L'Echo de la Fabrique : 21 décembre 1834 - Numéro 14

La lutte judiciaire que la tribune prolétaire est appelée à soutenir dans l?intérêt de la classe ouvrière n?est pas encore terminée. Le procureur du roi a interjeté appel devant la cour du jugement rendu le trois de ce mois qui condamne notre gérant à un mois de prison et 200 fr. d?amende. On se souvient qu?il avait succombé sur la question des nouvelles politiques, ou prétendues telles (car nous nions formellement d?en avoir jamais donné) et il veut faire reformer le jugement sur ce chef.

Notre intention était de subir une condamnation qui nous paraissait injuste, pour, dans l?intérêt de la presse ne pas soumettre à des chances nouvelles ce que nous avions obtenu ; mais nous avons dû suivre l?exemple du parquet et appel a été émis en ce qui nous concerne.

La discussion va recommencer devant d?autres magistrats ; nous espérons que la cour confirmera le jugement de première instance sur le chef dont le procureur du roi a fait appel. Nous essayerons ensuite de lui faire comprendre, que c?est à tort que les premiers juges ont décidé par une pétition de principes, c?est-à-dire en mettant en fait ce qui était en question, que nous avions parlé politique. Politique ! le vague de ce mot est effrayant : si par lui l?on entend ce que tout le monde entend et ce que comporte son acception usuelle nous disons que nous n?avons pas parlé politique. Si l?on veut englober sous ce terme générique de politique, les questions d?économie sociale, impôts, salaires, émancipation, progrès humanitaire, nous dirons avec franchise que nous les avons traités dans la ferme conviction que nous en avions le droit, et si l?on veut nous interdire ce droit, nous demanderons alors que l?arrêt le prononce explicitement, afin de n?être pas exposés à commettre de nouveau à notre insu le même délit.

Une dernière réflexion : notre intention n?a jamais été d?éluder la loi : dura lex sed lex, mais nous avons cru pouvoir continuer d?écrire dans le même sens que nous l?avions fait dans l?Echo de la Fabrique depuis décembre 1831 jusqu?au mois d?août 1833, et dans l?Echo des travailleurs, depuis cette époque jusqu?en mars 1834 ; nous avons cru pouvoir continuer de traiter les mêmes questions, et puisque de l?aveu du  Tribunal le meilleur mode d?interprétation d?une loi est l?exécution qui lui a été donnée, nous pensons que c?est mal à propos que le parquet qui a approuvé par son silence à l?égard de ces journaux, sinon nos doctrines, du moins notre manière de les formuler, s?est montré tout à coup hostile à la Tribune Prolétaire. A lui permis de changer de principes, [1.2]mais il nous semble qu?il nous en devait l?avertissement par principe de justice ; nous aurions ensuite marché à nos périls et risques.

Ce double appel nous engage à renvoyer à un n° plus rapproché du jour où nous serons définitivement jugés, les considérations que nous nous proposions de présenter sur le jugement du tribunal de police correctionnelle qui nous a condamné.

Me Jules Favre nous prêtera encore l?appui de son talent.

 

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