainement lui ont-ils observé qu?il serait cause d?un scandale et qu?il s?attirerait le blâme des honnêtes gens ; il a répondu qu?il ne craignait ni le blâme, ni le scandale. Il a en effet suivi, dans cette circonstance, ces belles paroles de l?Ecriture-Sainte : voe illi per quem scandalum venit. Enfin, le moment de l?enterrement est arrivé : un grand nombre de citoyens invités se sont rendus au lieu où était la défunte, indépendamment de ceux qu?avaient attirés l?indigne conduite du disciple d?Ignace. M. l?inspecteur des morts, accompagné de plusieurs citoyens, est allé chez le commissaire de police de la Croix-Rousse, qui, dans cette circonstance, a agi d?une manière louable, puisqu?il s?est présenté de suite revêtu de ses insignes en s?offrant de marcher à la tête du convoi, et obtempérant au désir des citoyens qui ont demandé que quelqu?un dit l?office des morts. Alors deux citoyens ont en effet rempli les fonctions de pasteur, mais avec des intentions [5.1]plus pures que n?aurait fait le disciple de Loyola. Arrivé à l?église, une foule nombreuse s?y était transportée ; les deux citoyens avaient à peine commencé à dire l?absoute, que le prêtre tolérant s?est présenté pour remplir ses fonctions mercantiles, alors la foule a refusé obstinément son ministère en criant unanimement : Nous n?en voulons plus.

Nous ne savons trop ce qu?a pu valoir à ce prêtre le scandale causé par lui dans la maison de Dieu ; mais, ce qu?il a fait de mieux, sans contredit, a été de disparaître ; car la rumeur a cessé aussitôt. La cérémonie s?est terminée avec calme, et l?ordre n?a plus été troublé.

Agréez, etc.

daviet, buisson.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique