L'Echo de la Fabrique : 30 mars 1834 - Numéro 65

 

THÉÂTRE DES CÉLESTINS.

revue dramatique.

Mercredi de la semaine passée, M. Barqui, artiste du Théâtre des Célestins, tant estimé et à juste titre du public lyonnais, a été en but aux sifflets de la malveillance ; mais prompte justice a été faite des perturbateurs qui, dans un intérêt tout individuel, voulaient se venger sur l’acteur des prétendues menées de l’administrateur. M. Barqui, après avoir donné avec calme et dignité l’explication de cette bizarre improbation, a été couvert d’applaudissemens par le parterre qui, nous l’espérons, veillera à ce que pareille scène ne se renouvelle plus.

Samedi 22, a eu lieu la représentation au bénéfice de Rousseau. Cet artiste n’a pas été plus heureux que Mlle Baudoin ; la salle était loin d’être comble. Tony, dans le rôle d’Atar-Ghull, nous a révélé un beau talent. Il est dommage que ce drame ne soit pas bien charpenté ; il y a des situations très dramatiques, des scènes à effet, mais l’ensemble manque totalement de cet intérêt qui fait seul réussir au théâtre. Nous donnerions des éloges à Danguin, de la manière vraie avec laquelle il a joué Thompson, si nous ne les réservions pas pour le vaudeville de la Chanoinesse, dans lequel lui et Mme Herdliska ont fait obtenir à ce petit ouvrage un succès d’enthousiasme. Les élèves de M. Lerouge ont terminé par leur danse gracieuse cette soirée tragique, comique et chorégraphique.

Dimanche a reparu enfin sur l’affiche l’Infame, drame dont l’indisposition de Mlle Baudoin avait interrompu les représentations. Nous en avons parlé dans notre avant-dernier numéro, et, si nous y revenons aujourd’hui, c’est pour raconter la scène ridicule dont nous avons été témoins. Dans les entre-actes, un prolétaire a entonné une chanson patriotique qui, n’ayant pas trouvé sans doute de sympathie chez M. le [8.2]commissaire de police, a attiré sur le parterre qui applaudissait son regard sévère et magistral. Alors quelques voix ont crié : Faites attention, la mouche vous regarde. Alors M. le commissaire s’est démené dans sa loge comme le diable de Robert le diable ; il s’est écrié : Est-ce à moi que ce mot s’adresse ? – Le parterre a sifflé. – M. le commissaire a ceint son écharpe, puis on a écouté : Messieurs, a-t-il dit, la chanson que vous chantez est inconvenante ; elle peut plaire aux uns et déplaire aux autres. – Et la liberté ! ont répondu les mêmes voix ; alors M. le commissaire, un peu confus, a balbutié, et de sa bouche de fonctionnaire, ces mots entrecoupés sont tombés avec effort : Ce n’est pas l’usage…

– Là, le rideau s’est levé et le guelfe Meloni, par ses tirades républicaines, a vengé le parterre de la susceptibilité de M. le commissaire… On nous a dit qu’il s’appelait Bardos ; ce nom, si nous ne nous trompons, s’est déjà acquis une bien sotte célébrité.

 

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