L'Echo de la Fabrique : 28 décembre 1834 - Numéro 15

BANQUIERS ET PROLÉTAIRES.

[2.2]Nous n’avions pas cru convenable d’appeler l’attention publique sur les poursuites dirigées contre la société Bonnard Charpine et Ce, aussitôt que, par une coïncidence fatale, le Courrier de Lyoni1 l’eût comme qui dirait dénoncée ; mais les autres journaux n’ayant pas imité notre silence, nous ajouterons aux détails connus (l’appel de ces messieurs devant le juge d’instruction, le 28 octobre dernier) un on-dit que nous verrions démentir avec plaisir. On assure que le Procureur du Roi exige pour cesser ses poursuites que la nomination des gérans soit irrévocable et que le nombre des actionnaires soit restreint. Si cette prétention est vraie, il en sera facilement fait justice lorsque le ministère public persistant à voir une violation de la loi contre les associations dans une tentative de quelques chefs d’atelier et compagnons d’améliorer leur sort par la réunion de leurs travaux, traduira devant le tribunal de police correctionnelle la maison Bonnard Charpine et Ce. Indépendamment des moyens de fait et de droit que leur avocat saura faire valoir, nous croyons utile d’appeler l’attention sur un fait qui se passe en ce moment à Marseille (Voyez n° 9 Mémorial historique). Une banque d’escompte vient de se former dans cette ville ; trois mille actions de 1 000 fr. chaque sont mises, et sans doute elles sont placées ; car il est vrai de dire qu’un grand nombre de citoyens ont 1 000 fr. disponibles plutôt que d’autres 25 fr. Nous n’avons pas appris que le ministère public de Marseille ait fait appeler les fondateurs de cette banque et leur ait proposé, soit l’immutabilité des gérans, soit la réduction du nombre des actionnaires sous peine d’être poursuivis en vertu de la dernière loi sur les associations. Pourquoi donc la maison Bonnard et C° a-t-elle été inquiétée ? Est-ce que la justice aurait deux poids et deux mesures ? Nous ne le pensons pas, et nul doute, il sera permis aux prolétaires lyonnais de suivre l’exemple des banquiers marseillais.

Notes de base de page numériques:

1 Probablement ici, Journal des annonces judiciaires du ressort du tribunal civil, affiches et avis divers de la ville de Lyon, publié depuis 1821.

Notes de fin littérales:

i. Le Courrier de LyonCourrier de Lyon en insérant l’acte de société de cette maison dans ses annonces conformément à la loi, appela sur elle l’attention de ses lecteurs ; la poursuite du parquet ne se fit pas attendre ; autant en est arrivé à la Tribune ProlétaireTribune Prolétaire. Le Courrier de LyonCourrier de Lyon joue de malheur ! Nous profiterons de cette occasion pour dire un mot du monopole qu’exerce le journal CrochetLe Crochet. Dans la dernière session, une loi a été rendue sur la proposition de M. J. LefèvreLefèvre J. en vertu de laquelle tous les actes de société doivent être insérés dans un ou deux journaux dont le choix a été laissé au tribunal de commerce. Cette loi est très sage, et nous voudrions que toutes les insertions judiciaires (ventes par autorité de justice, ouvertures d’ordres, de distributions, etc.) soient obligatoires dans un journal. La faculté laissée au tribunal de commerce d’en désigner deux est vicieuse à notre avis. On sent combien serait plus facile la recherche des insertions judiciaires dans un journal spécial et ad hoc ; un autre avantage en résulterait ; les journaux politiques et littéraires ne seraient plus, en quelque sorte, maculés par cette introduction de matières hétérogènes ; ils vivraient de leur vie propres et se soutiendraient par eux-mêmes. A Lyon, les Petites AffichesLes Petites Affiches étaient la feuille convenable pour les insertions, cependant le tribunal de commerce a désigné le Courrier de LyonCourrier de Lyon et par là lui a accordé un fonds de subvention assuré que ses fondateurs n’avaient pas prévu, et qu’il ne doit pas au mérite de sa rédaction. Les autres journaux par un sentiment naturel de convenance n’ont rien dit, mais le but louable de la loi de débarrasser les journaux de matières insipides pour ceux qu’elles n’intéressent pas directement, n’a pas été atteint ; un monopole a été créé, c’est à nous de nous élever contre. Espérons que le tribunal de commerce lorsqu’il sera appelé de nouveau à faire un choix, se souviendra de nos réflexions présentées dans l’intérêt général et adoptera les Petites AffichesLes Petites Affiches pour l’insertion des actes de société. Le tribunal civil sera amené à en faire autant pour toutes les insertions judiciaires. MM. les avoués qui reçoivent gratis le Courrier de LyonCourrier de Lyon recevront à la place les Petites AffichesLes Petites Affiches, et ils ne perdront pas au change ; bien au contraire.

 

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