L'Echo de la Fabrique : 22 janvier 1834 - Numéro 24

anecdote

le suicide empêché.

Une scène des plus attendrissantes a eu lieu le 31 décembre au soir auprès du Jardin-des-Plantes. Un individu, décemment vêtu, se présente pour passer le pont d’Austerlitz, et dépose préalablement les cinq centimes d’usage. L’invalide du péage a des soupçons qui ne tardent pas à être justifiés. En effet, arrivé au milieu du pont, l’inconnu enjambe le parapet et va se précipiter dans la rivière ; mais l’invalide qui l’a suivi, le saisissant par le pan de son habit, l’arrête avec vigueur et l’empêche d’accomplir son funeste dessein. D’autres personnes accourent et réunissent leurs efforts à celui de l’invalide. Sur ces entrefaites, une voiture à deux chevaux s’arrête à l’entrée du pont ; une dame s’élance, et dans le désordre de ses mouvemens laisse tomber dans la boue un superbe manteau ; elle vient se jeter au cou de l’inconnu, et l’inondant de ses larmes, elle lui dit avec une vive émotion : « Ernest, tout est oublié. » C’est en vain qu’ Ernest veut répondre, les blanches mains de la dame lui ferment la bouche ; il est entraîné dans la voiture qui disparaît bientôt, laissant les curieux que ce spectacle avait attirés livrés à toutes sortes de conjectures. Le lendemain l’invalide a reçu d’un domestique, qui n’a point voulu desserrer les dents, un billet de 500 fr.

 

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