L'Echo de la Fabrique : 18 janvier 1835 - Numéro 3

LES TROIS VOYAGEURS.

(Suite).

Nadir, l’aîné des trois fils, choisit la bourse ; Eliab eut pour lui le cheval et le coffre ; l’outre remplie d’eau resta à Osmin, comme au plus jeune des trois.

Ce partage inégal semblait devoir exciter quelques murmures ; mais le jeune, Osmin, qui seul aurait pu se plaindre, se soumit sans peine en pensant aux leçons de son père et à la bonté du Génie.

Le même jour ils se mirent en marche. Nadir serra soigneusement son trésor ; la crainte des voleurs le troublait à chaque pas. Couvert d’un simple habit d’esclave, il s’imposait les privations les plus pénibles, afin de détourner les soupçons des voyageurs, dans lesquels son inquiétude lui faisait voir autant d’ennemis ; il ne sentait que le poids de son or, dont il ne pouvait ni se défaire ni jouir.

Eliab, monté sur son superbe cheval et couvert de riches habits, attirait sur lui tous les regards ; son orgueil, délicieusement flatté, lui fit dédaigner bientôt la société de ses frères. A la seconde journée, il piqua des deux, et disparut en leur souhaitant un bon voyage.

Le jeune Osmin, chargé de son outre et un bâton à la main, cheminait gaîment ; tous les gîtes étaient bons pour lui ; ses compagnons de voyage devenaient bientôt ses amis et le soulageaient souvent du poids de son fardeau.

Nadir, cependant, ne tarda pas à le quitter. La confiance et l’humeur enjouée de son frère lui firent craindre quelque indiscrétion qui pourrait compromettre son trésor. Il prit seul un chemin détourné, hérissé de montagnes et de précipices, mais où il se crut à l’abri des voleurs qui infestaient la plaine : le jour il marchait brûlé par le soleil et toujours incertain de sa route ; la nuit il n’entrait qu’avec défiance dans de misérables chaumières ; rarement il détachait quelques parcelles de son or, dont il payait les secours qu’on lui offrait avec regret. Enfin, un désert aride se présente à ses yeux : effrayé à l’aspect de cette immense solitude, il regretta son jeune frère, dont la société aurait charmé la roule et soulagé ses peines. Il pouvait s’associer un compagnon, mais la crainte de partager avec lui, d’en être dépouillé peut-être, le retint, et après avoir invoqué le Génie bienfaiteur auquel il recommandait sa vie et ses richesses, il continua sa route à travers une mer de sable.

(La suite au prochain numéro).

 

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