L'Echo de la Fabrique : 29 janvier 1834 - Numéro 26

Au rédacteur,

Lyon , le 24 janvier 1834.

Monsieur,

Nous vous prions d’insérer dans le plus prochain numéro de votre feuille cette réponse à votre article du 23 janvier 1834, dans lequel vous rendez compte du jugement qui a condamné le sieur Chapeau ; les renseignemens qui vous ont été fournis étant bien loin de la vérité.

Par convention passée entre, nous, le sieur Chapeau devait faire travailler 4 métiers pour nous jusqu’à ce qu’ils aient fait pour 8,000 fr. de façons ; il devait nous rendre des schals bien fabriqués ; il était dit que celui qui romprait la convention paierait à l’autre une indemnité de 800 f.

Trois des métiers du sieur Chapeau étaient occupés par de bons ouvriers ; le quatrième l’était par un apprenti qui seul a donné lieu aux débats survenus entre nous. Long-temps nous avons pacifié la mauvaise fabrication de ce quatrième métier ; et chaque jour le sieur Chapeau nous faisait espérer que cela n’arriverait plus.

Enfin, le sieur Chapeau nous a déclaré qu’il ne pouvait pas mieux faire ; qu’il garderait son apprenti sur ce métier, et que si cela ne nous convenait pas, il offrait de rompre nos conventions ; il prétendait pouvoir le faire sans que nous fussions en droit de réclamer l’indemnité stipulée dans la convention.

Avant sa demande en résiliation au conseil, jamais le sieur Chapeau ne nous avait fait appeler comme vous le dites ; il en est de même, quant à ce qui vous en a été rapporté, de différentes ratures sur son livre, il n’en a pas une seule ; et il est pitoyable pour nous de lire ces choses qui sont de toute fausseté.

Lorsque le sieur Chapeau a demandé la résiliation de nos conventions il s’est plaint des raccommodages que nous lui faisions payer ; nous avons prouvé qu’à cette époque il avait fait pour 2,500 fr. de façons, et qu’il n’avait eu que pour 3 fr. 50 c. de raccommodages.

Nous avons voulu défendre notre droit. Nous n’avons point voulu profiter de l’indemnité de 800 f. que le sieur Chapeau avait été condamné à nous payer, nous l’avons gratifié de la moitié de cette somme, et nous lui avons déclaré ne garder les 400 fr. restans que pour les donner à des ouvriers qui nous monteraient des métiers en remplacement de ceux qu’il avait pour nous. C’est ce que nous avons déjà fait.

Recevez, M. le rédacteur, nos salutations,
GRILLET et TROTTON.

Note du Rédacteur. – Notre impartialité nous faisait un devoir d’accueillir la lettre ci-dessus, et nous n’y manquerons jamais. Il est possible que nous ayons été induits en erreur sur les faits de la cause. Comme nous l’avons dit, l’exposé de ces faits nous a été remis par une personne en qui nous devons avoir confiance, et qui aurait sans doute été la première trompée par M. Chapeau ; c’est à ce dernier à répondre de l’exactitude de ses plaintes et à n’en faire que que de justes. Nous accueillerons sa réponse, étant parfaitement neutres dans le débat des intérêts individuels.

Quant à la gratification faite à Chapeau par Grillet et Trotton, c’est encore un fait personnel à Chapeau et sur lequel il pourra s’expliquer. Mais si l’on nous demande notre opinion, nous dirons qu’en thèse générale, nous n’aimons pas les gratifications. Ce mot n’est pas dans le dictionnaire de l’égalité ; il a quelque chose qui choque, soit qu’on le prenne comme une censure de la chose jugée, soit qu’on le regarde comme un don.

Au demeurant, la lettre de MM. Grillet et Trotton, ne détruit en rien notre article qui a pour but de prouver la nécessité de la libre défense ; car, même en adoptant en entier la version de ces messieurs qui peut être exacte, nous serons toujours fondés à conclure que la cause n’a été perdue au tribunal de commerce, que parce qu’elle n’a pas été plaidée au conseil des prud’hommes, et parce que l’on a inscrit dans ce jugement des conclusions telles que Chapeau, nous en sommes certains aujourd’hui, n’aurait jamais eu l’idée de prendre, s’il en avait connu les conséquences, et s’il avait été assisté de quelqu’un qui les lui eût fait connaître. Le blâme tout entier doit retomber, sur le conseil des prud’hommes.

 

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