L'Echo de la Fabrique : 8 janvier 1834 - Numéro 20

Jurisprudence.

sur les notaires.

Notre sollicitude pour les intérêts de la classe ouvrière trop confiante de sa nature, nous a forcés de signaler [4.1]l?abus des dépôts faits chez les notaires pour parvenir au placement des sommes qu?on veut prêter par hypothèques. Dans le N° 54 de l?Echo de la Fabrique (1832), nous avons examiné la question si le notaire qui avait conseillé un prêt hypothécaire à son client, et qui avait ensuite reçu l?acte, était responsable de la validité de ce prêti. Nous avons résolu cette question affirmativement ; nous avions pour nous l?autorité du tribunal civil de la Seine, et contre nous celle de la cour d?appel et du journal des notaires. Persistant dans notre manière de voir, nous avons posé dans le N° 5 de l?Echo de la Fabrique (1833) cette autre question : « Les notaires sont-ils contraignables par corps pour la restitution des sommes qui leur sont confiées et qu?ils détournent à leur profit ? » Cette question venait d?être résolue négativement, le 17 janvier 1833, par la cour de Paris dans l?affaire du général Bonnet général contre M. Maine de Glatigny. Obligés d?accepter la jurisprudence d?une cour souveraine, nous en tirions la conséquence naturelle qu?il ne fallait confier aucuns fonds aux notaires pour en faire le placement ; mais ne se rendre chez eux que pour donner l?authenticité aux actes de prêt dont on serait convenu hors leur présence. Une affaire identique vient de se présenter devant la même cour ; elle est revenue sur sa jurisprudence et a condamné, le 16 novembre dernier, même par corps, le notaire Barre à payer à Héloin, ancien avoué, la somme de 38,700, solde de celle de 58,700 qu?il lui avait remise pour en opérer le placement. La cour n?a pas considéré le dépôt comme nécessaire, et dès-lors l?art. 2060 du code civil ne s?est pas trouvé applicable ; mais elle a considéré que, quoique le dépôt ne fût pas nécessaire, il y avait eu dépôt et violation de ce dépôt, et la contrainte par corps a été prononcée en vertu de l?art. 408 du code pénal. Barre a encore été condamné à 5 000 fr. de dommages intérêts, somme excédant les intérêts légalement dus. Cette décision nous paraît plus conforme à l?équité que la précédente. Le créancier n?en sera peut-être pas plus avancé ; mais il n?y aura pas un scandale public, la justice aura fait tout ce qu?il était en son pouvoir de faire pour le réprimer : du reste, les prêteurs sont suffisamment avertis par ces arrêts itératifs que le dépôt d?une somme d?argent chez un notaire pour en opérer le placement, n?est nullement nécessaire. Il n?est qu?un acte de confiance personnel à l?individu, et sur lequel la qualité de notaire ne doit influer en rien. C?est principalement ce que nous voulions établir ; trop de déconfitures de ces fonctionnaires ont montré que, ne se bornant pas à leurs honorables fonctions, ils courent chaque jour les chances du commerce et des spéculations, lorsque leur conduite privée elle-même n?amène pas ces déplorables faillites. Il y a certainement dans la classe des notaires, de nombreuses, d?honorables exceptions ; mais il faut en tenir compte à l?homme et non au fonctionnaire ; il faut surtout perdre la manie de se laisser éblouir par un titre et par la considération publique qui n?est ordinairement que la suite de ce titre obtenu à prix d?argent et qui crée de suite pour l?homme privilégié une prévention favorable.

Notes de fin littérales:

i. Voyez encore à ce sujet et dans une autre espèce le N° 12 de l?Echo de la FabriqueL?Écho de la Fabrique p. 99, de l?année 1833.

 

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