L'Echo de la Fabrique : 19 octobre 1834 - Numéro 5

FAILLITE VOUTHIER.

Saint-Etienne est en émoi par suite de cette faillite qu’on dit être frauduleuse et qui fait une grande sensation à Paris et à Lyon. Au lieu d’accepter franchement les chances du commerce, les marchands rubaniers de St-Etienne, dont la majeure partie se trouve compromis, ont imaginé d’établir d’autres conditions de vente que celles suivies jusqu’à ce jour, et de se lier par une association en d’autres termes de former une coalitioni. Nous recevons à ce sujet la lettre suivante :

Saint-Etienne, le 12 octobre 1834.

Depuis la faillite du sieur Vouthier fils, à Paris, messieurs nos fabricans de Saint-Etienne cherchent un moyen d’éviter de pareilles pertes, ou du moins le moyen de ne pas être dupés si facilement ; les mêmes hommes qui ont étouffé le progrès dans les associations industrielles, les mêmes qui réclamaient, il y a six ou huit mois, une liberté illimitée en faveur du commerce, les mêmes, dis-je, qui ne trouvaient, sans la liberté, pas de commerce possible, viennent aujourd’hui faire par écrit acte d’association.

Je ne vous donnerai pas le texte du pacte conclu, colporté et signé, mais je dirai qu’il y a association formelle, que les signataires seuls seront admis à pouvoir faire le commerce de fabrique, que grâce aux articles dudit traité, le fabricant récalcitrant ne pourra acheter de la matière chez aucun marchand de soie, attendu que ces derniers ne vendront qu’aux signataires du pacte d’association.

Les courtiers se trouvent aussi compris dans cette société, et pourtant ce sont des hommes qui ont un caractère public. Le traité contient encore d’autres articles : il stipule entre les acheteurs et les vendeurs des modes nouveaux de crédit et d’agio ; les commissionnaires acheteurs sont mis hors de cause quant à leurs correspondans.

[3.2]Une commission de trois membres et un président veillera à l’exécution dudit traité, le contrevenant paiera mille francs d’amende, n’importe l’article auquel il ait contrevenu.

Agréez, etc.

D.

Notes de fin littérales:

i. Toute la presse s’est occupée de cette faillite scandaleuse et de l’association projetée par les négocians de Saint-EtienneSaint-Étienne. Pour être justes, nous devons dire que le Courrier de LyonCourrier de Lyon s’est élevé aussi dans son numéro de mardi dernier contre une mesure qu’on ne peut désigner autrement que par le mot de coalition ; mais est-ce par un sentiment d’équité ou pour ne pas encourir le reproche de contradiction ; ou bien encore parce qu’il juge impossibles à exécuter les moyens que veulent employer les moteurs de la coalition ; à vrai dire, il n’a discuté que ce dernier chef ; il s’est attaché seulement à prouver l’impossibilité : il a laissé la question de droit de côté ; il réserve sans doute sa colère et appellera la vindicte du pouvoir si quelques ouvriers viennent un jour ou l’autre se réfugier dans une association quelconque et lui demander la protection dont leur misère a besoin trop souvent.

 

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