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1 février 1835 - Numéro 20
 

 





 
 
     

[1.1]Nos lecteurs curieux d?apprendre le résultat de notre affaire par-devant le tribunal correctionnel seront forcés d?attendre à un prochain numéro ; car le tribunal a encore renvoyé à mardi février, pour prononcer le jugement.

Nous prions le facteur de Saint-Etienne (Loire), qui porte les journaux dans le quartier dit : Aux trois Coins, de ne pas oublier de remettre notre feuille aux deux Abonnés que nous avons à la maison Ravel, lesquels par deux différentes fois n?ont pas reçu leur numéro.

DES RENVOIS EN CONCILIATION.

Ordinairement les parties qui se présentent au conseil des prud?hommes ont besoin d?une prompte justice, pour que les avantages du droit que ses décisions font respecter ne soient pas détruits par les sacrifices qu?impose toujours la comparution à plusieurs audiences.

La richesse de l?ouvrier, c?est le travail ; et chaque instant qu?il est forcé de dérober à cette source honorable de toute aisance, de toute prospérité, est une perte énorme dont il ne peut nulle part rencontrer la compensation. Il n?a pas pour lui les chances d?un hazard heureux ; tout dans sa position semble être d?une fatale et éternelle fixité ; il n?exploite que sa main d??uvre, lui ; et le gain qu?il en retire n?atteint presque jamais les exigences de son nécessaire ; donc l?intérêt qu?il veut faire respecter, quelque peu important qu?il soit, doit être précieux et sacré.

Pour ceux dont une destinée heureuse berce l?existence, l?intérêt qui met en cause un ouvrier avec celui qui l?exploite est toujours d?une valeur si mince, qu?ils ne supposent d?autres motifs à ses réclamations qu?un penchant à la chicane et à la tracasserie. Eux qui ne connaissent d?autres privations que celles d?un plaisir noble et pur, ils ne comprennent pas que quelque soit la valeur de l?intérêt pour lequel l?ouvrier réclame, il s?agit toujours pour lui, non pas d?une question de fortune ou d?amour-propre, mais d?être assujetti à une somme moins grande de maux et de privations. Nous qui sommes des ouvriers, qui buvons [1.2]à la même coupe de nos frères, nous éprouvons toute l?amertume de leur position, et la faire cesser ou l?adoucir, est l?objet constant de tous nos efforts et de notre ambition. C?est dans ce but que nous signalons un abus qui rend illusoire la justice des prud?hommes, qui sont les juges du droit industriel.

Depuis quelque temps nous avons remarqué au conseil des prud?hommes qu?un grand nombre d?affaires restaient long-temps en instance, et bien que le chef d?atelier ait obtenu gain de cause, il s?est trouvé aussi avancé que s?il s?était soumis à l?injustice qu?une volonté cupide voulait exercer contre lui ; de sorte que sa cause quelque juste qu?elle ait été, a eu des résultats tout opposés à ceux sur lesquels il comptait ; car il a fallu pour satisfaire aux investigations des prud?hommes, perdre un temps précieux dont la valeur était bien au-dessus de celle du droit qu?il réclamait.

Les renvois en conciliation sont nécessaires en raison de l?arbitrage des objets qui donnent lieu à la contestation. Ils sont utiles ; car bien souvent en conciliation le caractère de la difficulté qui s?est élevée entre deux parties, se modifie et permet aux arbitres de rapprocher les intérêts, sans qu?aucun ne soit froissé ; mais pour que ces renvois aient leurs heureux effets, il faut que la décision soit expéditive et complète, autrement ce qu?il y a de bon et d?utile dégénère en un abus qui en enfante une quantité d?autres. Il arrive souvent qu?une même cause est renvoyée une infinité de fois de l?audience en conciliation et de la conciliation à l?audience. Quels sont les résultats de ces renvois successifs ? c?est de faire perdre beaucoup de temps aux parties ; d?établir entr?elles une antipathie systématique, qui rompt l?harmonie et la bonne foi des relations ; c?est enfin de décourager le chef d?atelier, auquel on enlève adroitement une partie de son salaire, de recourir au conseil ; car souvent sa misère lui fait calculer s?il n?aura pas plus d?avantage à subir la loi de l?égoïsme que de s?en affranchir. Le sentiment intime que quelques chefs d?ateliers ont de leurs droits, fait qu?ils ne reculent pas devant les conséquences des sacrifices auxquels ils sont exposés. Honneur à eux ! car leur résolution met un frein à de scandaleuses rapines. Mais le nombre des chefs d?atelier dont nous parlons n?est pas assez grand. Malheureusement le plus grand nombre, soit calcul, soit faiblesse ou défaut de compréhension, n?apportent pas son concours aux efforts courageux du petit nombre ; et par-là un champ vaste reste ouvert aux exactions et aux turpitudes de toute espèce, créées par la classe mercantile.

Notre palladium, la garantie de nos droits, comme travailleurs, [2.1]nous devons les trouver au tribunal populaire dont les juges sont nos élus, et c?est pour que les avantages que leur justice doit nous conserver ne soient pas une chimère, que nous réclamons d?eux l?économie du temps de l?ouvrier ; car son temps lui est bien cher.

Nous voudrions que le conseil et les arbitres fussent plus sobres de ces renvois et qu?ils ne cédassent qu?à la nécessité. Une justice expéditive doit être un des caractères principaux du conseil des prud?hommes. Nous pourrions citer un grand nombre de causes qui justifient nos observations, dont nous pensons que le conseil tiendra compte. Par-là les ouvriers qui se présenteront à lui ne seront plus exposés de se voir, après tout compte fait, comme ces sortes de plaideurs qui se sont ruinés pour obtenir la jouissance d?un droit dont les avantages étaient d?une valeur la moitié moindre que celle de ceux qu?il leur a fallu sacrifier.

AVIS AUX CHEFS D?ATELIER.

Dimanche dernier, 25 janvier, un jeune homme se disant apprenti, s?est présenté chez le sieur Mauban, revendeur d?ustensiles pour la fabrique, nouvellement établi, rue Dumenge, à la Croix-Rousse, pour lui offrir la vente d?une roue de régulateur avec son pignon. Cette offre faite par ce jeune homme, fit soupçonner au sieur Mauban que l?objet avait été dérobé. Il convient du prix, s?empare de la roue et dit au jeune homme que pour le payement il n?entendait le faire qu?au maître qui l?avait chargé de la vente dudit objet.

L?apprenti alors s?est enfui précipitamment, laissant la roue en possession du sieur Mauban. Le chef d?atelier à qui cette roue appartient peut la réclamer au sus-dénommé qui est prêt à la rendre.

Le sieur Mauban prévient les chefs d?atelier qu?il tient un assortiment de toutes sortes d?objets pour la fabrique d?étoffes de soie, à des prix très-modérés.

Le public curieux d?apprendre combien les fabricans d?étoffes de soie de Lyon occupent de métiers seront satisfaits en lisant le tableau ci-après. Ce travail a été opéré par les soins de M. Gasparin, en 1833i.

SITUATION DES MÉTIERS AU 1er JANVIER 1833.

département du rhône.

Arrondissement de Lyon.

Cantons.Nombre de Métiers.
L?Arbresle,1,020
Condrieu,50
Saint-Genis-Laval, 958
Givors, 104
Saint-Laurent-de-Chamousset, 214
Limonest, 320
Mornand, 82
Neuville, 784
Saint-Symphorien-sur-Coise, 31
Vaugneray, 390
Lyon, 16,857
La Croix-Rousse, 6,259
La Guillotière, 2,300
Vaise, 404

Arrondissement de Villefranche.

Anse, 11
Beaujeu, 11
Belleville, 11
Bois-d?Oingt, 99
Monsol, 99
Saint-Nisier-d?Azergue, 99
Tarare, 1,170
[2.2]Thizy, 26
Villefranche, 2
Total : 31,081

Il est probable qu?en faisant la même opération dans les départemens de la Loire, de Saône-et-Loire, de la Drôme, de l?Isère, de l?Ain, etc., etc., on trouverait plus de neuf mille métiers ; ainsi je ne crois pas exagérer en portant à 40,000 le nombre total des métiers en soie qui, en 1833, travaillaient pour les fabricans de Lyon.


i. Extrait de la brochure de M. A.-D., dont nous avons parlé dans notre dernier numéro.

AVIS AUX ÉLECTEURS

des prud?hommes de la 4e et 5e section.

L?autorité s?est empressée de faire droit à une importante réclamation concernant la liste des chefs d?atelier, appelés à élire leurs prud?hommes. En conséquence, 53 électeurs qui figuraient par erreur sur la liste de la 5e section, ont été replacés à la 4e section à laquelle ils appartiennent.

Les électeurs des prud?hommes du quartier St-Clair et Caluire, faisant partie de la troisième section qui comprend une partie de la Grande-Côte, clos Casati, etc., ont été surpris de ne pas voir leurs noms figurer sur la liste électorale de leur section respective. Malgré cet incident, nous croyons que les électeurs de St-Clair et de la commune de Caluire seront admis à l?élection de leur prud?homme.

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Audience du 29 janvier.

présidence de m. ribout.

Sur dix-neuf causes appelées, deux ont été renvoyées, trois ont fait défaut et sept ont été renvoyées, soit à huitaine, soit en arbitrage.

Lorsqu?un apprenti qui avait été placé dans un atelier de façonnés, pour y faire en même temps sa théorie, veut en sortir pour travailler sur les velours et les unis, est-il passible d?une indemnité ? ? Oui. Mais comme l?apprenti avait encore vingt-un mois à faire, que du reste la théorie ne devait être enseignée qu?à la fin du temps de l?apprentissage et sans l?empêcher de travailler, la somme de 400 fr. qui a été allouée au chef d?atelier, dans laquelle ont été compris les premiers 100 fr. qu?il avait touchés en passant les conventions verbales nous paraît trop faibles, vu que toutes les fois qu?un élève ne fait pas son temps par son fait et sans causes légitimes de plaintes, il doit être passible, non-seulement de la somme intégrale que porte la convention pour prix de l?apprentissage, mais encore d?une indemnité voulue par l?usage, qui est de 200 fr.

Ainsi jugé entre Biollet, chef d?atelier, et Bernard, apprenti.

Lorsqu?un apprenti a passé deux mois et demi chez un chef d?atelier et que comme les conventions que ce dernier est dans l?intention de passer ne lui conviennent pas, il veut se retirer, est-il passible d?une indemnité ? ? Oui. Laquelle a été fixée d?abord à 50 centimes par jour pour frais de nourriture, puis à la somme de 40 fr. pour le temps perdu ; vu que le chef d?atelier a été amusé pendant long-temps, dans l?espoir d?en venir à passer les conventions.

Ainsi jugé entre Perton, chef d?atelier, et Giraud qui avait présenté Richand pour apprenti.

Lorsqu?un chef d?atelier prend une autre profession qui l?éloigne de sa maison, un apprenti a-t-il le droit de faire résilier ses engagemens lors même qu?une personne remplace le chef d?atelier ? ? Oui : attendu que les conventions ont été passées avec le chef d?atelier et non avec une autre personne.

Ainsi jugé entre Renaud, chef d?atelier, et Joban, apprenti.

Une maîtresse qui prétend avoir été volée après avoir perdu sa clé, vu que sa porte ne fermait qu?avec un clou, doit-elle payer au marchand la soie qui lui manque ? ? Oui, et la pièce sera levée par le marchand assisté de deux membres du conseil.

Ainsi jugé entre Guillard, négociant, et Dlle Moulin, chef d?atelier.

[3.1]Dans cette cause, la maîtresse pressée par les questions de M. le président, a assuré au conseil que la soie lui avait été soustraite ; une enquête a été faite à ce sujet.

Quoi qu?il en soit, c?est le cas de s?élever contre le piquage-d?once ; car s?il n?existait pas on ne pourrait tirer partie des matières, par conséquent aucune soustraction ne serait faite.

Dans l?affaire de MM. Gelot, Ferière et Bofferding, attendu que dans une précédente audience les frais du montage des deux métiers étaient à la charge de MM. Gelot, Ferière, ils ont donc été jugés à donner pour prix d?indemnité la somme de 70 fr. 60 cent., sans considération du compte produit par le chef d?atelier.

Dans cette affaire, si M. Bofferding n?avait pas été interrompu, si le conseil lui avait accordé quelques instans pour expliquer sa cause ; le conseil, plus éclairé, aurait certainement alloué une indemnité plus forte au sieur Bofferding. Cependant il ne devait pas être interrompu, car il ne croit pas être contrevenu aux art. 13 et 85 du Code civil. On serait disposé à croire que le conseil, en refusant de l?entendre, a fait une infraction à ces mêmes articles, dont le dernier est ainsi conçu :

« Pourront les parties, assistées de leur avoué, se défendre elles-mêmes, le tribunal cependant aura la faculté de leur interdire ce droit, s?il reconnaît que la passion ou l?inexpérience les empêchent de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire pour l?instruction des juges. »

Si M. Bofferding s?est trouvé dans ce dernier cas, pourquoi ne pas permettre aux parties d?être assistées d?un défenseur officieux, qui puisse au moins éclairer le conseil sur la discussion à débattre ??

Depuis long-temps des chefs d?atelier manifestent le désir d?avoir des rapports entr?eux et avec les ouvriers, pour s?instruire du prix-courant des façons et en même temps apprendre quels seraient les fabricans qui auraient besoin de métiers. Pour éviter beaucoup de désagrémens et de pertes de temps à un chef d?atelier lorsqu?il cherche de l?ouvrage ; pour ne pas ouvrir vingt portes de magasin et puis parfois ne rien trouver ; pour éviter à un fabricant lorsqu?il a des commissions et qu?il est obligé de visiter nos ateliers pour se procurer les métiers nécessaires à cet effet. Eh bien, pour éviter tout cela, il faudrait que les chefs d?atelier aient une salle à l?Hôtel-de-Ville ou au Palais-St-Pierre. On tiendrait deux ou trois séances par semaine, de 11 à 2 heures auxquelles les chefs d?atelier vont à leur magasin. On trouverait encore de grandes économies par le prêt d?ustensiles qu?il serait facile de nous procurer : on sait qu?il arrive souvent qu?on ne monte pas certain métier faute d?avoir les ustensiles nécessaires, parce que s?il fallait les acheter, les bénéfices ne couvriraient pas les frais.

On trouverait encore mille autres avantages dans cette nouvelle institution, qu?il serait trop long de citer.

En conséquence les chefs d?atelier qui seront de cet avis voudront bien nous en faire part, et quand nous croirons que le plus grand nombre partagera notre opinion, quelques membres du Conseil en feront la demande à qui de droit.

SUITE DE LA VIE DU PROLÉTAIRE.

(Voyez les numéros 13 et 18.)

Jacques de retour de la guerre, passa quelque temps au village et quitta de nouveau sa famille pour reprendre l?exercice de sa profession. Il employa deux années à se perfectionner dans son état, car il désirait acquérir des connaissances-pratiques, plutôt qu?à réaliser quelques francs.

Le hasard lui fit faire connaissance d?une jeune personne, laquelle, par ses économies, avait pu s?acheter un métier et un petit mobilier ; bientôt après nos jeunes gens furent mariés. Alors, Jacques monta son métier de la petite dot de sa femme, que le beau-père lui avait comptée. Ce couple prolétaire vécut quelques années au milieu d?une amitié pure, que le riche connaît bien rarement, car celui-ci, quand il se marie, n?a bien souvent qu?un c?ur corrompu qui ne peut plus ressentir toute la tendresse d?une amie vertueuse. Notre nouveau industriel se trouvait donc heureux d?être uni avec une prolétaire ; il se trouvait donc heureux [3.2]en voyant grandir une petite famille, sous les yeux d?une mère qui ne connaissait que les principes de vertu d?une femme candide.

L?ambition perd souvent les hommes, et Jacques fut de ce nombre en voulant agrandir son atelier, quoiqu?il ne voulût le devoir qu?à son travail qu?il prolongeait bien avant dans la nuit, afin d?avoir plutôt les fonds nécessaires pour acheter deux métiers ; car, disait-il, quatre métiers, c?est joli ; je serai électeur au moins, et je pourrai nommer nos prud?hommes. Notre pauvre Jacques était tout enthousiasmé de sa chétive émancipation, et ne voyait pas que les fabricans égoïstes allaient à pas de géant sur le chemin de la rapine, pour pressurer les chefs d?ateliers, comme on le verra plus tard.

Cependant, malgré la misère qui attendait Jacques, malgré l?enthousiasme de son émancipation, malgré le plaisir de se voir au milieu de quatre métiers, malgré encore les visites fréquentes des amis qu?il avait faits dans l?association des mutuellistes, il songeait à l?avenir de ses enfans et les envoya en classe ; car personne mieux que lui ne savait si bien apprécier les avantages d?une honnête instruction dont lui-même en avait été privée, vu la pauvreté de ses parens et le peu de temps qu?il avait à y sacrifier, et puis d?ailleurs le curé de son villagei s?attachait plutôt à lui former un bon c?ur de chrétien et à lui apprendre son catéchisme, qu?à lui faire connaître les choses les plus solides de ce monde, qui nous mettent en garde contre les hommes de mauvaise fois.

C?est dans ces momens-là que Jacques croyait de posséder pour toujours le bonheur de la vie humaine ; eh bien ! c?est dans ces mêmes momens qu?il perdit à jamais ce bonheur qui n?était qu?un songe. On a dit plus haut que Jacques était un mutuelliste, n?est-ce pas ? Oui, de ces mutuellistes qui portent le c?ur sur la main, de ces hommes qui se sacrifient pour la chose publique, de ces hommes enfin qui veulent qu?on fasse leur droit pour établir des principes fixes et de justice ; eh bien ! lecteurs, vous ne vous imagineriez pas que les fabricans pour lesquels il travaillait l?ont caressé, l?ont mignardé pendant plus d?un an, en lui faisant remonter ses métiers toutes les pièces, et en le faisant chômer on lui faisait des demi-promesses qui lui faisaient espérer que les bénéfices de l?avenir auraient couvert les pertes du présent. Mais, hélas ! l?avenir fut bientôt détruit, ainsi que la Société qui aurait pu lui porter des secours. Jacques alors avait épuisé toutes ses ressources. On ne voulait pas autre chose pour le faire repentir de sa fermeté. Ses fabricans triomphaient ; car la misère, disaient-ils, est plus facile à exploiter, notre fortune sera plutôt faite, que nous importe le reste.

Enfin ses antagonistes, privés de conscience, quand bien même ils savent ce que valent la bravoure et la probité, refusèrent de l?ouvrage à Jacques, et préférèrent le donner à des chefs d?atelier qui fuyaient dans les campagnes, en faisant des spéculations d?égoïsme de bas étage ; car ceux-ci, en prenant des apprentis pour chaque métier et en les exploitant comme des bêtes de somme, travaillant 18 ou 20 heures par jour, et en les nourrissant avec des denrées qui coûtent peu. Qu?importe à ces hommes, petits-seigneurs au milieu de leurs apprentis, que leur monde s?use le tempérament et meure au bout de quelques années, après des souffrances inouïes. Savez-vous ce qu?ils disent : la Savoie, le Bugey, etc., nous en fourniront d?autres, et nous ferons nos affaires quand même. Comme il est facile à prévoir que ces misérables chefs d?atelier confectionnent l?étoffe à bien meilleur marché que ceux qui voient partout leurs semblables, qui ne veulent par conséquent exploiter personne, ceux-ci sont donc privés d?ouvrage bien plus souvent qu?à leur tour, et voilà pourquoi Jacques voulait une organisation de travail, et voilà aussi pourquoi les fabricans avec lesquels il avait été en rapport le rebutaient. Enfin, voyant qu?il n?y avait plus moyen de faire honneur à ses affaires, Jacques fut contraint de retirer ses enfans de l?école pour les utiliser à quelques travaux, afin que par leur petit produit, ils pussent prolonger leur subsistance jusqu?au retour des commissions, dont les bons fabricans savent faire la part à chacun. O humanité, que vous êtes méconnue dans un temps malheureux ! Voyez donc, hommes riches, la famille du brave Jacques qui souffre la faim en grelottant au coin de son feu.

Et vous pour qui la misère est un problème dont la sourde oreille ne saurait vibrer aux lamentations d?une mère de famille souffrante, et vers qui la voix du malheur se perd comme celle du Prophète dans le désert, que ne faites-vous parfois descendre vos regards sur la brute de l?indigence, peut-être alors daigneriez-vous partager le superflu de vos fatuités en faveur de l?infortune.

(La fin à un prochain numéro.)


i. On voudra bien se rappeler que le bon pasteur du village de Jacques fut son instituteur. Voir le n° 13.

NOUVELLES.

La Gazette médicale de Pétersbourg1 rapporte que l?on a sauvé un soldat frappé de la foudre au moyen d?une saignée [4.1]abondante : on l?avait mis en terre jusqu?au cou, il revint à la vie en cinq minutes, bien que le corps fût déjà froid au moment où il avait été inhumé.

méthode écossaise pour conserver les ?ufs.

Les habitans des montagnes d?Ecosse conservent leurs ?ufs d?une manière aussi simple que facile à employer ; ils les plongent pendant une minute ou deux dans de l?eau bouillante, de manière à coaguler une petite partie du blanc, et à former ainsi dans tout le pourtour de l??uf une couche mince qui en protége l?intérieur contre l?accès de l?air. Non-seulement cette méthode est beaucoup plus économique que le vernis de Réaumur, mais encore on la dit beaucoup plus efficace.

VARIÉTÉS.

histoire de la dénomination générique du casque.

Quelques recherches faites sur les diverses dénominations données simultanément et successivement à l?armure de tête, portent à croire qu?elle a été appelée haume dès l?origine de la langue romaine, et que le terme de chapel-de-fer y a été joint, pour désigner une espèce de casque plus léger, jusqu?à la fin du 15e siècle ; que depuis cette époque, à laquelle la forme du haume a éprouvé des modifications, on a employé avec les termes primitifs ceux de bacinet et bacinet-à-visière, et quelquefois celui de salade jusqu?à la fin du règne de Charles VI ; que du temps de Charles VII et Louis XI, les termes salade et salade-à-visière ont été le plus fréquemment usités de tous, et que c?est alors que les mots bourguignotte et cabassets se sont introduits dans le langage ; enfin, sous François I, le nom d?armet a été substitué à celui de haume, et toutes les différentes expressions auxquelles s?étaient jointes plus tard celles de morion et autres, ont été définitivement comprises, depuis le milieu du 17e siècle, sous celle de casque devenue générique. (Notice sur le musée de Dijon, par M. de Saint-Mermini1.)

AVIS.

Le 19 de ce mois, on a trouvé dans un chemin de la commune d?Echallas, le cadavre d?un homme inconnu. L?inspection faite par un médecin a constaté que la mort était le résultat d?une attaque d?apoplexie foudroyante.

Signalement :

Agé d?environ 35 ans, taille d?un mètre 67 centimètres (5 pieds 2 pouces), cheveux et sourcils noirs, yeux gris, nez aquilin, bouche moyenne, menton à fossette, visage rond.

Les vêtemens consistent en une veste ronde en drap bleu, un pantalon de ratine brune, un gilet rayé jaune et rouge, un gilet de dessous, en tricot de coton, une chemise en toile rousse presque neuve marquée P. L, des bas noirs, des bottes à revers et une casquette en drap bleu.
Un vieux parapluie en soie rose était à côté du cadavre.

? La demoiselle Clémence Berthet, atteinte d?aliénation mentale, a disparu depuis quelques jours du domicile de la dame veuve Berthet, sa mère, chez laquelle elle demeurait, à Lyon, rue de la Barre, n° 2.

Signalement :

Agée de 28 ans, taille d?un mètre 62 centimètres (5 pieds), visage très maigre, nez aquilin, les traits décomposés et contractés par la souffrance, le corps mince ; vêtemens noirs.

? La demoiselle Marie Bérard a disparu le 15 du courant du domicile de la dame veuve Feuillon, sa mère, culotière, avec laquelle elle demeurait, à Lyon, rue Mercière, n° 15.

Signalement :

Agée de 18 ans, taille d?un mètre 49 centimètres (4 p. 7 p.), cheveux et sourcils châtains, front découvert, yeux bruns, nez épaté, bouche moyenne, menton rond, une tache couleur chocolat de la largeur d?un centime au cou, beaucoup d?embonpoint.

Cette jeune personne était vêtue, le jour de sa disparition, d?une robe d?indienne fond brun à petits bouquets jaunes ; un fichu [4.2]en soie bleue à bordure jaune, avec un col rabattu en mousseline ; un tablier noir en coton, et un bonnet de calicot bordé d?une ruche en tulle ; son linge est marqué d?un F.

Les renseignemens qui pourraient être donnés sur ces trois personnes devront être transmis à la Préfecture du Rhône, division de la police.

? Le 6 janvier courant, Jean-Baptiste Vial, âgé de 9 ans, a disparu du domicile de son beau-père, le sieur Jasse foulonnier, demeurant à Vienne, chez le sieur Levret, maître cordier au Chemin Neuf.

Signalement.

Très-grand pour son âge ; cheveux et sourcils bruns ; front découvert ; yeux bruns ; visage ovale ; teint frais ; il lui manque une dent du côté droit.

Vêtemens.

Blouse bleue, pantalon bleu raccommodé aux genoux, bas de soie noire, chaussons et sabots ; chemise de calicot sans marque, bonnet noir.

Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cet enfant sont priées de les adresser à la Préfecture du Rhône, division de la police.

HYGIÈNE.

Vivant selon la nature, on est rarement pauvre ; mais selon les caprices, on n?est jamais riche. Les caprices sont insatiables et changeans ; mais la nature n?est ni prodigue ni ambitieuse ; elle se borne au vrai, au nécessaire. Ses besoins sont médiocres, tandis que ceux des caprices sont infinis comme l?imagination qui les crée. Le vrai a des limites ; le faux n?en a point.

? Les vifs plaisirs abrégent la vie ; de légères douleurs la prolongent.

? Le pauvre est souvent malade par le manque du nécessaire ; le riche par l?abus du superflu.

(Connaissances utiles.)

ERRATUM.

Dans le dernier numéro, paragraphe du conseil des prud?hommes, à l?affaire de Poly et Chapelle, au lieu de : l?élasticité du conseil, lisez : l?élasticité de la jurisprudence du conseil.

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Notes (NOUVELLES.)
1 Cette nouvelle a peut-être été rapportée dans la Gazette médicale de Paris. Journal de médecine et des sciences accessoires, publiée depuis 1830.

Notes (VARIÉTÉS.)
1 Il s?agit probablement ici de Notice sur une épée du temps de Charles VII, de la collection du musée de Dijon, publié par Charles Févret de Saint-Mémin (1770-1852).

 

 

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