L'Echo de la Fabrique : 20 décembre 1834 - Numéro 14

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 18 décembre.

présidence de m. ribout.

– Sur trente-deux causes appelées, treize ont été renvoyées, soit à huitaine, soit devant arbitres ; trois retirées, et huit ont fait défaut.

– Un ouvrier emprunteur à la caisse de prêt, lorsqu’il quitte sa profession, est passible de suite du payement intégral de la somme empruntée.

Ainsi jugé entre l’agent comptable et Richard, chef d’atelier.

– Un apprenti, dont la santé ne permet pas de continuer la fabrication des velours, dont le maître absente fréquemment, son épouse n’étant pas de la partie, est-il en droit de faire résilier ses conventions ? Oui, la somme donnée au chef d’atelier lui reste allouée à titre d’indemnité. Néanmoins, si la santé de son élève se rétablit et qu’il reprenne la fabrication des velours, le chef d’atelier rentrera dans ses droits.

Ainsi jugé entre Theylan et Mathevon, apprenti.

– Lorsque les parens d’une apprentie s’obstinent à ce que leur enfant ne rentre pas chez son maître pour y finir son temps, sont-ils passibles d’une indemnité ? Oui, et l’apprentie ne pourra se placer qu’en cette qualité.

Ainsi jugé entre Ve Buisson et Gorlier, chef d’atelier.

– MM. Broche et Ce, ont fait saisir trois pièces de blondes étoilées, chez le sieur Palatin. Le conseil ayant décidé que la copie n’était qu’indirecte a renvoyé les parties devant les tribunaux compétens, pour statuer sur l’indemnité, s’il y en a une.

– Lorsqu’un maître a la faiblesse de prendre, comme ouvrier, un lanceur qui n’a point fait d’apprentissage, est-il passible du salaire de cet ouvrier ? oui, néanmoins ils sont renvoyés devant arbitre, pour visiter et régler le compte.

Ainsi jugé entre Freget, chef d’atelier et Ve Loguoti.

[3.2]Nous ne saurions trop recommander aux chefs d’atelier de se mettre en garde contre leur propre faiblesse, dont abusent souvent ceux qui les exploitent : car il arrive souvent qu’un négociant, impatient de se voir au terme de ses travaux, et de s’asseoir sur des monceaux d’or ravis aux labeurs des ouvriers, ne rougit pas, après avoir restreint les façons à leurs taux le plus bas, de profiter du plus léger prétexte pour en retenir une partie, qui doit servir à grossir le chiffre de son inventaire. Le fait suivant vient à l’appui de ce que nous disons :

Ces jours passés, un chef d’atelier rendit une pièce, dont cinq aunes, à peu près, étaient moins réduites que le reste de la pièce ; la différence de réduction était peu sensible, mais elle ne fut pas moins un prétexte d’injures de la part du négociant, suivies de menaces de rabais, qui de suite furent mises à exécution, et d’un trait de plume, dix aunes furent portées sans façon. Le chef d’atelier, fort de son droit et révolté d’une semblable injustice, s’opposa énergiquement à ce rabais, et menaça le négociant de le faire paraître au conseil.

Ce dernier consentit cependant à ne faire supporter le rabais que sur les cinq aunes. Le chef d’atelier insiste pour n’en supporter aucun. Les réclamations étant insuffisantes, il fut chercher un billet pour le conseil des prud’hommes, et revint le présenter au négociant cupide, lequel croyait exploiter la faiblesse d’un pauvre diable avec impunité. La résolution définitive du chef d’atelier eut son effet ; la crainte du stigmate de la publicité fit respecter la propriété sacrée de l’ouvrier, qui est le travail, et le rabais tenté n’eut pas lieu !

Chefs d’ateliers, si l’étoffe que l’on vous donne à confectionner n’est pas telle qu’elle doit être ; si elle sort de vos ateliers dans un état qui compromette son écoulement, c’est un malheur dont vous devez supporter les conséquences : mais si elle n’a qu’une infériorité qui nécessite la comparaison pour la distinguer, ne vous soumettez pas au rabais discrétionnaire du négociant, car en vous diminuant le montant de votre façon, il ne compense pas la perte qu’il pourra faire, parce qu’il n’en fera pas ; mais il grossit son bénéfice !

Soyez fermes et calmes, et vos intérêts seront respectés.

Notes de fin littérales:

i. Il serait à désirer que les maîtres entendissent un peu mieux leurs intérêts et que sur l’appât de quelques mille dont ils s’imaginent ne pas payer de façon, ils ne prissent pas des lanceurs pour ouvriers qui n’ont ni livret, ni acte d’apprentissage, tandis que des ouvriers habiles restent dans l’inaction.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique