L'Echo de la Fabrique : 9 novembre 1834 - Numéro 8

FAMILLE SAINT-SIMONNIENNE.

Dimanche dernier ont eu lieu les funérailles de Marguerite Belvèze, saint-simonienne. L’autorité s’étant opposée à ce que le cercueil fut recouvert du drap et des insignes de la société, et cette dernière ayant refusé de se servir du drap mortuaire ordinaire, il en est résulté que ce cercueil a été privé de toute enveloppe. Deux discours ont été prononcés sur la tombe, l’un par la demoiselle Reverdet, l’autre par M. Terson, apôtre1. M. Prat, commissaire central de police, a saisi celui-ci. Nous reproduisons le premier.

Frères et sœurs, disons adieu à Marguerite Belvèze, que nous venons d’accompagner ici ; disons-lui adieu, car tous éternellement nous ne nous retrouverons que dans le sein de Dieu.

A voir la fréquence de nos apparitions au milieu des tombeaux, ceux qui ne jugent que d’après des faits matériels, sourient à l’idée que bientôt les restes du dernier saint-simonien pourront être déposés dans ce lieu, sans la moindre escorte. A ceux-là, ne rendons pas sarcasmes pour sarcasmes ; absorbés qu’ils sont par le présent, ils ne comprennent pas le passé, et n’ont pas le sentiment de l’avenir.

Mais nous, qui sommes jetés en avant, comme des points qui doivent indiquer le passage, marchons avec calme, le monde saura bientôt, s’il ne le sait déjà, que la cendre de nos morts, n’est pas dans un lieu unique et que le soleil l’éclaire déjà en Orient comme en Occident !

A ceux qui ne jugent que d’après des faits matériels, d’immenses travaux accomplis, viendront bientôt révéler que la famille saint-simonienne, ne se compose pas d’une poignée d’individus, qui ne s’occupent que de leur bien-être particulier ; ils sauront que son ambition est plus noble et plus belle, qu’elle aspire au bonheur de l’humanité.

Ici nous devons expliquer notre pensée toute entière ; par humanité, nous comprenons tous les membres de la grande famille, portant face humaine ; chaque individu, homme ou femme, concourant à l’œuvre générale, selon les facultés qu’il tient de la Providence.

C’est à ce titre, que nous femmes, accomplissons aujourd’hui un acte religieux, et que nous venons remplir l’un des devoirs que la société impose à ses membres.

Marguerite, qui fut la compagne de Belvèze, était pénétrée des sentimens que nous venons manifester ici ; éclairée par la foi nouvelle, elle s’est endormie au sein de Dieu, en croyant à la vie éternelle !

Devant cette conviction, disparaissaient tous ses maux, elle avait compris que tout progrès s’enfante douloureusement, et qu’après les jours de souffrance, viennent les jours de joie ; c’est aujourd’hui la consolation de celui auquel elle fut unie ! Adieu ! Marguerite !

Que ton exemple nous soit en aide aux jours de la douleur ; et que ceux qui nous entoureront alors, témoignent par leur amour, comme il arrive aujourd’hui pour toi, que notre mission dans ce monde a été remplie dignement. Adieu !

Notes de base de page numériques:

1 Référence ici à Jean Terson (1803-1885).

 

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