L'Echo de la Fabrique : 6 avril 1834 - Numéro 66

DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Quelque mesquine que soit l’institution, l’organisation de notre conseil des prud’hommes, et sans chercher à effacer par l’énumération de ceux qu’il aurait pu rendre, les services qu’il a rendus ; persuadés aussi que quelques efforts qu’on fasse pour détruire les fruits que nous attendons dans l’avenir pour l’intérêt de tous en général, mais surtout pour celui des travailleurs, [2.2]nous croyons devoir rappeler à ce conseil l’attention que nous lui donnons, en l’invitant à réformer un usage consacré par l’habitude, il est vrai, mais qui n’en est pas moins un vice à corriger pour que cet autre tribunal de conciliation ne soit pas une institution-fantôme comme tant d’autres. – Or, voici notre grief :

La plupart des causes, et généralement celles qui renferment le plus d’intérêt, et qui par cette raison auraient le plus besoin de publicité, cette sauvegarde des relations entre travailleurs et dispensateurs du travail sont ordinairement closes par un renvoi à une expertise particulière, et échappent ainsi au contrôle des intéressés. – Ce n’est pas que nous trouvions mauvais ce mode de conciliation entre deux intérêts l’un par l’autre froissés ; et à Dieu ne plaise que nous donnions à penser ici que nous portons une affection grande aux cours et tribunaux, aux procès et aux condamnations car cette erreur serait grande si elle pouvait, ce que nous ne pensons pas, trouver accès près de nos lecteurs, et chez ceux à qui nous adressons aujourd’hui quelques observations.

Mais ne serait-il pas juste, pour se conformer à l’abolition du huis-clos (sauf les cas très rares où il pourrait être nécessaire), ne serait-il pas juste, disons-nous, que le conseil des prud’hommes, toute cause appelée et les parties entendues, sanctionnât par la publicité le résultat de la décision des experts par lui nommés pour résoudre toute contestation ? – Ceci nous semblerait à la fois équitable et moral, et sauverait le conseil des prud’hommes de cette accusation portée, non sans quelque raison, contre la majeure partie de ses membres, qu’ils veulent éluder la publicité et arracher au peuple l’une de ses conquêtes.

Telle est la question que nous leur posons aujourd’hui, en les conviant à vouloir bien lui donner quelques réflexions ; car nous croyons notre réclamation juste et fondée, et nous la pensons digne de quelque attention de la part de MM. les prud’hommes.

Toutefois, sans préjuger le cas qu’ils en feront, il est de notre devoir, à nous mandataires des travailleurs, de les appeler à corriger ce vice qui, en bien peu de temps, a déjà jeté de nombreuses racines. – C’est pourquoi nous invitons tous ceux qui, placés dans les diverses conditions de la classe des travailleurs, dont nous sommes l’organe naturel, se trouveraient dans le cas ci-dessus indiqué, à nous fournir les moyens de rendre à la publicité les causes qui lui seraient enlevées par la conciliation par experts, en nous faisant connaître leurs décisions que nous livrerons à notre tour à l’appréciation du public.

Nous croyons que dans ce cas il y aura profit pour tous, et que chefs d’atelier, fabricant, compagnons et apprentis trouveront dans la publicité donnée à toutes les causes de ce genre, des garanties de justice qu’ils ne sauraient bien certainement trouver dans la non-publicité.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique