L'Echo de la Fabrique : 18 décembre 1833 - Numéro 14

AU RÉDACTEUR.

Il m’en coûte d’entretenir le public d’affaires privées, mais je dois surmonter ce degoût lorsque la publicité est utile à l’intérêt général, et pour apprécier des fonctionnaires. Si les prud’hommes chefs d’atelier comprenaient leur mission, et si notamment M. dumas, l’un d’eux, n’avait eu la naïveté de se glorifier d’une conduite dont il devrait rougir, je m’abstiendrais de dévoiler cette conduite. Vous avez eu la complaisance d’ouvrir les colonnes de votre journal à mes justes réclamations contre M. Michel. Après que le conseil des prud’hommes eut, d’après l’avis insidieux de M. Labory, déclaré nul le billet de 50 fr. que j’avais souscrit à M. Michel, et qui avait réglé nos comptes, il eut cependant la pudeur de nous renvoyer devant arbitres pour régler ces mêmes comptes. Les arbitres nommés furent MM. Dumas et Joly ; ils m’allouèrent une indemnité de 155 francs, en sorte que je n’ai eu à payer que 100 fr. au lieu de 50 fr. que je devais, et les frais montant à 14 fr. ont été mis à la charge de M. Michel, de sorte qu’en définitive, il n’a eu que 36 francs en sus des cinquante francs que je lui devais. Quel intérêt a-t-il donc eu à me faire un procès ? Aucun ; mais il paraît qu’on est bien aise de mettre les chefs d’atelier à la discrétion des négocians ; c’est cette satisfaction que l’on veut bien plus que celle d’intérêts pécuniaires. Mais ce n’est pas tout : étant allé chez M. Dumas pour me plaindre du tort que j’éprouvais, et le priant de faire son rapport au conseil, il me répondit : Oh ! c’est différent ; voila le rapport qui vous alloue 155 fr. si vous voulez transiger avec M. Michel ; sinon, et si vous voulez plaider, en voici un autre qui vous condamne. D’après ce j’ai accepté la transaction. Que voulez-vous que je réponde à un prud’homme qui a deux rapports dans sa poche, l’un pour et l’autre contre ? Que M. Dumas me démente s’il l’ose ! mais qu’il cesse de dire que j’ai été content de sa manière d’opérer. Je crois en outre devoir signaler cette tendance du conseil de renvoyer toutes les causes en arbitrage et de les étouffer ensuite. Ce n’est pas ainsi que la justice doit se rendre.

J’ai l’honneur, etc.

CARRIER.
Fab. R. de la Citadelle, n° 1.

 

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