L'Echo de la Fabrique : 22 janvier 1832 - Numéro 13

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 19 janvier

(présidée par m. guérin.)

La séance est ouverte à six heures et demie. La salle est, comme à l'ordinaire, très-remplie, et une quarantaine de causes sont appelées ; un grand nombre ont rapport à des divisions entre les maîtres et leurs apprentis ; quelques-unes sont conciliées. Les causes qui ont offert quelque intérêt, sont les suivantes :

Le sieur David, placé en apprentissage chez les sieurs Broche et Pélisson, fabricans de tulles bobins, auxquels il a donné 1,000 fr. pour apprendre cette fabrication, réclame l'exécution des conventions de son apprentissage, où il était dit que le sieur David devait faire 1,500 rach à 60 c., et si les conventions n'étaient pas exécutées, être remboursé de 500 fr. Le sieur Broche expose au conseil que cet article ayant subi une diminution, il ne peut, sans faire de grandes pertes, occuper son élève. Cette affaire avait déjà été agitée et renvoyée pardevant M. Cochet, qui n'avait pu concilier les parties. Le sieur Broche offre 100 francs de défrayememt à son élève, s'il veut résilier leurs conventions : le sieur David réclame 200 fr., et, après quelques explications, les parties restent d'accord à 175 fr.

Le conseil, vu le consentement des parties, prononce la résiliation desdites conventions, moyennant la somme de 175 francs, que les sieurs Broche et Pélisson devront payer au sieur David.

Le sieur Masset réclame au sieur Petit le deuxième paiement, échu par les conventions, de l'apprentissage de son fils, se montant à la somme de 200 fr. Le sieur Petit dit que son fils est malade à l'hôpital, et qu'il refuse de payer ces 200 fr. parce que le médecin, M. Gensoul, lui a dit que son enfant n'avait pas été assez bien nourri. Le chef d'atelier prouve, à son tour, que la maladie de son élève vient d'une tout autre cause, et que d'ailleurs il n'avait jamais fait aucune plainte.

Le conseil condamne le sieur Petit à payer au sieur Masset la somme de 200 fr. dont le terme du paiement est échu, et suspend l'exécution de l'acte d'apprentissage jusqu'au rétablissement de l'élève.

Le sieur Comte, moulinier, fait comparaître devant le conseil deux de ses ouvrières qui ont quitté son atelier sans l'avertir, comme d'usage, huit jours d’avance ; il expose au conseil que, le même jour où ces ouvrières l'ont quitté, il en avait refusé le matin deux autres qui s'étaient présentées chez lui, ne pensant pas que ses ouvrières le quitteraient ainsi.

Le conseil condamne les ouvrières à rentrer et faire leur huitaine, ou défrayer le sieur Comte. Une ouvrière répond qu'elle aime mieux défrayer le sieur Comte que de rentrer chez lui.

M. le président regrette que les sieurs Cadier et Venel, mouliniers, qui ont reçu lesdites ouvrières, ne se soient pas rendus à l'invitation du sieur Comte ; il voulait, dit-il, leur faire sentir l'inconvenance qu'il y a de leur part de recevoir des ouvrières qui n'avertissent pas leur maître huit jours d'avance, et auquel elles doivent un arriéré.

Le sieur Berger réclame aux sieurs Meauvernet et Roche un défrayement pour une pièce de gros des Indes de qualité inférieure, qu'il leur a tissée ; il fait aussi remarquer [7.1]que c'était une pièce qui avait déjà été levée dans un autre atelier, et qu'ayant averti le sieur Meauvernet qu'elle était de qualité inférieure, ce dernier lui avait promis de le défrayer en sus du prix qui devait être égal à celui des autres maisons de commerce, 60 c. l'aune. Le sieur Meauvernet n'a porté en façon le prix de cette pièce qu'à 55 cent, et allègue, pour raison d'abord, que la pièce n'était point inférieure, qu'il n'a rien promis à cet ouvrier, et qu'il lui a fait un rabais de 5 c. par aune, parce que la première coupe était mal fabriquée ; qu'au surplus il ne se croyait pas obligé de payer le prix des autres maisons. Le sieur Berger dit que sa pièce ne pouvait être mal fabriquée, quoiqu'il ait eu beaucoup de peine à la faire, qu'il n'a tissé la seconde coupe que dans l'espoir d'une indemnité, et que dans ce moment-ci le sieur Meauvernet offre de lui continuer de l'ouvrage. Il demande que le prix de sa façon soit porté à 60 c. et 12 f. de défrayement.

Le conseil condamne le sieur Meauvernet à payer le sieur Berger à 60 c. l'aune, et à lui donner 6 fr. pour défrayement.

Le sieur Berger expose aussi au conseil que le sieur Meauvernet lui a donné du coton humide et qu'une pesée de 3000 gr. a perdu 100 gr. dans un jour, et qu'il se trouvait par cela en arrière de compte de 480 gr. que le sieur Meauvernet lui avait promis de balancer son compte, qu'il avait en effet porté les 480 gr. pour balance, mais sans y écrire à côté aucune explication, et que depuis il lui avait porté ce solde à son compte d'argent. Cette dernière affaire a été renvoyée pardevant M. Guérin pour vérifier les comptes.

 

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