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2 novembre 1834 - Numéro 7
 
 

 



 
 
    

Avant de traiter selon notre promesse la question des contraventions exercées par les chefs d?atelier contre les personnes étrangères à leur industrie et qui occupent des apprentis sortis de chez eux sans avoir satisfait aux conditions de leur apprentissage ou fait résilier leurs conventions, nous croyons convenable de mettre sous les yeux des lecteurs le texte même de l?un des jugemens rendus par le tribunal de commerce de Lyon, sur cette question. Ce jugement semblable à celui rendu entre Charles et Lyonnet, a trait à l?affaire de Manlius, fabricant, contre Masson, cordier.

En fait : Masson avait été condamné par jugement des prud?hommes du 21 novembre 1833, à payer 150 fr. de dommages intérêts, à Manliusi, pour avoir occupé sans livret Claude Revis, son apprenti. Le tribunal de commerce, sentant l?importance de cette cause, la mit en délibéré et rendit, le 4 avril dernier, le jugement suivant :

Vidant le délibéré ;

Considérant que les conseils des prud?hommes sont des juridictions spéciales et exceptionnelles, dont la compétence de chacune d?elles doit être déterminée par qui l?a instituée, et le genre d?industrie représenté dans chaque conseil ; qu?il suffit pour s?en convaincre, de lire les différentes ordonnances instituant les conseils existans et les attributions spéciales et différentes qui leur sont données ; que l?article 11 du décret du 11 juin 1809, sainement interprété ne laisse aucun doute à cet égard.

Considérant que le décret du 18 mars 1806, portant : établissement d?un conseil de prud?homme à Lyon, porte : article premier, que ce conseil sera composé de négocians fabricans et de chefs d?atelier ; qu?évidemment il s?agit ici de l?industrie pour la soie, dans toutes ses variétés et dépendances directes, et pour la chapellerie, deux branches qui étaient et sont encore les industries dominantes et principales de la localité.

[3.1]Considérant que si les termes généraux employés dans ladite ordonnance pouvaient prêter à une interprétation plus large, l?application faite depuis l?institution des prud?hommes à Lyon, détermine suffisamment les limites qui ne doivent pas être dépassées.

Considérant qu?en effet ces deux industries seules sont appelées à participer aux élections des conseils des prud?hommes et à en faire partie.

Considérant que si la loi réglementaire, relative aux manufactures, fabriques et ateliers, porte dans son Titre III, article 2, que nul individu, employant des ouvriers, ne pourra recevoir un apprenti sans congé d?acquit, sous peine de dommages intérêts. Cette disposition n?est évidemment applicable qu?aux chefs d?atelier d?une même industrie, ou des industries similaires, pour empêcher qu?un concurrent, dans, le but de nuire, puisse impunément suborner un apprenti dont le travail, alors qu?il commence à être instruit, doit dédommager son maître des peines et soins qu?il lui a prodigués pour apprendre son état.

Considérant que si un chef d?atelier en recevant un ouvrier compagnon pour l?occuper dans son industrie, ne peut ignorer qu?il a fait un apprentissage puisque la qualité qu?il prend le lui indique et lui impose l?obligation de se conformer aux lois et réglemens sur la matière sous les peines de droit, il ne peut en être de même à l?égard de toute personne étrangère à l?industrie qu?il professe, l?occupant par un travail mensuel, qui n?exige aucun apprentissage, puisque alors rien ne met à même celui qui le reçoit de savoir si cet ouvrier commet un délit dont pourtant il serait puni comme complice.

Considérant dans l?espèce, que Masson est cordier, que cette profession ne le rend pas justiciable du conseil des prud?hommes de Lyon, qu?il soutient que Revis s?est présenté chez lui sans lui faire connaître qu?il fût apprenti ouvrier pour les étoffes de soie, qu?il lui a demandé à être employé dans sa corderie, comme simple man?uvre, que le contraire n?est pas établi et que dans tous les cas ces deux industries n?ont aucune analogie.

Par ces motifs, le tribunal jugeant en dernier ressort, dit et prononce, qu?ayant égard à l?incompétence proposée, il a été mal jugé, bien appelé, émendant décharge Masson des condamnations contre lui prononcées ordonne que la cause et les parties sont renvoyées devant les juges qui en doivent connaître.

 

 

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