L'Echo de la Fabrique : 11 janvier 1834 - Numéro 21

éléction des prud'hommes

fabricans d’étoffes de soies.

Les fabricans d’étoffes de soie sont convoqués pour demain, à l’effet d’élire deux prud’hommes. Nous eussions préféré un renouvellement intégral ; nous aurions voulu surtout qu’un préfet ne mît pas sa volonté au-dessus de la loi. Nous nous sommes suffisamment expliqués là-dessus, et même nous ne désespérons pas d’obtenir ce que nous avons demandé : tous les moyens seront employés pour y parvenir. Mais nous devons prendre les choses en l’état où elles se trouvent et il est temps de prémunir les ouvriers contre un abus qui nuit essentiellement à leur cause. Cet abus est la négligence coupable que beaucoup mettent à se rendre aux élections auxquelles ils sont appelés. Nous dirons donc aux ouvriers : Il ne faut pas que sous le prétexte vrai que les droits des citoyens sont méconnus, vous qui êtes appelés, vous vous absteniez d’user complètement du peu de droits que le pouvoir jaloux n’a pas osé vous ravir. Il ne faut en aucun cas regarder comme insignifiant l’exercice des droits de citoyen, et chaque électeur doit se souvenir qu’il est chargé d’une mission sacrée ; qu’il représente tous ceux qui sont exclus, et que dès-lors, il doit compte à ces derniers de la faveur de la loi. Aucun prétexte ne peut le dispenser de remplir son devoir.

Nous répondrons ici à une objection que nous avons entendue, et qui a été mise en avant par un grand nombre de personnes. On a dit :

« L’élection de deux membres est insignifiante, elle ne changera pas l’esprit du conseil. » Cette objection est plus spécieuse que solide : sans doute deux membres [1.2]nouveaux, quels que soient d’ailleurs leur talent, leur fermeté, ne changeront rien à la majorité numérique qui, dans le conseil des prud’hommes, est hostile aux intérêts de la classe ouvrière. On pourrait cependant en douter : qui ignore l’empire qu’exercent la vertu et le courage dans une assemblée ; nous croyons que dans les autres sections il y a plus d’hommes faibles que mal intentionnés ; et parmi les négocians eux-mêmes, nous croyons que plusieurs se rendraient, ne serait-ce que de guerre lasse, à l’évidence du droit des ouvriers, si ce droit était soutenu avec force par les prud’hommes fabricans.

Maintenant, nous admettrons si l’on veut que cette opposition n’apporterait aucun changement aux décisions du conseil ; en ce cas-là même elle ne serait pas inutile. Ainsi, par exemple, qui empêcherait deux prud’hommes de se lever de leur siège toutes les fois que le conseil refuserait d’admettre un défenseur ? Les applaudissemens de l’auditoire seraient leur récompense et leur égide. Que pourrait-on leur dire ? Ne justifieraient-ils pas facilement leur conduite ? Nous ne voulons pas nous associer à un acte arbitraire. » Ces seules paroles forceraient l’autorité à examiner enfin la question de la libre défense. Et que sait-on, le préfet se souviendrait peut-être qu’il avait promis, lors de l’affaire Tiphaine, de se rendre au conseil des prud’hommes pour vider cette question, sur laquelle son opinion ne nous a pas semblé douteuse dans le temps.

Qui empêcherait ces prud’hommes de lire leurs rapports en public et de les formuler sur les lois applicables à la matière ? Cet usage, introduit par deux hommes qui ne voudraient pas s’en départir, serait bientôt nécessairement suivi par leurs collègues qui ne voudraient pas paraître faire moins, ni plus mal.

Un bon exemple est presque aussi souvent suivi qu’un mauvais.

Nous pourrions multiplier les données à cet égard ; nous nous abstiendrons d’en dire davantage. Le bon sens des lecteurs y suppléera.

Il nous suffit donc d’avoir établi que l’élection partielle des prud’hommes est tout aussi importante qu’une élection générale. Tous les électeurs doivent se rendre à la convocation qui leur est faite. Nous ne nous permettrons pas d’indiquer des candidats aux ouvriers ; mais nous les en conjurons, dans l’intérêt bien entendu de leur classe, qu’ils les choisissent en dehors de toute espèce de coterie. Le plus capable doit être élu, qu’il soit ou non Mutuelliste ! Cette société n’en sera que plus grande, et montrera mieux son amour du bien public, et son respect pour la liberté et l’égalité, en ne profitant pas de la force que lui donne la réunion de ses membres, pour imposer un candidat qui n’aurait pas l’assentiment général.

[2.1]Nous rappellerons, en finissant, aux ouvriers, qu ils ne sont astreints à aucun serment. Notre ancien gérant, M. Berger donna l’exemple de le refuser l’année passée, et l’autorité consentit. Il y a donc chose jugée. Le serment est un acte illégal et immoral : nous ne répéterons pas ce que nous avons dit à ce sujet : l’Echo de la Fabrique contient, dans le n. 2 de l’année 1833, notre profession de foi. Nous y renvoyons les lecteurs.

 

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