L'Echo de la Fabrique : 8 février 1835 - Numéro 21

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du février.

présidence de m. ribout.

Sur dix-huit causes appelées, trois ont été retirées, cinq ont fait défaut et trois ont été renvoyées, soit à huitaine, soit en arbitrage.

Lorsqu’une apprentie s’absente du domicile de son maître, ce dernier peut-il prétendre à la résiliation des engagemens avec indemnité ? – Non ; l’atelier sera mis sous la surveillance, et s’il y a récidive, le conseil accordera la résiliation.

Ainsi jugé entre les mariés Rivolet, et Dlle Chol, apprentie.

Un chef d’atelier qui a résilié les engagemens d’une apprentie moyennant une indemnité que les parens doivent lui payer, ces derniers n’étant pas dans la possibilité de le faire pour le moment, peut-il exercer son recours contre le chef d’atelier chez lequel l’apprentie s’est replacée ? – Non ; attendu que l’apprentie ne s’est replacée qu’en cette qualité. Néanmoins le conseil a autorisé le chef d’atelier à inscrire sa créance sur le livret lorsqu’elle sera compagnonne, si d’ici là les parens ne l’ont pas satisfait.

Ainsi jugé entre Cottarel, Juliette, chefs d’atelier, et Dlle Chauvet, apprentiei.

Un chef d’atelier, lorsqu’un compagnon a travaillé chez lui sans déposer son livret, peut-il le renvoyer sans lui donner sa huitaine ? – Non ; attendu que si l’ouvrier est dans ses torts de ne [3.1]pas avoir remis son livret, le chef d’atelier ne l’est pas moins de l’avoir occupé sans exiger cette remise.

Ainsi jugé entre Fournier, chef d’atelier, et Rat, compagnon.

Néanmoins le conseil a cru dans cette audience pouvoir passer outre vis-à-vis d’un compagnon qui, ayant pris un métier pour quelques jours seulement, en remplacement d’un autre ouvrier qui avait été forcé de s’absenter (ce dont il avait été averti), réclamait sa huitaine sans avoir déposé son livret. Cette dernière circonstance ayant été considérée comme une preuve de son entrée précaire dans l’atelier, il a été débouté de sa demande.

Lorsqu’on prend une apprentie ourdisseuse à gages, pour trois ans, et que, la renvoyant au bout de deux ans, elle réclame son salaire, peut-on faire valoir la nullité de sa réclamation, attendu qu’on prétend ne lui devoir qu’à l’expiration de la troisième année ? – Oui ; si telles ont été les conventions écrites. Mais si elles ne sont que verbales et combattues contradictoirement par les parties, le conseil juge alors dans le sens ordinaire des engagemens de ce genre qui se font à tant l’année, et a accordé à la Dlle Millet, ourdisseuse, la somme de 40 fr., déduite de celle de 60 qui lui avait été promise par la dame Périer pour les trois années entières. Les avances faites seront compensées.

Dans l’affaire de MM. Lucquins frères, et Bernard, chef d’atelier, qui était pendante depuis un mois et demi, pour arbitrage, ce dernier formait quatre demandes.

La première portait sur un huitième qu’il prétendait lui avoir été retenu antérieurement à sa créance.

La seconde, sur le prix des châles. La troisième, sur un châle qui n’avait pas été porté à façon. Et la dernière, sur le remboursement d’une citation.

A l’égard de la première demande, le conseil a décidé que toutes les fois qu’un chef d’atelier reçoit d’un marchand d’ustensiles des objets que le négociant pour lequel il travaille est chargé de payer, d’après leurs conventions, le montant de la somme, quoique porté sur le livre postérieurement au jour où la livraison a été faite, peut être considéré comme avance à partir de l’époque où, avec facture, les ustensiles ont été remis au chef d’atelier ; attendu qu’il a joui dès ce moment des avantages qui ont déterminé les transactions avec le négociant. Or comme la retenue ne remontait pas à une date antérieure à la livraison des objets, le chef d’atelier a été débouté de sa demande sur ce point.

Sur la seconde prétention, comme MM. Lucquins, trouvant les châles trop légers, ont fait ajouter un coup de fond, ce qui fait deux coups au lieu d’un qu’ils avaient précédemment, le conseil a décidé qu’ils seront payés à quarante-cinq centimes le mille, au lieu de quinze francs le châle, prix auquel ils avaient été marqués.

Sur la troisième demande les parties étaient d’accord entr’elles avant l’audience.

Enfin comme MM. Lucquins frères avaient fait défaut, ils ont été passibles de tous dépens.

Notes de fin littérales:

i. Nous pensons que cette garantie est sans valeur, attendu que l’apprentie n’étant pas majeure, peut se refuser à cette inscription ne s’étant pas engagée par elle-même.

 

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