L'Echo de la Fabrique : 19 octobre 1834 - Numéro 5
exposition publique et gratuite
DES PRODUITS DES FABRIQUES ÉTRANGÈRES, Au palais saint-pierre. [1.1]Nous continuons notre revue des produits de la Prusse-Rhénane et de l’ancienne Prusse. Les articles d’Elberfeld et de Barmen, sont mélangés et imprimés. Ils sont tous de mauvais goût soit pour la fabrication soit pour l’impression. On ne saurait voir rien de plus cher que le n° 62, coté à 79 fr. 30 c. la 12e sans escompte. Le n° 60 comprend une 12e de foulards cotés 54 f. 50 c., sans escompte. Les foulards qu’on fabrique maintenant à Lyon sont préférables sous tous les rapports ; le n° 61 se compose d’une 12e mouchoirs soie façonnés, dits Brillantine ; ils sont absolument calqués sur ceux qui se fabriquaient à Lyon, il y a 4 ou 5 ans. Ils sont cotés 50 f. 40 c., toujours sans escompte. Tous ces différens mouchoirs sont vieux et très chers. Si l’on voulait fabriquer à Lyon de la mauvaise marchandise, il ne serait pas difficile de soutenir la concurrence et de livrer au-dessous de ce prix. Il est vrai que ces mouchoirs n’ont pas été achetés en fabrique mais à la foire de Leipsick. En définitif, et sauf les entraves que les douanes prussiennes peuvent apporter à l’introduction des mouchoirs fabriqués à Lyon, nous ne voyons pas comment Elberfeld et Barmen pourraient écouler leurs produits. Voyons maintenant les articles de Berlin, Gleissen, Zullichau, Brandebourg et autres villes de l’ancienne Prusse. Une seule pièce, Gros-de-Berlin façonné, figure à l’exposition ; les autres articles sont des peluches pour chapeaux de différens genres et réductions. Le Gros-de-Berlin façonné, n’est autre qu’une copie des nôtres, il est coté 4 f. 50 c. l’aune sans escompte. Nous ne pouvons en dire ni beaucoup de bien ni beaucoup de mal. Les dix pièces de peluches cotés n° 64 à 73, sont dans les prix de 3 fr. 17 c. à 6 f. 60 c. sans escompte. Elles n’ont toutes que 21 pouces et demi à 22 de large. Celles de Lyon ont ordinairement 24 pouces. Les n° 64, 65, 69 et 70 ne passent pas 3 fr. 69 c., ils sont donc très bas comparativement aux nôtres ; mais si l’on considère le peu de soie employée pour la chaîne, environ 30 fils au pouce de poils d’une grosse soie dont la teinture est l’unique préparation, passés sur des fers très hauts, et la réduction qui est de 9 à 10 au pouce, on ne sera plus étonné de la différence des prix : si Lyon ne fabrique pas de semblables peluches c’est que les négocians ont désespéré d’en avoir le placement. Qu’est-ce donc qu’une concurrence qui ne porte pas sur les salaires, comme on le crie chaque jour par dessus les toits, mais bien sur l’infériorité des matières et de la fabrication. Quelques pièces de peluches sont cependant un peu plus [1.2]réduites avec un poil de hauteur ordinaire, aussi les prix en sont-ils plus élevés et se rapprochent-ils davantage des nôtres. Elles sont cotées 4 fr. 75 c. et exposées sous le n° 67. Deux autres pièces dites peluches rases, sont assez belles et quoique inférieures à celles de nos fabriques, paraissent meilleur marché que les nôtres, car ce n’est qu’à mérite à peu près égal qu’une chose peut être meilleur marché qu’une autre. L’une d’entr’elles, n° 73 est fixée à 6 f.60 c. ; l’on doit remarquer d’abord la différence de largeur, environ deux pouces et demi, et ensuite l’aunage, car nous doutons que l’aune prussienne ait 120 centimètres. Nous sommes obligés de n’exprimer qu’un doute, la chambre du commerce ayant négligé de donner à cet égard une instruction précise, ce qu’elle réparera, sans doute, dans le compte-rendu de l’exposition, que probablement elle publiera pour couronner dignement son œuvre patriotique. En l’absence de ce document, il nous est impossible de préciser s’il y a réellement baisse réelle dans le prix. C’est ici le lieu de consigner une observation sur la fabrication des peluches, à Lyon. L’on est parvenu par un procédé mécanique à tisser à la fois deux pièces de peluches, et l’on est dispensé, non-seulement, de passer des fers, mais encore de couper le poil. Ce mécanisme, que deux négocians auxquels il appartient, ont mis en activité, est susceptible d’améliorations, car tel qu’il est, il est trop pénible à mouvoir et plusieurs ouvriers ont été forcés de ne pas l’employer. Aussitôt que ces améliorations seront obtenues, nous croyons qu’il sera difficile à aucune fabrique étrangère de rivaliser avec celle de Lyon, pour cet article ; il ne sera pas besoin de réduire le prix de la main-d’œuvre, ce remède banal des négocians. En effet, par une comparaison qu’il est permis de faire, nous dirons que l’aune de peluche de Berlin, réduite à 10 fers ou passées au pouce, payée à un fr., est encore payée davantage que l’aune de peluche de Lyon, payée même trois francs, mais dont la réduction est de 26 à 27 fers au pouce, et dont le compte de chaîne est double. Un coup d’œil maintenant sur les châles de Vienne (Autriche). Le n° 74 est un châle 5/4 couleur mode, du prix de 16 fr. 12 c. sans escompte. Nous ferons remarquer que le lancé du dessin est entièrement coton, et que par conséquent les acheteurs en trouveront s’ils en veulent de ce genre, dans nos fabriques, tant qu’ils en voudront, à un prix au-dessous et avec des dessins de meilleur goût. Le n° 75, châle 5/4 fond vert, dit Thibet, coté au prix de 37 f. 34 c., nous paraît également d’un prix plus élevé que le cours actuel. La fabrication est soignée mais le dessin n’est pas flatteur. Si nous examinons encore les n° 76, 77, 78 également Thibet lancé 3/4 coton, le reste fantaisie, nous n’y voyons qu’une fabrication passable et de mauvais dessins mal découpés. Les prix sont tous cotés au-dessus de ceux de notre place. Voyons encore le n° 79, châle fond noir, coton et fantaisie, 4 lats et 4 fils au maillon ; ce châle passerait dans [2.1]nos fabriques pour un rossignol et on ne le vendrait certainement pas 52 fr. 92 c., prix auquel il est porté. Le n° 80 est un châle long, laine et lancé, coton aux trois quarts : c’est encore un rossignol coté 40 f. 74 c. Enfin le n° 81, le plus riche de tous, est un châle long noir, Thibet, monté 4 fils au maillon, lancé par trois lats coton et deux lais thibet. La fabrication est passable ; le prix est coté 129 fr. 7 c. sans escompte. Faisons observer dès à présent que l’usage de la fabrique de Lyon étant d’accorder escompte de 12 % il est juste d’ajouter le montant de cet escompte aux produits des fabriques étrangères. Ainsi l’escompte sur ce dernier article étant ajouté, en porte le prix à 145 f. 7 c. La chambre du commerce attribue la concurrence de Vienne sur l’article châle de laine à l’égard des fabriques de Lyon et de Nîmes, au bas prix des matières, qui permet de livrer à meilleur marché. Nous avons à nous rendre compte de ce fait qui nous paraît étrange. Le coton qui est la matière principale, n’est-il pas aussi bon marché à Lyon qu’à Vienne ? Lyon doit être mieux approvisionné en matières fantaisie, crestantin ; il n’y a que les laines dont Vienne puisse être fourni à un prix moins élevé, mais il entre fort peu de cette matière dans les châles ; et nous pouvons assurer que le prix de la façon y est plus élevé. C’est donc à une autre cause qu’à la concurrence autrichienne qu’il faut attribuer la stagnation de la fabrique lyonnaise, dans ce genre. Stagnation vraiment effrayante et nullement en rapport avec celle qui frappe les autres articles. Nous croyons trouver cette cause dans une exubérance de fabrication. Depuis deux ans, un grand nombre d’ouvriers manquant d’ouvrages sur d’autres genres se sont portés sur celui-ci, et l’ont encombré. La fabrication a surpassé la consommation, de là une réaction déplorable qui se fait sentir aujourd’hui. (La suite au prochain numéro.) |